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sur 109 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'auteure nous raconte, par la voix de Shirin, petite fille âgée de neuf ans, l'histoire d'une famille qui a fui l'Iran et les persécutions, à l'époque du Shah, car ils étaient intellectuels et surtout communistes. Les parents de Shirin sont arrivés les derniers à Paris et sont logés par les soeurs de sa mère.

La mère de Shirin, est prête à tout pour être aimée et reconnue par ses soeurs, dominatrices, surtout l'aînée, qui est odieuse, narcissique, maltraitante. Elle devient leur esclave, fait la cuisine, le ménage, sans que personne, jamais, ne daigne lui dire merci.

Son père est professeur ; il supporte sans broncher le climat de haine et de mépris distillé par ses belles-soeurs, qui se comportent en mères maquerelles, monopolisant l'argent qu'il gagne sous prétexte qu'elles l'hébergent. C'est un homme plutôt brillant et la situation le désole. « Les soeurs » le dénigrent sans cesse devant sa femme et sa fille car il ne partage pas leur vision de la société et leur communisme aveugle qui les conduisent à des actes violents.

Les relations entre ses parents sont bien abordées également et avec les yeux de petite fille qui voit bien que la relation au corps est étrange, de même que l'amour ou les gestes de tendresse que la mère ne peut pas effectuer du fait du poids des traditions, et tente de transmettre son amour maternel par le biais de la cuisine : »je te nourris, donc je t'aime, mais je ne te le dis pas, ce n'est pas possible, ni envisageable…

« Ma mère, incapable de dire son amour et son ressenti depuis l'enfance, cuisinait pour compenser et sa cuisine-amour était forcément trop abondante, enrichie de tout ce qu'elle avait sur le coeur et qui n'était jamais passé par ses lèvres. » P 63

On a aussi le patriarche, le grand-père de Shirin, vieux, usé mais l'oeil toujours aussi pervers. On comprend très vite qu'il s'est passé quelque chose de grave entre lui et ses filles.

Pour échapper à la violence psychologique qui règne dans la maison, Shirin fait une fugue et elle est ramenée à la maison par Omid, le « compagnon » de sa tante. C'est un homme à l'esprit ouvert qui va l'aider à maîtriser le français, la guider dans ses lectures et bien-sûr, la petite fille en tombe amoureuse, au grand dam de la famille.

Shirin, coincée entre deux cultures, a du mal à trouver sa place :

« Et puis je n'avais pas la gueule de l'emploi : ni celle de ma famille, ni celle de la France. Trop occidentale pour l'Iran, pas assez typée pour la France. Et pourtant. Il y avait quelque chose de métèque en moi qui persistait et que je ne voulais pas effacer. Quelque chose me disait que la boue où j'avais grandi était la bonne matière à travailler pour trouver mon vrai visage. » P 265

Abnousse Shalmani étrille au passage cette famille communiste pure et dure qui reste aveuglée par le mythe, la pensée unique (« il vaut mieux avoir tort avec le parti que raison sans le parti » comme le prétendait un ténor communiste il n'y a pas si longtemps), refusant de voir les dérives, n'hésitant pas à commettre des attentats au nom de la cause.

Elle nous parle aussi très bien et de manière parfois drôle de la dureté de l'exil, d'être à cheval sur deux cultures dans un pays où le statut de la femme est totalement différent. Les tantes continuent les fêtes, les coutumes, et le poids des traditions est omniprésent. Je suis sortie de cette lecture avec des saveurs et des odeurs plein la tête. Elle écrit ceci :

« On était bien obligé de s'y faire et de choisir son clan. de s'ancrer pour ne pas être écrasé. (Ce fut une illusion aussi : j'ai longtemps cru qu'en me plongeant dans la France, je finirais par avoir son visage. Mais l'exilé n'a pas d'autre visage que celui de l'exil :il ne sera jamais son pays d'adoption, pas davantage que le pays natal. J'ai fini écrasée comme tous les exilés entre un souvenir et un espoir.) » P 97

J'ai beaucoup aimé ce roman, les personnages de cette saga familiale, avec son lot de secrets, de haine et jalousie. L'écriture est belle et invite au voyage. C'est mon préféré parmi les cinq romans que la FNAC m'a proposé.

