Leïla Slimani est invitée à passer la nuit à la Douane de mer, à Venise, où se tient l'exposition Luogo e Segni (Lieu et signes) qui rassemblent les oeuvres d'artistes contemporains. Elle a accepté car elle était en panne d'inspiration et puis il s'agissait quand même de la Sérénissime. Mais, elle n'apprécie pas l'art contemporain qu'elle trouve trop élitiste.
Elle se sent prisonnière des lieux, des oeuvres, et surtout illégitime. Elle passe en revue les oeuvres, pour tenter de les apprivoiser, sinon les aimer et cela fait remonter d'autres réflexions sur la mort, sur les souvenirs qui remontent, sur le paradis perdu du Maroc, l'exil :
« Il suffit que je ferme les yeux pour me souvenir de ce parfum entêtant et sucré. Les larmes me montent aux paupières. Les voilà, mes revenants. La voilà, l'odeur du pays de l'enfance, disparu, englouti. Je m'appelle la nuit. Tel est le sens de mon prénom Leïla en arabe »
L'auteure nous parle sa passion pour la littérature depuis l'enfance, ce qu'elle lui procurait alors, ce qu'elle doit être, racontant l'angoisse de la page blanche, de la panne d'inspiration qui ont fini par la conduire à accepter cette nuit au musée.
Il faut arriver à faire remonter les souvenirs personnels et les affects qui leur sont rattachés pour que l'inspiration ne se dérobe plus. Mais, il faut aussi de la discipline, ce qui implique de s'isoler dans autres et le corollaire : la misanthropie qui peut passer pour du snobisme et décevoir ainsi les autres.
L'enfermement dans le musée évoque pour elle l'enfermement dans une culture, dans une famille, mais aussi la prison derrière les barreaux. Ne pas se sentir à l'aise dans ce musée, provoque une certaine peur, un doute sur la légitimité, miroir de ce qu'elle a pu vivre plus jeune.
Elle s'interroge également sur le rôle de l'artiste : empêcher l'oubli, laisser une trace, donner vie au souvenir, repousser le mort, tendre à l'immortalité…La beauté disparaît elle quand une oeuvre est détruite ou abimée ? L'auteure nous livre au passage une très jolie phrase sur l'incendie de Notre-Dame :
« Je me dis que Notre-Dame s'est peut-être suicidée. Épuisée, lessivée face à tous ceux qui veulent la consommer, elle s'est immolée par le feu. Notre-Dame est morte d'avoir été trop vue, de n'être devenue rien d'autre qu'un objet touristique à consommer. »
Cette réflexion entraîne une digression vers le religieux et le laïc, sans trop s'appesantir, pour revenir à la sagesse et le paraître avec un passage étoffé sur Marilyn que j'ai beaucoup aimé.
Leïla Slimani approfondit cette notion d'enfermement, de huis-clos pour revenir sur son père. Elle l'évoque, de fort belle manière, ce père, ses relations avec lui, l'exil, la transmission, les accusations portées
contre lui, sa mort et la manière dont la mort est considérée dans la religion, Islam en particulier, avec l'importance de la notion de destin de résignation, de fatalité, pour accepter la mort et le sort en général.
J'aime beaucoup cette série « une nuit au musée » avec une petite préférence pour
Lydie Salvayre et l'homme qui marche et
Leonor de Recondo qui m'a transmis son amour pour El Greco. Mais celui-ci est très intense aussi, même si parfois
Leïla Slimani nous noie par l'intensité et la labilité de sa réflexion : elle veut dire beaucoup de choses et il faut suivre son raisonnement.
Je n'ai lu que « Une
chanson douce » de l'auteure, qui m'a bien plu, et j'ai eu du plaisir à retrouver sa plume. Je voulais lire «
le pays des autres » mais vous connaissez l'état de ma PAL…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m'ont permis de continuer à explorer cette série des nuits au musée et suivre les pas de l'auteure, pieds nus dans le musée.
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