Voici un roman qui m'a dérangée, tant dans la narration que dans l'histoire. Zoé entretient une relation étrange avec sa mère et sa grand-mère, faite d'amour et de haine. Ces deux femmes, au lieu de la tirer vers le haut, la rabaissent et passent leur temps à gémir sur son existence. C'est dur à lire.
Ensuite, Zoé ne s'aime pas. Elle déteste son corps et prend conscience que le sien et celui des autres peut se flétrir, vieillir, devenir mou. Zoé ne mange plus puis se fait vomir. Son aversion pour elle-même est accentuée par le regard et le jugement des autres. de plus, elle grandit et perd ses repères. Elle n'est plus l'enfant qui adore passer ses journées à se créer des aventures. Elle devient adolescente et se cherche à travers les autres.
Enfin, la narration à la deuxième personne est particulière. Je trouve que cela ne permet pas de s'identifier au personnage. Cela crée une sorte de distance, peut-être voulue. Tout tourne autour de ce "tu" et d'un autre pronom, "elle", qui désigne la mère, comme on le comprend après plusieurs pages.
Ce roman est dérangeant car il bouleverse nos habitudes de lecture. Il faut accepter de ne pas tout comprendre au début. Il faut accepter également cette narration étrange.
Mais
La peau de mon tambour est aussi l'histoire de la renaissance de Zoé qui va surmonter son désespoir et son mal-être. Les dernières pages sont très puissantes et salvatrices, d'une luminosité rare : "Tu n'es plus l'oiseau mazouté aux ailes goudronnées, tout poisseux, incapable de voler, tu es une rescapée, une survivante. Il y a de la lumière là-dedans, ça crépite, tu le sens. Rien n'est gagné, tu en as bien conscience, mais quelque chose frémi. (...) Alors oui, il y aura d'autres plongeons, de grands plouf dans des eaux glaciales et puantes, et sans doute des désert de pierre à traverser, pieds nus sur des cailloux tranchants. Rien n'est jamais tout rose ou tout noir. Tu vas encore trébucher, tomber, en baver, mais quand on est du côté des vivants, on trouve la force de se relever. Ta vie est devant toi. C'est un petit capital qui t'appartient en propre. Tu es libre d'en faire ce que tu veux : un champ de mine, un cloaque ou un atoll enchanté. Il n'y a pas de fatalité. A toi de ne pas te laisser entraîner là où tu ne veux pas aller". Je trouve ces mots justes et j'aurais aimé les trouver au bon moment et les dire aux adolescent.es qui se sont confié.es à moi. Ils résonnent fort avec mes convictions.