Tu te rends compte de ce qu'ils font, n'est-ce pas, Gabriel ? avait demandé Bunu. Le soupçon est une forme de terreur. Le régime nous dresse les uns contre les autres. Nous ne pouvons pas nous regrouper, faire preuve de solidarité, parce que nous ne savons jamais qui mérite notre confiance et qui est un informateur.
- Ne parle pas de ça! avait grondé mon père.
- Tu vois, même ici, dans la rue, discuter avec ton propre père t'inquiète. Tu es devenu un homme sans voix.
Ils vivaient dans le noir. N'étaient plus que des ombres.
Les mains profondément enfoncées dans les poches, pour cacher leurs poings serrés sur leurs doigts gelés.
Ils évitaient de croiser les yeux des autres. En regardant la peur en face, ils auraient risqué de s'y trouver prisonniers.
Et pourtant, des yeux invisibles étaient toujours rivés sur eux. Même dans l'obscurité la plus totale.
On les observait.
Constamment. «Le perpétuel sentiment de surveillance en Roumanie.»
A propos d'erreurs : certains s'imaginent que le personnage le plus effrayant associé à la Roumanie est Dracula. Quand ils connaîtront la vérité, celle-ci les hantera-t-elle ?
Cristian, murmura enfin Liliana d'une voix vulnérable, les gens dans le monde savent-ils ce qui se passe en Roumanie ? Et s'ils le savaient... feraient-ils quelque chose ?
Comment aurait-on pu remarquer nos souffrances ou entendre nos appels à l'aide, quand nous ne pouvions rien faire de plus que chuchoter dans le noir ?
Parfois, on ne reconnaît pas les moments de plénitude que nous offre la vie.
Jusqu’à ce que ce soit trop tard.
Dans un pays où la liberté d’expression n’existait pas, chaque blague faisait l’effet d’une petite révolte.
Tant de choses étaient illégales en Roumanie, y compris mes pensées et mon carnet.
Si l’Ouest était une trousse de crayons multicolores, ma vie n’était qu’un ensemble de mines de plomb ternes.
Parfois, on ne reconnaît pas les moments de plénitude que nous offre la vie. Jusqu’à ce que ce soit trop tard.