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3,48

sur 570 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Je prends la peine de parcourir les critiques précédentes, dont une m'a incitée à lire cet opuscule.
Ce livre ratisse large, son lectorat va du collégien précoce au retraité bien conservé, de l'étudiante réfléchie à la ménagère branchée, de l'enseignant perplexe au chef d'entreprise qui prend le train, bref, c'est vous z'et moi.
De quoi faire de bons tirages...à 9,50 euros pièce....
Je ne vais pas dévoiler l'intrigue, on a tous compris que le clavier a remplacé la plume d'oie et que les écrans restent allumés jour et nuit. S'ensuit parait-il une révolution neuronale qui surdéveloppe la zone motrice du pouce et nous dispense d'écouter le bla-bla des profs; donc exit l'éducation nationale, c'est Gougle & Co qui s'y collent, pas de copies à corriger, vacances toute l'année et les marmots s'instruiront tous seuls, trop cool.
Je tweete, donc je suis. Je blogue, je tchate, je maile, je textote, bref je m'exprime, personne ne m'écoute mais c'est pas grave.
ON COMMUNIQUE, je vous dis.

Après la Bastille, il faut qu'on prenne la Tour Eiffel, pour que tous le monde soyent t'égaux, et alors ce sera le bonheur sur la Terre.

Michel Serres est un grand séducteur qui nous ferait avaler des couleuvres aussi grosses que des anacondas. Il a écrit sur des dizaines de sujets, il a 25 idées par secondes, il a une tête de papy adorable, et puis il est drôlement savant, avec sa sérendipité et ses mouvements browniens, et tous ses diplômes. Et il nous explique tout bien.
Il nous prend un peu pour des quiches.

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Dans cet essai, Michel Serres s'intéresse à l'impact de la révolution technologique numérique sur la société, en particulier dans le domaine de la transmission du savoir.

Il y a eu, pour lui, deux révolutions précédentes dans ce domaine : le passage de l'oral à l'écrit, dans l'antiquité, puis le passage de l'écrit à l'imprimé, au XVème siècle. Chacune de ces innovations a facilité, démultiplié, la transmission du savoir.

Avec le numérique, l'ampleur de la transformation est bien plus importante : tout le savoir et toute l'information, vraie ou fausse, sont accessibles depuis un smartphone, une tablette ou un ordinateur, quel que soit le lieu où l'on se trouve. Exit, ou presque, la transmission du savoir par des sachants et l'apprentissage de l'esprit critique ?

La révolution technologique du numérique entrainerait alors une véritable révolution culturelle où l'on réfléchirait plus avec ses pouces (sur un clavier) qu'avec ses neurones...

J'ai trouvé la première moitié de la démonstration plutôt brillante et convaincante. La suite m'a paru plus laborieuse. Heureusement, l'auteur manie les concepts avec simplicité, sans abuser d'un vocabulaire qui pourrait paraître abscons au profane. le livre se lit assez facilement.

