A Kweku, l'acharnement semble réussir : il a quitté le Ghana pour les États-Unis, empoché son diplôme de médecin, est devenu l'un des meilleurs chirurgiens ce qui paraît justifier le sacrifice professionnel de sa chère épouse Fola, a acheté une maison, élève quatre enfants beaux et brillants.
Mais on ne quitte pas impunément sa terre natale, la fragilité reste là, prête à exploser au moindre accrochage. Face à l'épreuve qu'il ne maîtrise pas, à l'injustice qui veut détruire cette belle oeuvre courageusement assemblée, Kweku prend la fuite, les abandonne tous, et ils ne sont plus, tous les six, que six individus isolés, solitaires, déchirés, emportés par les vents et marées que la détresse amène à bafouer leur amour réciproque.
Taiye Selasi frappe fort d'entrée de jeu, écrivant un roman complexe, dans un style chatoyant, parfois abrupt, pas toujours facile à suivre, demandant parfois qu'on reprenne son souffle. Elle fait le choix d'un récit chaotique, comme la vie de ses personnages. C'est entre des bribes, des petits bouts accolés et épars, que le lecteur se débat, se sentant objet balloté dans les mains de l'auteur.
Taiye Selasi exalte les passions ; les frémissements sont des tremblements de terre, les émotions des tornades, et , tout paraît un peu poussé, un peu forcé. Dans ce récit d'un retour aux sources, il y en a souvent un peu trop, ce qu'on regrette, car
Taiye Selasi à une façon d'aborder les personnages, leur vie et leurs déchirures, mais aussi l'écriture, avec une tendresse flamboyante des plus originales.
Son enthousiasme m'a un peu essoufflée. Sans doute faut-il lui laisser une autre chance, après ce premier roman, malgré tout attachant, qui contient beaucoup d'autobiographie. Elle nous ouvre aux difficultés de vies moins faciles qu'elle ne paraissent, celles des immigrants qui ont « réussi », ce n'est pas son moindre mérite.