Livre difficile à comprendre. Recommandé pour les pratiquants de yoga ayant déjà pas mal de connaissances théoriques et de pratiques sérieuses.
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Siva, essence unique de toute existence, est aussi le Seigneur de la danse (natarâja). D'une de ses multiples mains il tient le tambourin dont les vibrations sonores font émaner l'univers en engendrant le temps et l'espace ; d'une autre il brandit le feu de la résorption(1). Le mouvement de la danse cache son essence, faisant tournoyer autour de lui les flammes de la manifestation tandis que le feu de la résorption, balayant tout, la révèle ; il se tient immobile au centre de cette double activité, foyer de toute puissance, déployant, impassible, les énergies les plus farouches, les mouvements les plus opposés ; l'émanation et la résorption, l'obscurcissement et la grâce, la rétraction et l'épanouissement.
Son énergie, la grande Kâlï avec laquelle il forme un tout indivisible, propage à l'univers entier le rythme de cette danse cosmique : telle est l'essence de l'énergie kundalinienne, source de tous les rythmes de la vie ; ce qu'elle engendre n'est que rythme, aucun niveau ne lui échappant. C'est dans la perspective de ce frémissement divin dont elle est l'expression privilégiée et qu'elle reproduit à tous les stades qu'il faut la situer pour comprendre le rôle qu'elle joue dans l'homme et dans l'univers (...) ainsi l'énergie kundalinî n'est que vibration, ondulation vibrante de l'émanation, vibration de plus en plus subtile de la résorption, vibration de haute fréquence.
Les physiciens mettent actuellement à jour l'importance de la vibration et son rôle fondamental comme principe d'unité, mais notre intention n'est pas d'expliquer les textes à la lumière de la physique moderne. Avant le IXe siècle de notre ère, les traditions du Cachemire font état de la vibration : elles en connaissent la puissance, les formes variées et s'appliquent à la faire reconnaître à travers des descriptions précises et concrètes.
(1) Ce feu consume le moi, car cette danse mystique, libre et spontanée, a pour scène le cœur humain qu'elle remplit de félicité. De nombreuses sculptures indiennes représentent Nataràja dansant sur un piédestal de lotus tandis que, prostré à ses pieds, le démon de l'oubli le contemple. Environné d'un cercle de flammes - symbole de sa gloire partout répandue - le Seigneur des danseurs, tournoyant sur lui-même, entraîne dans son tourbillon l'univers entier. L'immobilité de l'axe vertical autour duquel s'opère le mouvement contraste avec l'intensité des gestes du divin danseur. Ne peut-on reconnaître la kundalinî maîtrisée dans Je Roi des serpents, raide et horizontal que, dans certaines sculptures, Siva tient au-dessus de sa tête ? (pp. 19-20)
L'iconographie indienne se plaît à représenter Siva sous les traits d'un hermaphrodite, ardhavïra, la partie droite du corps étant masculine et la gauche, féminine. C'est exprimer d une manière concrète la libre autonomie de l'énergie divine, les deux sexes réunis en un seul corps reconstituant l'unité originelle des principes opposés qui divisent l'univers : « Siva marque de son sceau le monde entier, dit Utpaladeva, divisant l'humanité en corps mâles et en corps femelles » - parties fractionnées d'un même Tout. (S.st. XIV. 12.)
Aux yogin et yogini qui aspirent à retrouver la plénitude de l'unité primordiale est proposée l'union sexuelle ésotérique. S'Ils sont aptes à remplir les conditions qu'elle impose, ils peuvent, grâce à elle, recouvrer l'intégralité de l’Être, unir indissolublement en eux les polarités masculine et féminine, unité en germe dans tout être humain, et échapper définitivement à la dualité. (p. 163)