Un essai qui soulève des questions, apporte quelques réponses, mais garde nombre d'interrogations ouvertes.
Lien : http://michelgiraud.fr/2024/..
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Si j'ai bien compris, la révolution numérique a bouleversé notre monde et nous oblige à nous adapter, voire même à nous transformer. Nous ne pouvons plus penser de la même manière qu'avant. Mais les anciennes structures et les vieux sont toujours là et constituent encore les soubassements de notre société, entravant donc son plein épanouissement. Tout le discours de Serres constitue une apologie du tout numérique et de cette nouvelle société qui se profile. Comme si il fallait faire table rase des anciennes manières. Il fait la comparaison avec la révolution de l'écriture et celle de l'imprimerie. le numérique nous apportera la solution à tous les problèmes. Il me fait un peu penser à certains collègues de ma génération qui, refusant de « vieillir », se jettent corps et âme dans les nouvelles technologies, ne se rendant pas compte à quel point ils se sabordent. Vus par les jeunes, ils sont toujours des vieux, même en pianotant sur leur téléphone portable.
J'avoue ne pas avoir bien compris les derniers chapitres, sur la science. Ce livre est à mettre en parallèle avec « C'était mieux avant ». Même discours, mêmes conclusions. L'auteur me semble complètement subjugué par le savoir-faire et l'adaptation des jeunes à ce nouveau paradigme. Je ne partage pas complètement cet enthousiasme. A l'approche de la soixantaine, mes valeurs et mon socle se situent toujours au XXe siècle. Je m'adapte comme je peux. Bien obligé. Et j'assume ! Ce livre me fait penser à contrario à ceux de Harari, « Sapiens » et « Homo Deus ». Harari nous met justement en garde contre les nouvelles technologies qui risquent de nous transformer pour de bon. Nous ne serons plus des humains mais des machines. Pas sûr que le changement induit par l'écriture et l'imprimerie aient été aussi radical.
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Rencontre avec l'homme du troisième type, voici de quoi traite cet ouvrage. Tout d'abord homme communiquant grâce à la parole, puis enfin par l'écrit, et notamment par le biais de l'invention de l'imprimerie, l'homme d'aujourd'hui continue de communiquer mais d'une manière nouvelle : à travers le web, utilisant non plus sa plume et son parchemin mais cet outil révolutionnaire que l'on appelle ordinateur. Aussi, grâce à lui et à ses outils de recherche, chaque individu peut emmagasiner un très grand nombre d'informations en très peu de temps. Ce n'est plus l'homme qui cherche, c'est la machine qui cherche pour lui. Michel Serre a surnommé les protagonistes de son essai "la petite poucette" et "le petit poucet", individus à part entière mais qui se fondent dans une incroyable masse d'autres individus avec lesquels ils échangent, sans nécessairement se connaître et qui ont accès aux mêmes informations qu'eux.

Ouvrage intéressant même si je n'ai pas toujours été d'accord avec les théories émises par l'auteur (ce qui explique ma note mitigée pour ce dernier) et que j'ai trouvé, par moments, un peu difficile d'accès.
Un livre qui reste néanmoins très bien écrit et qui est plus que jamais d'actualité et est destiné à le rester pour de nombreuses années encore ! A découvrir !
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Dans Petite Poucette, j'ai apprécié le retour dans le passé, et l'analyse qu'en fait Michel SERRES qui nous dit entre autres choses que la morale religieuse ou laïque se résumait pour les élèves en des " exercices destinés à supporter une douleur inévitable et quotidienne due à la famine, la maladie, la cruauté du monde...".

Comment le jeune Sapiens moderne peut-il donc comprendre la littérature et l'histoire sans être passé par la case "rusticité, guerre, souffrances physique en tous genres" ?
C'est ce qui questionne notre philosophe.
Moi un peu moins.
entre autres choses que la morale religieuse ou laïque se résumait pour les élèves en des " exercices destinés à supporter une douleur inévitable et quotidienne due à la famine, la maladie, la cruauté du monde...".

Comment le jeune Sapiens moderne peut-il donc comprendre la littérature et l'histoire sans être passé par la case "rusticité, guerre, souffrances physique en tous genres" ?
C'est ce qui questionne notre philosophe.
Moi un peu moins.

Voilà donc pour nos écoliers d'aujourd'hui dont fait partie Petite Poucette (celle qui écrit de ses deux pouces sur les claviers !).

Quand il est question de leur manque d'attention et du pouvoir des médias sur eux, je suis d'accord.

Quand M.SERRES écrit que " les médias se sont saisis depuis longtemps de la fonction d'enseignement", je ne le suis plus du tout.

Certes, nos jeunes générations ont de nouveaux comportements à développer pour mettre en oeuvre une posture ouverte aux savoirs véhiculés (en partie) par le multimédia.

