Le bébé est mort.
C'est à travers cette phrase, à la fois simple et d'une violence inouï, que s'ouvre
Chanson Douce, prix Goncourt 2016.
Le cadre étant posé, on se laisse happer par ce huis clos psychologique d'une rare intensité.
L'infanticide n'est pourtant pas le point de départ, mais d'arrivée. Une fois cet évènement exposé, l'autrice va faire chemin inverse, en nous racontant l'arrivée du loup dans la bergerie, jusqu'à ce climax final, qui n'en ai finalement plus un. Ainsi, le lecteur découvre avec une inavouable délectation la chronologie des faits et les mécanismes pernicieux qui ont conduit à la tragédie.
On fait alors la rencontre d'un couple cherchant à se libérer de ses obligations domestiques et parentales, ainsi que de Louise, recrutée comme nounou. Encensé par des amis du couple pour ses nombreuses qualités et son savoir faire, la femme au physique frêle et au visage de poupée va leur devenir indispensable. Mais les apparences ne durent qu'un temps, voire s'estompent, au fur et à mesure qu'une relation d'interdépendance malsaine s'installe entre ces parents aveuglés par l'ambition et cette femme aux multiples visages. Plus Louise occupe les lieux, plus elle devient une sorte de parasite indélogeable, qui étend son influence sur le foyer "qui ne tenait que grâce à elle".
Malgré son titre suave,
Chanson douce est pétri d'une rare violence, discrète et muette, comme tapis entre les quatre murs de l'appartement du couple Massé. Cette dernière s'exerce à l'égard de tous les personnages, auxquels s'opposent des barrières sociales différentes : Louise est contrainte par sa situation précaire à vivre dans un taudis ; Myriam, a renoncer à son travail en donnant naissance à ses deux enfants ; Wafa doit régulariser sa situation d'immigré en se mariant pour des papiers...
C'est d'ailleurs les personnages féminins qui sont écrit avec le plus de finesse et de complexité. Chacune de ces femmes cherchent une voie d'émancipation pour contrer sa condition, quitte à faire des sacrifices.
Le plus grand d'entre eux, aussi paradoxale que cela puisse paraître, est sans doute celui de Louise, cette femme vouée à la solitude, car incapable d'aimer. Revêtant son costume de
Mary Poppins, elle nourri des obsessions et des fantasmes, jusqu'à un meurtre aussi dément que désespéré.