Citations sur Maigret s'amuse (54)
Les gens ont d’autant plus confiance dans leur propre jugement qu’ils ont moins de connaissance ou d’expérience pour l’étayer.
Or, si étrange que cela paraisse, ce sont toujours les hommes intelligents qui se font prendre. Certains crimes crapuleux, commis par une petite gouape quelconque, ou par un déséquilibré, restent impunis. Un crime d'intellectuel, jamais. Ils veulent tout prévoir, mettre les moindres chances de leur coté. Et c'est leur fignolage, c'est quelque détail "en trop" qui les fait prendre en fin de compte.
Les autres avaient profité du plaisir qu’elle leur offrait puis s’étaient hâtés de mettre fin à l’aventure.
Cela faisait penser à quelqu’un qui, tombé à l’eau dans un fort courant, se raccroche en vain à des épaves pourries.
L’amour la fuyait. Le bonheur la fuyait. Têtue, talonnée par l’idée de la mort, elle ne s’en obstinait pas moins.
Vous ne savez pas si la jeune fille a emporté des bagages ?
— Vous appelez ça une jeune fille ? Quelqu’un qui reçoit des hommes mariés ?
— Pourquoi dites-vous des ? Il y en avait plusieurs ?— Si on en reçoit un, on est capable d’en recevoir d’autres, voilà mon opinion.
Mme Maigret avait murmuré :
— Tu me promets de ne pas aller au bureau ?
— Je le jure.
— Tu vas déjà tellement mieux, vois-tu ! Après trois jours de repos, tu es un autre homme. Si, à cause d'une femme morte, tu dois perdre le bénéfice de tes vacances...
[Georges SIMENON, "Maigret s'amuse", éditions Presses de la Cité (Paris), 1956 — Chapitre II : "Le dîner du père Jules", page 23 de l'éd. Edito-Service S.A. (Genève)]
Quelques gros nuages blancs avaient envahi le ciel et, à l’Est, il y en avait un plus lourd que les autres, avec un centre plus gris, qui faisait penser à une tumeur prête à crever. L’air était chaud, immobile.
C’était un drame à trois personnages, tout comme un vaudeville, à la différence que quelqu’un y avait laissé la vie et qu’un homme allait y laisser sa tête ou tout au moins sa liberté.
— Vous ne savez pas si la jeune fille a emporté des bagages ?
— Vous appelez ça une jeune fille ? Quelqu’un qui reçoit des hommes mariés ?
Les personnages, transposés par la jeune fille, perdaient leur humanité, leur vérité tragique, devenaient des pantins de roman populaire.
Il a cru agir en homme intelligent. Or, si étrange que cela paraisse, ce sont toujours les hommes intelligents qui se font prendre. Certains crimes crapuleux, commis par une petite gouape quelconque, ou par un déséquilibré, restent impunis. Un crime d’intellectuel, jamais. Ils veulent tout prévoir, mettre les moindres chances de leur côté. Ils fignolent. Et c’est leur fignolage, c’est quelque détail « en trop » qui les fait prendre en fin de compte.