Mais les enseignants se doivent aussi de repenser leur pédagogie ; toujours s'adapter au public en distillant autrement les contenus (le savoir), en permettant aux élèves de l'intégrer et le mémoriser.
Ça, il ne dit pas, et c'est bien dommage, car certes les médias et les connections de notre société moderne donnent un nouveau visage à l'enseignant et à l'élève, mais une pédagogie réinventée peut être mise en place. Simplement.

Et puis, à mi-parcours, j'ai lâché totalement par l'esprit ce texte que j'ai trouvé alors alambiqué. Ce fut au final un essai irrégulier quant à son contenu, après un départ sur les chapeaux de roue, j'ai sauté en marche, autant agacée par certaines idées réductrices que par le manque de contenu.

Lien : http://justelire.fr/petite-p..
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Je l'ai dévoré d'une traite "tantôt", complètement enthousiasmée. Maintenant faut que je digère....
Premières impressions : tout d'abord je me suis dit : "j'espère que ma fille l'a lu", (instit, pour ma génération) sinon je m'en va le lui offrir de toute urgence.
Ensuite j'ai ressenti (du moins dans la première partie) un message de réconciliation et d'espoir (à conseiller à tous les grincheux, moi y compris à mes heures mais maintenant c'est chose faite).
J'ai souvent souri et beaucoup applaudi, autrement dit j'étais souvent d'accord et j'ai adoré le rythme de son écriture et surtout l'ouverture sur la créativité.
Mais comme je disais, il faut que je digère, car la dernière partie où il associe me semble-t-il science et culture m'a un peu déroutée, un peu complexe pour moi.

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Mouais, je m'attendais à mieux, j'avais adoré le tiers instruit qui m'avait pas mal fait réfléchir à l'époque sur mon travail de formateur mais là, je m'interroge et me demande s'il n'a pas pris quelques raccourcis pour aller au bout de sa démonstration. La nouvelle génération de jeunes qui naviguent sur leurs smartphones à la vitesse de l'éclair fascine l'auteur, certes, moi aussi. Est-ce à dire qu'on n'a rien à leur apprendre sous prétexte que tout est disponible sur wikipédia ? Oui, le savoir est en ligne mais à condition d'aller croiser et vérifier ses sources à l'heure des vérités alternatives. Quand à la connaissance, c'est pour moi autre chose. Il me semble qu'il y a une confusion entre information, savoir et connaissance dans son propos.
Il faut s'approprier l'information pour en faire du savoir et il faut être capable de verbaliser ce savoir pour en faire de la connaissance. le fait de manier avec aisance les nouvelles technologies ne dit rien de ce qu'il en reste en terme de connaissances. Quant au sens de l'effort, dommage qu'il n'en parle pas...
Enfin, ce n'est que mon humble avis.

Challenge Riquiqui 2023.
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Les élèves n'écoutent plus en classe leurs enseignants, le statut de professeur des universités ne permet pas d'obtenir l'écoute dans les amphys, et les professeurs bruissent pendant que le proviseur parle! Dans quelle société vivons nous?

Le progrès, les nouveautés technologiques qui se multiplient depuis un siècle réécrivent la société occidentale, et nous devons nous y adapter. Ce sont les jeunes d'aujourd'hui, nos adolescents et les jeunes adultes qui le font le mieux, sans forcément avoir conscience de cette transition. ''Nous, adultes avons transformé notre société du spectacle en une société pédagogique dont la concurrence écrasante, vaniteusement inculte, éclipse l'école et l'université'' ( p 12).

Ces nouveautés, qui remettent en cause tous les piliers de la société ont aussi des influences sur nos neurones. Nos capacités d'intégration et de synthétisation de l'information changent, et nous voila reformatés. !!

