"Rendez-moi ma main, dit Adonis: pourquoi la pressez-vous?"
"Demande-moi mon coeur, dit-elle, et tu l'auras,
ou rends-le-moi de peur que ton coeur inflexible ne l'endurcisse;
une fois endurci, de tendres soupirs ne pourraient plus le pénétrer;
les sanglots de l'amour me trouveraient insensible,
parce que le coeur d'Adonis aurait endurci le mien!"
"Fi donc! s'écrie-t-il ; laissez-moi et laissez-moi aller.
Le plaisir de ma journée est perdu: mon cheval a fui,
et c'est par votre faute que j'en suis privé. Je vous en prie,
quittez-moi, et laissez-moi seul ici: car tout mon souci, toute
ma préoccupation, toute mon idée,
c'est de reprendre mon cheval à cette jument."
(trad. F. Guizot)
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“Give me my hand,” saith he. “Why dost thou feel it?”
“Give me my heart,” saith she, “and thou shalt have it.
O, give it me, lest thy hard heart do steel it,
And being steeled, soft sighs can never grave it.
Then love’s deep groans I never shall regard
Because Adonis’ heart hath made mine hard.”
“For shame,” he cries, “let go, and let me go.
My day’s delight is past, my horse is gone,
And ’tis your fault I am bereft him so.
I pray you hence, and leave me here alone,
For all my mind, my thought, my busy care,
Is how to get my palfrey from the mare.”
La mer a des bornes, mais le désir n'en a point.
L'amour est un charbon qu'il faut éteindre, sinon il met tout le coeur en feu.
Touch but my lips with those fair lips of thine,
Though mine be not so fair, yet are they red
The kiss shall be thine own as well as mine.
L'amour, c'est le soleil après la pluie, et la luxure, c'est l'orage après le soleil.
Cependant je n’émousserai pas tes lèvres par la satiété ; je les rendrai encore plus avides au milieu de l’abondance, en les faisant pâlir et rougir tour à tour par une variété de caresses toujours renaissantes. Dix baisers seront aussi courts qu’un seul, et un seul aussi long que vingt ; un jour d’été ne te paraîtra qu’une heure rapide, perdu ainsi dans des jeux qui te feront oublier le temps. »
Peine le soleil, au visage vermeil, avait-il reçu les derniers adieux de l’aurore en pleurs, qu’Adonis, aux joues roses, partit pour les bois. Il aimait la chasse, mais se moquait de l’amour. La mélancolique Vénus va droit à lui ; et, telle qu’un amant hardi, elle commence à lui faire la cour.
Consens, ô merveille, à descendre de ton coursier, et relie au pommeau de la selle les rênes qui enlacent sa tête orgueilleuse ! Si tu daignes m’accorder cette faveur, tu apprendras mille doux secrets : viens t’asseoir ici, où le serpent ne siffle jamais, et je t’accablerai de baisers.
Toi, qui es trois fois plus beau que moi-même, » dit-elle d’abord, « tendre fleur des campagnes, dont le parfum est sans égal ; toi, qui éclipses toutes les nymphes ; toi, plus aimable qu’un mortel, plus blanc que les colombes et plus vermeil que les roses, la nature qui t’a créé, en contradiction avec elle-même, dit que le monde finira avec ta vie !