Ce roman est un véritable coup de foudre et j'espère qu'il aura le succès qu'il mérite et ne sera pas trop noyé dans la masse des romans de la rentrée, parmi les auteurs reconnus et encensés qui produisent un roman à chaque rentrée et qu'on verra partout pontifier (pour certains du moins !)
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Les exilés meurent aussi d'amour de Abnousse Shalmani m'a été envoyé par les éditions Grasset et net galley, que je remercie :)
Shirin a neuf ans quand elle s'installe à Paris avec ses parents, au lendemain de la révolution islamique en Iran, pour y retrouver sa famille maternelle. Dans cette tribu de réfugiés communistes, le quotidien n'a plus grand-chose à voir avec les fastes de Téhéran.
Shirin découvre que les idéaux mentent et tuent ; elle tombe amoureuse d'un homme cynique ; s'inquiète de l'arrivée d'un petit frère oedipien et empoisonneur ; admire sa mère magicienne autant qu'elle la méprise de se laisser humilier par ses redoutables soeurs ; tente de comprendre l'effacement de son père… et se lie d'amitié avec une survivante de la Shoah pour qui seul le rire sauve de la folie des hommes.
J'ai beaucoup aimé ce roman de la rentrée littéraire 2018.
Le fait que la narratrice soit au départ une petite fille m'a beaucoup plu, j'ai trouvé ça très touchant. Il y a trois parties, nous la suivons à l'enfance, l'adolescence puis adulte. Shirin est un personnage attachant, que j'ai pris plaisir à suivre. J'ai apprécié ceux qui s'entourent, je trouve qu'on a dans ce roman des personnages forts, touchants, à lesquels on s'attache sans peine.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre et ce roman fût une très bonne surprise.
Ma note : cinq étoiles.
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Abnousse Shalmani, c'est une voix singulière et forte, une personnalité entière, viscéralement éprise de liberté, qui n'hésite jamais à dire ce qu'elle pense. C'est surtout une femme écrivain de grand talent.





Dans Khomeiny, Sade et moi, son éblouissant premier livre, elle témoignait de son arrivée en France, à l'âge de huit ans avec ses parents, de la manière dont elle s'était emparée de la langue française, dont elle avait embrassé cette nouvelle culture et, surtout, dont les écrivains, Sade en tête, lui avaient permis de s'affirmer et de se construire. C'était puissant, c'était mordant, c'était l'histoire d'une femme qui était résolument partie à la conquête d'une liberté que les mollahs avaient voulu lui dénier.






Aujourd'hui, c'est sous la forme du roman qu'elle a choisi d'aborder la question de l'exil. Si certains traits de son héroïne sont sans doute empruntés à la petite fille qu'elle a été - elles ont le même âge lorsque leur famille fuit l'Iran après la révolution islamique - le texte appartient à un registre clairement fictionnel.






A leur arrivée à Paris, Shirin et ses parents retrouvent une partie de la famille maternelle qui s'y est déjà installée. Ils emménagent chez Mitra, soeur aînée de la mère de Shirin, et rejoignent ainsi les rangs d'une communauté de réfugiés, dont certains n'ont pas renoncé à leur activisme politique.


Abnousse Shalmani dépeint des personnages hauts en couleur, dont chacun est comme la touche d'une composition plus vaste donnant à voir toutes les nuances d'un peuple, de la plus lumineuse à la plus sombre. Fidèle à la personnalité qu'on lui connaît, Abnousse Shalmani ne cède en effet ni à la complaisance, ni à un excès de sentimentalisme pour évoquer cette communauté et restituer la manière dont peut grandir une petite fille entre un environnement familial tourné vers un pays et un passé plus ou moins idéalisés, et un environnement social lui offrant une autre langue et une autre culture.






Mais la fillette ne se pose jamais en victime, et c'est là toute la force de ce texte. Si l'auteure insiste sur la manière dont la personnalité d'un exilé est façonnée par des fragments auquel il essaye de donner une cohérence, elle en fait une richesse plutôt qu'une fragilité. C'est avec désir et appétit que Shirin s'extirpe d'un cercle familial très refermé sur lui-même pour partir à la découverte et à la conquête du monde extérieur, si différent du sien.


Elle ne rompt pourtant jamais avec ses origines et navigue d'un univers à l'autre pour tenter de s'approprier le meilleur de chacun des deux mondes auxquels elle appartient désormais.