Les anciennes générations s'y perdent, les nouvelles naissent déjà reformatées. Et nous, les entre deux, nous avons été éduqués dans '' l'ancienne pédagogie'', mais vivons aujourd'hui un nouvel accès aux connaissances, quasi instantannées Peut-être est-ce notre génération qui est la plus riche de ce passé et de ce futur, combinant les moteurs de recherche d'hier (les fichiers, les livres, les bibliothèques) et d'aujourd'hui (google, wikipédia).
Une phase de transition intéressante dans bien des domaines, que Michel Serre étudie à la loupe.

Petite Poucette analyse les rapports des jeunes d'aujourd'hui à ces nouveautés, le rôle de l'école, et l'implication sociétale de toutes ces révolutions.

C'est un ouvrage que je vais relire cet été, pour mieux le décortiquer, car je pense qu'un parcours de lecture sous forme de groupement de textes pourrait amener nos élèves d'aujourd'hui à réfléchir à leur rapport au monde et à leur faire prendre conscience de ce qu'ils sont et de leur héritage.
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Un essai très bien écrit ressemblant à un conte.
Par contre, je ne suis pas d'accord avec l'auteur qui admire cette nouvelle génération de smartphone et d'écran tactile...
Loin de déprécier la technologie, j'estime qu'on force les gens à l'individualité au lieu du collectif, de la performance à l'être humain. de plus, les réseaux sociaux vous font croire que vous avez beaucoup d'amis, peu le sont en vérité. Il existe un piège lié à cette génération droguée avec le net, comme s'il s'agissait d'une perfusion dont le patient reçoit sa dose pour survivre.
Je vois mal la petite poucette (personne qui utilise ses pouces selon l'auteur) vivre sans sa tablette, sans son smartphone ni ses amis du net.
À l'heure d'aujourd'hui, les personnes oublient qu'il est possible de faire de véritables rencontres en dehors du net.
Parfois, il est bon de se déconnecter du net, d'éteindre son gsm, de retrouver une certaine paix intérieure. Une clé essentielle pour se sentir libre et ne pas se sentir esclave de la technologie.
Soyons le « Diogène » moderne
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À travers nombre de références culturelles connues, l'auteur donne une compréhension et une vision plus sereine et positive du changement civilisationnel qui est à l'oeuvre. Nos jeunes figés devant les écrans sont petit poucet, petite poucette, en référence à leur utilisation du pouce. le petit Poucet est perdu et en danger, mais plutôt malin, il retrouvera son chemin. Et ce sont ses parents, la génération précédente, qui l'ont abandonné à son sort. La légende de saint Denis qui porte sa tête coupée de son corps, permet de passer de l'inquiétude sur l'abrutissement à une qualité extraordinaire, l'externalisation de certaines fonctions cognitives : mémoire encyclopédiques, calculs complexes… La figure littéraire inattendue de Boucicaut dans Au bonheur des dames (qui a l'idée géniale de désorganiser les rayons pour forcer les acheteurs à s'y perdre et à acheter ce qu'ils ne cherchaient pas), permet de repenser l'enseignement traditionnel (silence, organisation claire, conceptualisation) : ne serait-il pas plus adapté à notre époque de bouleverser les disciplines, de renverser l'intérêt pour la règle au profit de l'exemple, de l'abstrait au concret ?
La figure d'Humphrey Potter, jeune enfant travaillant à une tâche répétitive dans une locomotive, qui finit par astucieusement inventer une technique pour que l'ouvrage se fasse de lui-même aux moyens de fils, est utilisée pour montrer comme il est absurde de maintenir les élèves dans un apprentissage que tous jugent profondément ennuyeux. Ainsi, les usages des réseaux sociaux, les « j'aime » et les « partages » sont l'image même d'une volonté des enfants de donner plus de sens à leur apprentissage. La compétence figée de l'expert est rendue suspecte, à travers l'image du médecin sûr de lui, en face de la population organisée en réseaux qui peut, grâce au partage, acquérir une compétence valable pouvant rivaliser. À cette nouvelle complexité de la démocratie en réseaux, numérique, algorithmique, s'oppose l'ancienne simplicité pyramidale – celle de Khéops, celle d'Eiffel – représentant la hiérarchie de l'ancien régime.

