Femme à la mobylette

Moi. Une nuit. Tuer mes enfants. Voulu. Pas fait. Voulu.Me tuer après.

C'est la première fois qu'elle s'endort dans les mots et dans les bras d'un homme

La beauté, c'est ce qui fait paraître le reste du monde ordinaire.

Il n'y a rien de plus suspect que de devoir ajouter un autre mot derrière le mot "art". L'art n'est ni contemporain, ni classique, ni vieux, ni moderne, il est de l'art ou il n'en est pas.

C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à penser dans les musées. Quand j'ai regardé une œuvre ou deux, trois au maximum, mon regard ne peut plus rien accueillir et mon esprit se bloque. C'est vrai pour n'importe quel musée, n'importe où. Et je ne supporte pas ces gens qui racontent avoir vu tant de choses dans les musées. On ne leur demande pas de voir, on leur demande de regarder. Et si l'on regarde attentivement, profondément, le regard se perd dans le corps de l'image, notre imaginaire s'échappe et la pensée surgit. Sinon, à quoi servirait que des artistes aient usé leurs corps, leurs rêves, leurs idées, leurs recherches, et même leurs délires si c'était juste pour que leur travail soit vu ?

La mère de Reine s'était enfoncée très tôt dans la lecture, transformant sa vision du monde et de la nature humaine en lisant dès l'âge de quinze ans Les chants de Maldoror et Les fleurs du mal.

Elle est une mendiante. La semaine dernière, elle a dû demander une aide pour la cantine à la mairie. Elle n'y arrive plus, même si elle a arrêté de fumer. Jusque-là, elle avait toujours mis un point d'honneur à la payer. S'assurer que ses petits sont bien nourris au moins une fois par jour, et que ce repas c'est elle qui le règle.

Ça venait de la voix. Personne, en dehors des pauvres, ne peut crier si fort. Et qui d’autre qu’une femme née invisible peut pousser ce cri jusqu’au chant le plus puissant pour apparaitre au monde et dire : « Je suis là » ? Reine le dit sans arrêt : « Je suis là », mais sans réussir à obliger le monde à la regarder et à l’entendre. C’est la colère qui lui manque. Elle n’y arrive pas. Son corps ne sait plus que s’engourdir dans le malheur. » p 24 a – 12

Si seulement sa vie était comme une vieille robe ou un vieux manteau usé, elle saurait la transformer pour en faire un habit neuf. Le seul petit rai de lumière qu’elle entrevoit lui vient du jardin, malgré le tas de ferraille. Mais c’est une lumière fatiguée, vacillante, qui a du mal à percer toute cette opacité. Au fond, elle n’a rien voulu d’autre dans sa vie qu’inventer le paradis, sans pour autant l’étendre à toute la terre comme sa communiste d’Edmonde le lui avait appris. Reine voulait seulement l’inventer dans sa maison. Peut-être l’étendre jusqu’au jardin. Ça lui paraissait raisonnable. Plus réalisable que le paradis sur terre. Il fallait croire que non. » p 66 a 13

Une femme à mobylette, surtout une femme habillée de couleurs vives, même sous son imper transparent tâché de grosses pivoines rouges, est pour Jorgen une image éblouissante. Il dit le mot « éblouissant » dans une phrase bancale. Peut-être veut-il dire « bizarre » ou « étrange ». Il parle français avec un accent qui fait rouler les r et laisse ses fins de phrase se terminer en l’air comme si chacune d’elles était une question. » p 97 a – 10