« Non, Alex, j'ai beaucoup d'amitié pour vous, mais... » Avait-il besoin d'autres explications ? Les euphémismes qui avaient suivi ce « mais », il ne les avait même pas écoutés. Tout ce qu'il avait retenu, c'était qu'Irène avait dit non, qu'elle ne voulait pas l'épouser parce qu'il était laid, incurablement laid, diminué, estropié... Une sorte de monstre dont on a honte et pour lequel on éprouve un insurmontable dégoût !
Elle est tellement fière qu'elle préférera subir beaucoup d'avanies plutôt que de supporter les bavardages, la curiosité et surtout la pitié. Si elle vous quitte tout de suite après le mariage, vous pensez bien que les gens vont se douter de quelque chose. En province plus qu'ailleurs, les langues vont bon train. Elle souffrira en silence, pour ne pas se donner en spectacle, j'en suis certain !
J'ai considéré le refus d'Irène comme une offense, je me suis imaginé qu'elle se moquait de moi, que je lui inspirais de l'aversion, pire, de la pitié ! En somme, c'est mon amour-propre plus que mon amour qui a souffert ! Il n'y a rien de plus débilitant que de se tromper sur soi-même !
L'argent ne m'intéresse pas ! Ce que je veux, c'est réaliser tout ce qui gronde en moi. En extraire l'essentiel. Traduire un visage. Faire hurler un champ de blé, comme Van Gogh ! Creuser un ciel, comme Vlaminck !
La perfection attire moins qu'un nez amusant, une fossette, des taches de rousseur...