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Citations sur Complots (27)

Une Princesse de rêve
Mme de La Fayette vous prévient : une femme, au
xviie siècle, n’a d’existence qu’au couvent, ou entre un
mari et une mère. Les mariages sont arrangés, les maris
plus ou moins jaloux, les mères font la morale. Toutes
ces contraintes sont idéales pour le développement de
l’amour. Le personnage de l’Amant devient décisif. Il
s’agit de Dieu pour les religieuses (combien de spasmes
mystiques dans les cloîtres!), et de l’irrésistible tombeur de femmes pour les épouses, pourvu qu’elles soient
belles et s’ennuient. Elles ressentent alors de l’inclination
pour un virtuose de la galanterie. Le duc de Guise, par
exemple, conduira la Princesse de Montpensier (1662)
à la mort. «Magnificence », «galanterie », voilà la France
d’Henri II, lui-même amoureux de Diane de Poitiers,
duchesse de Valentinois. Tout n’est que fêtes et intrigues.
Pour être estimé, un homme doit être «beau, de bonne
mine, vaillant, hardi, libéral ». Mais voyez Nemours, destin de la Princesse de Clèves (1678) : «C’était un chef d’œuvre de la nature. Ce qu’il avait de moins admirable,
c’était d’être l’homme du monde le mieux fait et le plus
beau. […] Il avait un enjouement qui plaisait également
aux hommes et aux femmes […] et enfin un air dans toute sa personne, qui faisait qu’on ne pouvait regarder que lui
dans tous les lieux où il paraissait. » On comprend que
l’ex-président Sarkozy ait été furieux qu’une femme ait pu
écrire ce genre de livre : du coup, il en a ressuscité le succès. Vous pouvez ainsi découvrir que la France, avant de
sombrer dans le lourd cauchemar démocratique, était un
royaume excitant et cruel de conte de fées.
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Il s’affaiblit, Le Nôtre, il est content d’être décoré par
le roi de l’ordre de Saint-Michel, il lègue ses collections
à Louis XIV, et finit par s’éteindre, à 4 heures du matin,
dans sa chambre de sa maison des Tuileries, au deuxième
étage. Son père était jardinier aux Tuileries, le jardin est à
lui. On l’enterre à Saint-Germain-l’Auxerrois, puis à Saint Roch. Comme il fallait s’y attendre, sa tombe est violée, et
ses restes dispersés pendant la Terreur, en 1793. Il a droit
à une plaque commémorative, pendant que des foules de
touristes du monde entier viennent se balader dans son
œuvre. Le duc de Saint-Simon, lui non plus, n’a pas pu
se reposer tranquille, lui qui avait fait enchaîner son cercueil à celui de sa femme, dans son château dévasté. Ses
Mémoires sont plus vivants que jamais, et Proust les a lus à
la loupe. Le Nôtre, ou le temps retrouvé. Finalement, c’est
Colbert qui a trouvé, à son sujet, les mots les plus justes,
dans une lettre adressée à ce roi des jardins, le 2 août
1679 : «Vous avez raison de dire que le génie et le bon
goût viennent de Dieu et qu’il est très difficile de les donner aux hommes. »
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Tout le monde veut Le Nôtre : il est à Saint-Cloud, Fontainebleau, Chantilly, et, surtout, chez Fouquet, à Vaux-leVicomte. Louis XIV est furieusement jaloux des fêtes et
des dépenses de Fouquet ? Tant mieux, ce sera Versailles,
et, en 1664, les Plaisirs de l’Île enchantée. Là, c’est une
folie et une féerie d’une semaine, avec des faunes dans
les branches donnant des concerts de musique. Le Nôtre
est jardinier, architecte, hydraulicien, metteur en scène,
il travaille du matin au soir, c’est une armée à lui seul.
Les acteurs du temps s’appellent, excusez du peu, Poussin,
Bernin, La Fontaine, Molière, Delalande, Lully, Sévigné.
La planète, pour Le Nôtre, est une île enchantée, gouvernée par la raison, nouveau miracle grec. Il faut des
perspectives, des angles, des bassins, des échappées. L’intense variété des fleurs est musicalement prévue : tulipes,
anémones, jonquilles, iris, jacinthes, pivoines, avec, en
contrepoint, des arbrisseaux, chèvrefeuilles, romarin, lilas,
rosiers, giroflées. À Versailles, rêve incessant, il faut s’occuper de tout. Le roi se mêle des moindres détails, il rectifie, accentue, fait la gueule, exige un peu d’« enfance »,
approuve, dépense sans compter. Voyez ces axes, ces terrasses, ces canaux, ces réservoirs, ces machines, ces pièces
d’eau, ces parterres, ces bosquets. Le Nôtre, dans un de
ses rares propos, appelle ça « élever ses pensées ». Vous ne
vous en doutiez pas, mais la nature pense et il suffit de la dégager, de l’aider. On travaille ici pour les siècles : Apollon réfléchit et observe, il se promène, invisible, dans son
royaume. À son retour d’Italie, avec une rare audace, Le
Nôtre demande à visiter Fouquet, emprisonné à Pignerol,
légende vivante, « soleil offusqué » (Morand). Louis XIV
laisse faire : Le Nôtre est fidèle en amitié. On ne sait rien
de cette conversation qui mériterait un livre. Vaux-leVicomte en prison, on croit rêver.
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Il est stupéfiant que le grand roi des jardins français,
André Le Nôtre (1613-1700), n’ait pas eu droit jusqu’ici à
une biographie. Mieux vaut tard que jamais, et, enfin, la
voici
. Commençons par sa mort, le 15 septembre 1700, et
le rare hommage que lui rend Saint-Simon l’implacable :
«Le Nôtre mourut après avoir vécu quatre-vingt-huit ans
dans une santé parfaite, sa tête et toute la justesse de sa
capacité ; illustre pour avoir donné le premier les divers
dessins de ces beaux jardins qui décorent la France. […]
Il avait une probité, une exactitude et une droiture qui
le faisaient estimer et aimer de tout le monde. […] Il fut
toujours désintéressé. […] Il travaillait pour les particuliers comme pour le roi, et avec la même application, ne
cherchait qu’à aider la nature, et à réduire le vrai beau
aux moins de frais qu’il pouvait. Il avait une naïveté et
une vérité charmante. Le pape pria le roi de le lui prêter
pour quelques mois; en entrant dans la chambre du pape,
au lieu de se mettre à genoux, il courut à lui : “Eh! bonjour, lui dit-il, mon révérend père, en lui sautant au col,
et l’embrassant et le baisant des deux côtés; eh! que vous
avez bon visage, et que je suis aise de vous voir en si bonne
santé !” »

