Je tiens à remercier Babelio et les éditions 10-18 de l'envoie du dernier roman de
Laura Shepherd-Robinson.
Dans ce roman historique, nous allons suivre l'enquête de Madame Corsham suite au meurtre sauvage d'une prostituée. Nous sommes en 1782, à Londres, autant dire de suite que notre Lady va se retrouver confrontée à la lie de l'humanité...
Parlons tout d'abord de notre héroïne: Caro, dans le livre, n'est pas une Lady "en sucre", une jolie mais faible poupée de porcelaine: elle va mener l'enquête, engager un attrape-voleur, se confronter à cette société masculine qui a les pleins pouvoirs (oui, également de vie et de mort en fin de compte).
Ce fameux attrape-voleur est un ancien magistrat qui est tombé bien bas, voir même très bas: Peregrin Child, un alcoolique "repenti" qui survit en chassant pires crapules que lui.
Je ne vais pas faire durer le suspense plus loin: ce duo marche très bien.
Pas De personnage qui prend le dessus sur l'autre mais une relation de semi-confiance/dualité qui évolue au fil du roman. C'est très bien écrit et c'est important de ne pas avoir deux figures archétypales, sans saveur, qui ne serviraient que de "véhicules" à la narratrice.
Sur "l'univers", le décor de cette enquête: Londres apparaît comme étant particulièrement dangereux, crasseux et violent. Qu'importe votre "caste", la violence est palpable, la chute/perte de prestige une question de "vie ou de mort" car chacun peut choir de son piédestal.
Les anciennes gloires qui tentent de faire survivre un nom glorieux, une dame confrontée à entourage qui ne supporte plus sa trop grande "liberté", cacher la maladie, un aveux coupable... Bref un joli panier de crabes, bien suppurant.
Concernant l'enquête: une seule enquête, s'étalant sur plus de 500 pages, forcément il y a des moments où on perd un peu le fil des discussion. Rien d'alambiqué, bien au contraire, mais les enquêteurs vont régulièrement interroger les mêmes suspects/témoins et, à chaque fois, on a une version différente. J'ai soulevé un sourcil une fois ou deux car, pour moi, un suspect ne va pas changer de version, n'a aucun intérêt même à accepter de discuter avec des non-officiels et se mettre en "danger". Pis interrogé 4, 5 fois les mêmes personnes, sur les mêmes faits et toujours obtenir un peu plus... Bref, j'ai peut-être une vision étriquée des histoires policières.
C'est plutôt bien amené mais ça manque de "naturel" parfois: la présence menaçante accélère et hop un témoin meurt en une page puis on ralentit à nouveau...
Pourquoi ce rythme un peu étrange? Pour moi (je le précise mais c'est évident: je ne suis que lecteur, pas critique littéraire et il ne s'agit que de ma perception des choses, CQFD), ce rythme est lié aux "flashbacks" concernant une certaine Pamela qui va éclairer l'enquête de notre Lady et donc, quand les choses tournent mal dans le passé (8 mois avant la mort de Lucy), dans le présent, les choses semblent également s'accélérer alors qu'il n'y a aucune connexion logique entre les deux.
Rien de bien grave mais l'effet recherché n'a pas fonctionné avec moi.
Un autre point semi-négatif: la vision de la prostitution et des prostitués: selon les moments, on passe de quelque chose d'horrible et révoltant à un "style de vie" presque "valable". L'horreur de vendre son corps, sa virginité, le caractère libidineux des hommes et leur "droit" de possession quasi absolue sur ces femmes ne passent qu'à travers quelques phrases de l'héroïne et c'est un peu près tout. Je comprends bien la volonté d'opposer la vision rétrograde des hommes de l'époque à celle de notre Lady mais pourquoi les descriptions de ces lieux n'appuient pas un peu plus sur le caractère révoltant? A un moment du roman, j'ai même cru "comprendre" qu'il faut empêcher ces femmes de retourner à cette vie de débauche qui leur "manquent". J'ai sûrement loupé un passage...
Bref, ce roman est vraiment intéressant, bien écrit et l'enquête prenante. Par contre, pour de l'historique, j'ai une impression, par moment, que c'est un peu "hors-sol" pour justifier un effet de style, une description, un angle de vue efficace. C'est un peu comme le syndrome du "faux méchant" dans les séries: on nous présente un personnage grincheux, qui parle mal aux héros puis, 10 épisodes plus tard, sans aucune raison, il devient le meilleur ami du héros avec un verre au bar et on gomme sans soucis toute logique ou installation de ce personnage. Ca donne une belle scène mais pas une bonne intrigue.
En conclusion: une enquête prenante mais, pour moi, pas une grande intrigue historique.
Lien :
http://chroniquesantharius.b..