Après avoir salué François Caravaque, un artiste habile qui sculpta quatre bas-reliefs à l’Hôtel de ville, il faut s’arrêter devant la grande figure de Jean Mathias, un des artistes les plus extraordinaires dont s’honore Marseille. Il jouissait d’une grande réputation dans la sculpture sur bois, cet art qui fut si en honneur dans les Flandres, et qui ne compte aujourd’hui qu’un nombre très restreint d’adeptes. C’était surtout à la décoration intérieure des églises que s’adressait la sculpture sur bois, à cause de la coloration de la matière qui, soumise à la morsure de l’encaustique, est susceptible de prendre des tons sombres en harmonie avec la nature des sujets que la main de l’artiste veut interpréter. De plus, par un esprit quelque peu superstitieux, les ecclésiastiques avaient une prédilection bien marquée pour cette substance qu’ils opposaient au marbre dans lequel ils incarnaient, au point de vue esthétique, l’idée de paganisme, oubliant sans doute le Palladium, et semblant ainsi rendre la matière responsable des caprices de l’artiste qui l’anime.
A Marseille, la grande figure de Puget, celle de Christophe Veyrier et de François Puget se détachent en vigueur sur le fond du XVIIe siècle, à côté de celles de Michel Serre, du frère Gabriel Imbert, d’Antoine Duparc et de Jean Mathias.
Toutefois, il serait injuste de ne pas mentionner au XVIe siècle, Guillaume Marcillat et Claude dont les peintures sur verre peuvent être considérées comme des œuvres de premier ordre. Les vitraux de l’église des Accoules, de Claude, constituent un des ouvrages les plus probants de son talent comme ceux, d’ailleurs, qu’il fit au Vatican, sous Jules II, avec la collaboration du frère Guillaume. Ils formèrent tous deux à Rome, où Bramante les avait appelés, une brillante École de peintres-verriers et leur action fut d'autant plus décisive qu’elle se produisait au moment où le vitrail subissait une transformation sensible.
L’oeuvre de Puget qui domine le XVIIe siècle a fait l’objet d’études approfondies. Il est donc difficile, après les témoignages de Jean de Dieu, les récits de Bougerel, les pittoresques aperçus de Lagrange et les pages lumineuses de Gustave Planche, de l’analyser et d’y découvrir encore des beautés. Cependant, certaines appréciations hasardées se sont glissées qui doivent être combattues et certaines phases de sa technique n’ont pas été suffisamment mises en relief, dont l’importance vaut qu’on s’y arrête un peu plus longtemps. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il ne serait pas téméraire d’entrer plus avant dans l’étude de Puget peintre, surtout en ce qui touche ses propres portraits et de Puget en tant que dessinateur, côté très personnel de son génie.
A cette époque, Marseille voyait fleurir deux industries : la verrerie et la faïencerie qui occupaient un grand nombre d’ouvriers, mais aucun d’eux n’a laissé de trace dans les annales locales. Les verriers se faisaient remarquer par leur goût, comme ceux de la Normandie, du Poitou et de la Vendée, centres très réputés. Leur travail, moins lourd que celui des autres ouvriers européens et plus fin que le procédé des Vénitiens, avait une élégance et une clarté dont témoignent encore les spécimens du Musée de Cluny.
Le sculpteur Veyrier, son neveu, le peintre François Puget, son fils, ont droit à une place à part, car ils ne se sont pas bornés à emprunter leur éclat au génie qui rayonnait autour d’eux, ils ont su aussi donner à leurs productions une empreinte personnelle par laquelle ils émergent au dessus de la foule anonyme des artistes.