Ça n’a l’air de rien, mais pour l’époque, et encore
aujourd’hui, c’est énorme. Ce fils de jardinier, né aux
Tuileries et mort aux Tuileries, est partout chez lui. Il est
modeste, effacé, mais il sait que le pouvoir n’est rien si on
ne sait pas orchestrer la nature. Il embrasse le pape, le roi,
monte au-dessus d’eux, dans la géométrie et les arbres.
Il est protégé par Colbert et Louvois, son coup d’œil et
troublante, lui parle en tête à tête, le nomme contrôleur
général des bâtiments, habite chez lui, respire chez lui,
se prend pour un dieu grâce à lui. Sans le soleil réfléchi
et canalisé, vaste, ombragé, mathématique, charmé, pas
d’Apollon dans les clairières ou la galerie des Glaces. Le
roi est ravi, le pape, nullement choqué, est ravi.
son esprit sont indispensables. Louis XIV l’aime de façon
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Le roi des jardins


Vous allumez, un soir d’été, la télévision française de
service public. On doit vous parler de Louis XIV, de Versailles, et il y aura même, ensuite, un film sur Louis XV.
Vous êtes édifié : de fausses naïades se trémoussent
devant des fontaines, des comédiens en perruque
pérorent, on boit un coup dans le château comme au bistrot, des intermittents du spectacle véhiculent dans tous
les sens des chaises à porteurs, des acteurs défilent pour
ne rien dire, un académicien best-seller, très en forme,
bénit ce cirque. Vous êtes au cœur de la vulgarité française d’aujourd’hui.
Un magazine populiste titrait récemment : «L’homme
qui a ruiné la France». Vous ne le saviez pas ? Eh bien, c’est
Louis XIV. Quant à Louis XV, c’était une sorte de DSK de
l’époque, en plus ramollo. Inutile de dire que Versailles,
à partir de ces plaisanteries coûteuses, devient invisible, et
n’attend plus que l’installation de déchets d’art contemporain pour amuser les enfants. Le parc, les jardins ? Vous
n’y pensez pas, aucun intérêt. Un certain Le Nôtre ? Qui
est-il ? On ne sait pas.
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avertissement

Paradoxe : plus le bruit de la violence et de l’ignorance
augmente, plus les marchés financiers s’enfoncent dans
le numérique fou, plus l’illettrisme et le terrorisme s’incarnent comme des religions nouvelles, plus la science du
silence se fait sentir.
Elle se révèle à travers le temps, cette science, comme
une vaste série de complots menés par des singularités
insoumises et irréductibles.
Au cœur des ténèbres, donc, se tient la lumière, « rose
de la raison, dans la croix du présent ».