Comme dans Khomeiny, Sade et moi, Abnousse Shalmani fait preuve d'une énergie débordante et conserve sa réjouissante liberté de ton. Mais en choisissant de quitter le terrain autobiographique pour investir celui du roman, elle donne à ce dernier un charme particulier. Habitée par deux cultures, elle est parvenue à donner à son récit une forme métissée, synthèse de notre cartésianisme bien français et de la magie des contes orientaux.



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Pas facile d'être une petite fille iranienne exilée en France. Encore moins facile lorsqu'on appartient à une famille composée de personnalités plus ou moins bien intentionnées : trois tantes égocentriques (Mitra, l'aînée autoritaire ; Zizi, l'artiste opiomane ; Tala, l'électron libre), une mère qui lit l'avenir dans le marc de café et qui s'écrase devant le nombrilisme de ses soeurs, un grand-père pas très net et un père qui a déposé les armes face à un entourage communiste endurci.

Au lendemain de la révolution islamique d'Iran, dans le Paris des années 80, l'histoire de la famille Hedayat nous est contée à travers le regard de Shirin qui, à l'âge de neuf ans, voit s'ébrécher ses illusions et sa naïveté d'enfant. Sur un ton malicieux et incisif, elle s'interroge sur ce monde d'adultes déracinés. de Téhéran à Paris, on voyage avec elle entre un avant et un après, entre un ici et un ailleurs, dans une nouvelle vie dans laquelle elle doit tout (ré)apprendre sans nécessairement pouvoir compter sur le soutien de ses proches : son rapport au corps, aux autres, à L Histoire, à l'art et à la littérature.

Au rythme de fêtes iraniennes (Shabe Yalda, le solstice d'hiver ; Norouz, le nouvel an), une petite fille devient femme sous nos yeux et nous embarque dans ses réflexions sur les conséquences de l'exil, sur les relations familiales, sur un passé qui peut engluer les générations à venir. Au passage, la figure du révolutionnaire, souvent idéalisée, fantasmée, et romancée prend un sacré coup dans la figure.

J'ai eu un vrai coup de coeur pour ... [la suite sur le blog !]
Lien : https://www.chezlaurette.org..
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La narratrice Shirin a huit ans lorsqu'elle doit fuir avec ses parents Téhéran et la révolution islamiste iranienne, sa mère est enceinte du "tout petit frère" qui va naître en France. Ils vont s'installer à Paris chez les soeurs de sa mère et vivre dans une grande promiscuité avec le reste de la famille dans un appartement exigu, bien loin du faste de l'Iran.

Réfugiée sous son canapé, Shirin décrit ce qu'elle observe, elle découvre les membres de sa famille dans leur brutalité, leur extrémisme avec toute la naïveté d'une enfant de son âge sans jamais porter de jugement sur le comportement des adultes. Les femmes rivalisent de séduction, les hommes multiplient les réunions politiques jouant aux parfaits révolutionnaires, les affreuses tantes dominent et humilient la mère de Shirin que la petite fille méprise de se laisser ainsi malmener, le père est silencieux et complètement effacé... Une communauté pittoresque et fantasque où règne de la fantaisie mais aussi beaucoup de violence, entre les soeurs mais aussi entre le grand-père et ses filles... Observatrice pleine d'humour de la psychose familiale, Shirin va peu à peu faire l'apprentissage de la liberté, du désir et de l'amour et finir par gagner son indépendance.

Abnousse Shalmani souligne l'importance de l'apprentissage de la langue du pays d'accueil, l'importance pour l'exilé d'acquérir le français pour se faire accepter, son obsession du mot juste. L'apprentissage de la langue par Shirin va fausser ses rapports avec ses parents qui vont avoir honte de dépendre de leur fille de 9 ans pour les formalités administratives " l'exil fait çà aussi : il tue la filiation, il renverse le rapport de force". "Ils avaient besoin de moi pour survivre dans le nouveau pays, je n'avais plus besoin d'eux pour vivre"