Nous ne pouvons qu'être d'accord avec Michel Serres quant à la nécessité de réajuster nos pratiques pédagogiques et nos attentes sociétales, d'accorder davantage de confiance aux apprenants et aux nouvelles générations pour redéfinir les règles et s'approprier cette nouvelle civilisation transformée, à l'heure du numérique et d'autres circonstances importantes comme l'écologie, contexte qui fait que le XXe siècle est très loin derrière nous.
Le constat d'une nouvelle génération totalement reconfigurée, aux besoins différents de l'ancienne génération est au fond un constat toujours répété d'un « c'était mieux avant », mais caché, dissimulé sous le maquillage littéraire d'un « c'est pas si grave ! ». Souriant, certes, se voulant positif, mais en élaborant, avec l'aide de cette révolution technologique du numérique, une nouvelle génération qui serait profondément différente de l'ancienne, Michel Serres oublie d'interroger ce qui a changé avant même cette révolution, les effets de la révolution industrielle, de la massification de la culture, de ce qu'a fait cette ancienne génération de la merveilleuse éducation civilisée dont elle a été dotée.
Et nous affirmons à l'inverse : « c'était nettement moins bien avant ». Cette ancienne génération a conduit l'homme vers le non-sens, le tout économique, l'abstraction, le refus humain, la destruction de la planète, a érigé l'ennui comme devoir existentiel. le silence d'autrefois, que le professeur d'université constate ne plus exister, n'est pas bouleversé par l'arrivée d'une nouvelle génération, mais par l'arrivée à l'université d'un spectre beaucoup plus large de population. L'enseignement était profondément élitiste. Il amenait et a amené à la formation d'élites inconscientes. le bavardage renvoie le professeur à l'absurdité de ce monde absurde qu'il a créé : cette école qui inclut les pauvres et les acculturés, presque de force, mais n'a rien à leur proposer qui les concerne ; une école qui ment en disant que le diplôme fait l'avenir, que pousser les enfants à passer le bac fera reculer le chômage. Lui comme tant d'autres ont participé et participent encore à ce grand mensonge sociétal.
La société des loisirs est advenue pour calmer la grogne du travailleur esclave, non par la grande civilisation des élites. Occuper la tête des travailleurs en leur offrant loisirs et spectacles. Or, cette société du divertissement n'est plus assez forte, ou trop lamentable, pleine de contradictions, pour maintenir encore toute une société hors de l'ennui profond qu'il éprouve devant le travail auquel on lui demande de dévouer sa vie comme un esclave. Ce sont les esclaves étrangers prisonniers de guerre qui travaillaient dans l'ancienne société grecque et romaine, les serfs au Moyen-Âge, les esclaves noirs en Amérique, les enfants au XVIIIe, puis les ouvriers. Peut-on encore demeurer en admiration devant ces sociétés antiques où culmine l'inégalité ? Nombre d'intellectuels continuent de comparer cette société idéale, où une aristocratie sage recevait un enseignement qui lui garantissait l'accès ou le maintien à cette classe, pendant que l'immense majorité travaillait pour vivre, sans avoir le loisir de se poser la question de l'ennui, et une société de masse où l'on propose à l'ensemble de la société des savoirs d'élite, destinés à faire des recherches, à voyager, à savoir se comporter parmi une classe distinguée, tout ça pour à terme exercer un travail d'esclave, tout en souriant en mentant à tous sur la validité intellectuelle, civilisationnelle et culturelle de ce travail.