ph. sollers

mai 2016
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« Le commencement est ce qui,
dans le déploiement d’essence de l’histoire,
se montre en dernier lieu. »
Martin Heidegger, Parménide.
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Mme de La Fayette nous en dit long sur l’érotisme féminin. Le mariage, bon, ça va, routine sociale et enfants. Des
amants ? Pourquoi pas, elles en ont toutes, mais le manège
a ses limites. L’amour ? Là, c’est autre chose, l’impossible
irréalisable. Il faut amener un homme à penser qu’il n’y a
qu’une seule femme au monde en dehors de sa mère, c’est
la version profane de la Vierge Marie. La Princesse n’est
pas du tout vierge, mais elle est la seule qu’un connaisseur de femmes peut aimer pour rien. Tout s’enclenche : il
faut que l’amant dévoile sa folie sans oser l’avouer, la Princesse, de son côté, doit lui laisser entendre qu’elle l’aime.
Le vol d’un portrait, une lettre détournée, des confidences
cryptées, rien ne manque. La Princesse, erreur incroyable,
avoue son inclination pour Nemours à son mari (qui est
donc devenu, histoire courante, une sorte de mère). Le
mari est affolé, et il en mourra. Nemours, lui, trouve de
« la gloire à s’être fait aimer d’une femme si différente de
toutes celles de son sexe ». La Princesse est donc arrivée
à ses fins : elle jouit de cette singularité qui se tient dans
l’ombre.
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Tout le monde veut Le Nôtre : il est à Saint-Cloud, Fontainebleau, Chantilly, et, surtout, chez Fouquet, à Vaux-le Vicomte. Louis XIV est furieusement jaloux des fêtes et
des dépenses de Fouquet ? Tant mieux, ce sera Versailles,
et, en 1664, les Plaisirs de l’Île enchantée. Là, c’est une
folie et une féerie d’une semaine, avec des faunes dans
les branches donnant des concerts de musique. Le Nôtre
est jardinier, architecte, hydraulicien, metteur en scène,
il travaille du matin au soir, c’est une armée à lui seul.
Les acteurs du temps s’appellent, excusez du peu, Poussin,
Bernin, La Fontaine, Molière, Delalande, Lully, Sévigné.
La planète, pour Le Nôtre, est une île enchantée, gouvernée par la raison, nouveau miracle grec. Il faut des
perspectives, des angles, des bassins, des échappées. L’intense variété des fleurs est musicalement prévue : tulipes,
anémones, jonquilles, iris, jacinthes, pivoines, avec, en
contrepoint, des arbrisseaux, chèvrefeuilles, romarin, lilas,
rosiers, giroflées. À Versailles, rêve incessant, il faut s’occuper de tout. Le roi se mêle des moindres détails, il rectifie, accentue, fait la gueule, exige un peu d’« enfance »,
approuve, dépense sans compter. Voyez ces axes, ces terrasses, ces canaux, ces réservoirs, ces machines, ces pièces
d’eau, ces parterres, ces bosquets. Le Nôtre, dans un de
ses rares propos, appelle ça « élever ses pensées ». Vous ne
vous en doutiez pas, mais la nature pense et il suffit de la
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dégager, de l’aider. On travaille ici pour les siècles : Apollon réfléchit et observe, il se promène, invisible, dans son
royaume.
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Il est stupéfiant que le grand roi des jardins français,
André Le Nôtre (1613-1700), n’ait pas eu droit jusqu’ici à
une biographie. Mieux vaut tard que jamais, et, enfin, la
voici1
. Commençons par sa mort, le 15 septembre 1700, et
le rare hommage que lui rend Saint-Simon l’implacable :
«Le Nôtre mourut après avoir vécu quatre-vingt-huit ans
dans une santé parfaite, sa tête et toute la justesse de sa
capacité ; illustre pour avoir donné le premier les divers
dessins de ces beaux jardins qui décorent la France. […]
Il avait une probité, une exactitude et une droiture qui
le faisaient estimer et aimer de tout le monde. […] Il fut
toujours désintéressé. […] Il travaillait pour les particuliers comme pour le roi, et avec la même application, ne
cherchait qu’à aider la nature, et à réduire le vrai beau
aux moins de frais qu’il pouvait. Il avait une naïveté et
une vérité charmante. Le pape pria le roi de le lui prêter
pour quelques mois; en entrant dans la chambre du pape,
au lieu de se mettre à genoux, il courut à lui : “Eh! bonjour, lui dit-il, mon révérend père, en lui sautant au col,
et l’embrassant et le baisant des deux côtés; eh! que vous
avez bon visage, et que je suis aise de vous voir en si bonne
santé !” »
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