J'ai adoré ce roman baroque qui multiple les genres mêlant des passages graves à d'autres loufoques, passant de la fiction à la fable et à la magie, le tout empreint d'autofiction et parsemé de contes iraniens. Avec une touche de réalisme magique, Abnousse Shalmani met en scène des personnages hauts en couleur, parfois monstrueux, se situant entre réel et imaginaire et une Shirin qui refuse le déterminisme familial et la nostalgie. Sous ses airs légers et fantasques, j'ai trouvé ce roman plus profond qu'il n'y parait du premier abord. Avec cet exil tragi-comique l'auteure nous parle de façon très originale de l'exil, du manque du pays natal, de la dislocation familiale et du déclassement de l'exilé, de sa reconstruction loin de son pays d'origine. Elle met en scène l'exilé de façon complètement inattendue en l'humanisant et en transformant son exil en épopée sans perdre de vue la souffrance que reste l'exil "L'exilé n'a pas d'autre visage que celui de l'exil : il ne sera jamais son pays d'adoption, pas davantage que le pays natal. J'ai fini écrasée comme tous les exilés entre un souvenir et un espoir". le tout est joliment baigné d'éléments de la culture iranienne, des croyances et superstitions, de l'art de la politesse "le tarof", du déterminisme "le janam", de la crainte du mauvais oeil, de l'emprise de la famille. L'écriture vive et visuelle, la narration bien rythmée font de ce roman foisonnant et très riche un petit régal.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Un très beau livre que celui d'Abnousse Shalmani, comme souvent les livres d'Iraniens. On sent la vieille civilisation, la richesse, la culture, la famille, l'histoire, la folie, une longue habitude de transfigurer le réel à travers la poésie et la magie. Imaginer qu'un tel pays a basculé en quelques années dans la révolution et la guerre, c'est comme se pencher au bord d'un précipice et se demander ce qui se passerait si l'on vous poussait. Vertigineux comme certains romans libanais.
Les exilés meurent aussi d'amour sait se servir de toute cette histoire vécue pour créer des personnages très vivants et attachants et raconter une histoire dont on a envie de connaître la fin... comme toutes les bonnes histoires. Son roman est intelligent et élégant et traite de l'exil avec une immense dignité. Un de mes romans préféré de la rentrée.
Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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Coup de coeur!
C'est le roman de l'exil d'abord, une famille quitte l'Iran pour la France après la révolution islamique. Au coeur de cette famille, la petite Shirin, 9 ans, qui observe, qui note, et qui déchante vite. Fini la guerre et les bombes, certes. Mais aussi fini la grande maison de Téhéran, les fêtes, les amis... et tout un mode de vie.

Chacun s'adapte tant bien que mal à son nouvel environnement, la langue est un enjeu capital, et va peu à peu renverser les rôles, l'enfant devenant plus rapidement à l'aise que ses parents.
Le dictionnaire, le cinéma aussi, autant d'entrées dans un pays... (De belles citations au passage sur le pouvoir des mots et de la langue, des dizaines à noter (et les Valseuses à re-regarder! La langue française se métamorphosait en baguette magique pour combattre le réel et sauver ce qui restait de l'enchantement de l'enfance.)

Mais au delà de ces thèmes du déracinement (entre souvenirs et espoir) , de l'intégration, il y a la formidable histoire de cette famille autant fantasque que dysfonctionnelle, avec des personnages aussi truculents que cabossés, des tantes au tout petit frère, les parents, les relations plus que complexes entre les soeurs...
La petite Shirin se détache peu à peu de l'emprise et du poids du passé, l'apprivoise et devient une jeune femme que l'on a beaucoup de plaisir à voir évoluer.

Ce sont aussi les histoires dans l'histoire, avec ces récits persans enchassés dans le roman, en écho au destin de certains personnages. On voyage, on rêve, en compagnie de Siyavash et des autres...

Et, comme le titre l'indique, il y est aussi question d'amour... amour familial, amour tout court, amours contrariées toujours...

Bref, un roman très riche, et une bien belle plume, à découvrir sans attendre!
Lien : http://lecture-spectacle.blo..
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On découvre la vie de Shirin, qui au lendemain de la révolution islamique en Iran s'installe à Paris avec toute sa famille.
L'exil n'est pas facile tous les jours pour les différents membres de la famille.
J'ai apprécié ce livre: Foisonnant. Riche. Drôle. On s'attache très vite à la narratrice. On partage ses sentiments. Et on vit cette histoire avec elle.
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Exil, politique, pauvreté, famille dysfonctionnelle, poids des lointains ancêtres, amours, sexe, et avant tout, surtout, l'âme persane c'est ce que nous donne à lire, à approcher, à comprendre ce beau roman dont on ne détache qu'avec une pointe de regret.
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Les exilés meurent aussi d'amour est une absolue merveille, un roman qui te transperce de part en part, un roman débordant de vie, d'amour, de sang et de larmes. de rage et d'espoir, de hargne et de combats.