La nouvelle génération n'a pas découvert l'ennui au travail. La société du spectacle a simplement retardé l'explosion de cette grogne de l'ennui, de cette révolution des esclaves. Elle lui a cédé quelques miettes de privilèges : bribes de connaissance, temps de loisir, illusion de décider de son avenir, médecine… Mais tous ces « progrès » ne pourront faire passer le dégoût premier de l'esclave pour son travail, pour son futur enfermement, pour cette société inégalitaire, pour cette civilisation absurde qui vise à s'autodétruire. Elle instruit des règles du jeu. Des conditions d'esclavagisme plus ou moins belles qu'on pourra négocier si l'on est bien sage à l'école, puis dans le grand monde.
Cela dit sur les causes du vacarme, le constat demeure d'une génération différente, et le bien-fondé et l'envie de bien faire de Michel Serres l'amènent à proposer des idées intéressantes sur l'éducation. Se tourner vers l'exemple et l'application au détriment de la règle abstraite, ce n'est pas répondre à un nouveau besoin d'une génération numérique, mais bien répondre aux désirs de l'ensemble des élèves avant eux. L'école n'a jamais marché auparavant. Jamais. Elle a exclu. Elle a fabriqué une homogénéité qui lui permettait de faire régner l'obéissance docile de l'esclavon. Mais la rébellion des esclavons était là, derrière les masques. Les retours étaient violents, moqueurs, plus forts que tout le chahut indifférent des nouvelles générations. Ces petites poucettes sont tellement plus sages que les anciens apprenants. Renforcés, ils peuvent désormais chahuter, exprimer leur ennui. Ils n'ont plus besoin de faire de mauvais tours affreux lorsque l'enseignant tourne le dos.
Proposer un enseignement transdisciplinaire (brouiller les disciplines), distancié de la parole du maître (l'enseignant devient médiateur entre l'apprenant et un objet qu'il peut trouver dans de nombreux endroits : livres, internet...), passer du temps sur des cas pratiques (étude de cas, pédagogie par projet…), donner la parole à l'apprenant pour construire lui-même le cours (postures du laisser-faire, projets, co-construction, cours dialogué…), réinvestir l'enseignement d'un sens, d'une éthique, laisser entrer le monde réel, l'actualité (utilisation d'internet, partir des connaissances de l'apprenant…) sont les conséquences principales que l'on pourrait tirer non d'une génération qui ne tient pas en place – mais d'un ancien enseignement qui était profondément défectueux. Ces modifications et mutations de l'enseignement ont été amorcées il y a bien 200 ans déjà avec l'avènement des nouvelles pédagogies. Ces transformations investissent les différents enseignements, disciplines, structures et institutions, peu à peu. Mais comme le suggère lui-même M. Serres, le problème demeure cette addictive pyramidation des pouvoirs. L'école est une pyramide où le savoir à acquérir est défini d'en haut par une élite. L'auteur fuit d'ailleurs trop vite cette question de l'enseignement, pour regarder la société dans son ensemble, constatant l'injustice, l'absurdité des sociétés modernes (rangeant au passage la « lutte des classes » dans la catégorie des échecs du XXe siècle incarnés par l'idéologie soviétique, comme si la dictature bolchévique, puis stalinienne, le fascisme d'une classe, pouvait incarner une quelconque lutte des classes… là où évidemment a demeuré une pyramide faisant taire les uns, mentant aux autres.).
Dès lors que l'auteur fuit son sujet premier, il retrouve le sentier bien confortable d'une interprétation déjà pensée, préalable à l'enquête, à l'écriture. L'enthousiasme dans le code, l'algorithme, l'idée de l'ouverture du monde par les transports et les communications (qui au fond sont le leurre d'une classe privilégiée, l'impression d'avoir le bout du monde à sa porte quand ils ne quittent qu'à peine les environs de l'hôtel, qui est une reproduction de leur familier), les images usées de la tour de Babel, des pyramides… terminant son ouvrage sur l'image de la tour Eiffel, image honnie des artistes, image de l'industrie, image de la hiérarchie… Mais image cocorico tout de même.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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