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Critique de fbalestas


Qu'est-ce qui fait qu'on se met à lire un livre à un moment donné ?

Pour moi, cet « Homme qui voulait être aimé » a une petite histoire.

En vacances en Catalogne, je zappais un peu au hasard sur les chaînes télé. L'une des rares chaînes françaises à être diffusée est LCP. Peu habituée à la regarder, je l'avoue, je m'intéresse néanmoins au sujet présenté, à savoir : « Georges Kiejman, un homme dans le siècle. » J'avoue que j'avais perdu de vue ce personnage qui me disait vaguement quelque chose, mais j'ai été prise au jeu et j'ai regardé le documentaire jusqu'au bout.

Peu de temps après, j'ai lu et commenté le livre de Vanessa Schneider « la fille de Deauville ». Peu familière de cette autrice, j'ai regardé ce qu'elle avait écrit d'autre, et je suis tombée sur « L'homme qui voulait être aimé » coécrit avec Georges Kiejman. J'ai voulu y voir un signe, le signe qu'il fallait que je lise aussi ce récit, et je l'ai réservé à ma Médiathèque préférée, qui me l'a livré il y a quelques jours.

Lu d'une traite, ce récit est une biographie de l'homme Georges Kiejman.
Né le 12 août 1932, cet homme a eu un parcours remarquable. Ses parents étaient des juifs polonais qui ont fui la misère avant la Seconde Guerre. Si son père et sa soeur seront déportés à Auschwitz, le petit Georges échappera miraculeusement aux rafles. Réfugié à la campagne, il finira par revenir vivre à Paris, où il vivra de petits boulots.

Commence alors la carrière - dont on a tous plus ou moins entendu parler – sa carrière d'avocat. Il n'arrête pas de parler, il a de bons résultats scolaires, et il travaille tout en menant ses études d'avocat. L'étudiant pauvre qu'il est va faire une série de rencontres décisives : Jacques Saporta, qui sera son bienfaiteur, puis René Moatti, puis Pierre Hebey. Il travaille chez Charly Bensard, en lui servant en quelque sorte de secrétaire, puis ouvre son bureau chez René Moatti, puisqu'il faut déclarer un lieu d'accueil de ses clients au Conseil de l'Ordre.

A 24 ans, marié et jeune avocat, il commence à avoir ses premières affaires sensibles. de retour du service miliaire en 1959, il quitte René Moatti alors défenseur de l'Algérie française, pour travailler avec un vieil avocat du parti communiste.

C'est le moment pour lui de connaître des affaires très intéressantes dans le domaine de l'édition où, en tant qu'avocat d'éditeurs, il aura à plaider différentes affaires de censure de textes.
Sa passion pour les livres naît de cette époque, alors qu'il a eu peu de livre dans son enfance, mais des souvenirs marquants de ses héros … tous orphelins comme lui. Plus tard il va découvrir Michel Leiris, Maurice Blanchot ou Pierre-Jean Jouve.

Et puis c'est le cinéma qui va l'occuper ensuite. Avocat des « Cahiers du cinéma », il défend aussi Simone Signoret, puis bientôt Yves Montand, François Truffaut, et bien d'autres. Il se rend à Cannes fréquemment, ce qui le ravît. Paraître aux bras de Jeanne Moreau sur le chemin du Majestic a dû être extraordinaire !

Mais la censure sévit aussi et il faut se battre pour que des films soient vus. Comme pour « La religieuse » par exemple de Jacques Rivette.

« Certains procès changent le cours d'une carrière et vous font sortir du lot » dit-il également. Pour Georges Kiejman, ce fut le cas du procès de Nicole Gérard, qu'il nous conte par le menu, puis de l'émission « Procès » d'Eliane Victor à la télévision, puis de Pierre Goldman et de très nombreux autres ensuite.

En parallèle, il commence à fréquenter des hommes politiques, dont son mentor et celui qui restera toujours sa référence : Pierre Mendès France, présenté par Françoise Giroud dont il est proche. de fil en aiguille, il se trouvera présenté à François Mitterrand, dont il deviendra relativement proche, puis deviendra Ministre délégué auprès du garde des Sceaux, un poste non sans difficultés, puis, à sa grande surprise, Ministre délégué auprès du ministre de la Culture et de la Communication, chargé de la Communication sous Edith Cresson, puis enfin Ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, non sans difficultés notamment avec Roland Dumas.

Mais ce qui est le plus intéressant, selon moi, dans « L'homme qui voulait être aimé », ce sont ses propos sur son métier d'avocat. Il plaidera pour Malik Oussekine, pour les époux Aubrac, pour Ibrahim Abdallah dont j'avais totalement oublié les circonstances, ou encore pour Liliane Betancourt et beaucoup d'autres.

« Qu'est-ce qu'un bon avocat ? » s'interroge-t-il page 125. « Quelqu'un qui, au-delà des personnes physiques dont il s'occupe, a le sentiment de servir une cause que l'on pourrait appeler la démocratie. » Belle formule qui résume bien le parcours d'un homme qui dit également que « être avocat et de gauche est une contradiction permanente. » On appréciera.

Il se trouve que je connais bien ce métier, de part des circonstances personnelles, sans toutefois l'avoir jamais exercé, mais que je me retrouve très bien dans ce qu'il dit des qualités d'un bon avocat.

Reste encore d'autres pépites dans ce récit - il nous dira aussi ce que ça signifie, « être juif », dans son histoire – et enfin il rendra hommages à celles qui ont beaucoup comptées dans sa vie, qu'elle soit professionnelle, artistique ou politique : les femmes qu'il a aimées.

Un récit très bien mené, un texte étincelant et joyeux qui met en lumière un homme intelligent et séducteur, qui a mené sa carrière d'orateur et d'avocat fidèle à ses convictions, ce qui n'est pas l'un de ses moindres mérites si l'on pense à ce qu'est la profession aujourd'hui. Bravo aux deux auteurs pour cette coécriture très réussie.
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