C'est un roman sur l'exil, certainement le plus beau qu'il m'ait été donné de lire. C'est livre somptueux, délicat, drôle et terrifiant ; un livre remarquablement écrit, suintant la fougue et la passion. Un livre qui charrie le désespoir à la pelle, les idéaux en veux-tu en voilà, les perversions à n'en plus savoir compter. C'est un roman puissant, radical, sombre et lumineux, dramatique et monstrueux. Excentrique, torturé et joyeux.

Bref, tu l'as compris, rien n'est trop beau ni trop grand pour qualifier ce superbe deuxième roman de l'auteure franco-iranienne Abnousse Shalmani.

Voilà que je me sens bien seule en quittant la délicieuse compagnie de Shirin et des siens. Elle a neuf ans quand elle s'installe à Paris avec ses parents, aux lendemains de la révolution islamique en Iran, retrouvant sa famille maternelle. Dans cette tribu de réfugiés communistes, le quotidien n'a plus grand chose à voir avec les fastes de la vie à Téhéran. Entassée dans un minuscule appartement, passant l'essentiel de son temps cachée sous le canapé, Shirin observe et découvre que les idéaux, quels qu'ils soient, mentent et tuent. Elle s'entiche d'un cynique androgyne, s'inquiète de l'arrivée d'un tout petit frère oedipien, surdoué et empoisonneur, tente de comprendre le mutisme de son père, admire sa mère, magicienne du quotidien, autant qu'elle la méprise de se laisser humilier et manipuler par ses redoutables soeurs. Au coeur de cette terrible famille, tombée au champ d'honneur de l'Idéal, bardée de principes et mutée dans sa souffrance, Shirin joue sa partition. Une pièce qui n'a rien d'idéal, emplie de fausses notes, de fantômes et de femmes trop puissantes. Mais une pièce libérée, défiant toutes les règles, humant la vie à pleins poumons, dégustant chaque instants, découvrant l'amour.

Ce roman, dont le synopsis est un rien sombre j'en conviens, révèle une surprenante légèreté, un humour indéniable et une lumière délicieuse. C'est un hymne à l'art, aux arts, aux mots et à la Littérature. Un rejet de tout idéalisme. Car ce sont les idéalistes qui pensent que la Littérature est une perte de temps face à l'imminence de la Révolution, qui n'aiment pas la poésie, lui préférant les discours fanatiques. Ce sont les idéalistes qui ne savent rien du désir et du plaisir, qui ne connaissent rien des somptueux clairs-obscurs hors des certitudes. Ils ne fument pas, ne boivent pas, ne baisent pas. Tout ça pour être prêts quand sonnera l'alarme de la Révolution. Shirin elle, n'y croit pas. Et refuse ce bain dans lequel se meut et se perd sa famille. Pour elle, le geste révolutionnaire est un conte, une longue épopée de prince amoureux. C'est la Littérature qui réussit les meilleures révolutions.

Et entre ses lignes, on a envie d'y croire ! Une telle écriture, libérée et limpide, enlevée et chahutante, cela t'emmène au bout du monde ! C'est pur, c'est simple, c'est envoutant. Sous la plume d'Abnousse Shalmani, on se trouve téléporté dans les années 80, on est avec Shirin, planqués sous le canapé, à observer tout ce petit monde s'entre-tuer, on est assis sur le balcon regardant le tout petit frère bouturer ses plantes, on partage le repas de Norouz assis entre Mitra et Tala Hedayat. On est au milieu de ces exilés Iraniens, on les comprend, on les aime, on les déteste, on s'y attache. On s'y sent en famille, entre amis, envoutés.

Alors continuez à écrire, Madame Shalmani, continuez à vivre et à nous offrir de si beaux romans ! Des romans vivants, jouissifs, sans obstacle, sans morale et sans pudeur.
Des romans de survivants.
Des romans humanistes,
de ceux qui ont toujours à l'oeil l'homme assis sur sa montagne de fange.
Lien : http://www.mespetiteschroniq..
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