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EAN : 9782070377862
343 pages
Gallimard (13/01/1987)
3.25/5   38 notes
Résumé :
« Je lève les yeux. Mon refuge est parfait. Chambre et jardin. Les hauts acacias remuent doucement devant moi. Je sens les vignes tout autour, à cent mètres, comme un océan sanguin. C'est la fin de l'après-midi, le moment où le raisin chauffe une dernière fois sous le soleil fluide. J'ai donc fini par revenir ici. Après tout ce temps. Chez moi, en somme. Ou presque. L'une de mes sœurs m'a prêté la maison... Ni ferme, ni manoir, ni château ; "chartreuse", ils appelle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Autofiction, autobiographie, essai, oui, mais pas un roman. Sollers nous propose son histoire familiale, ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, ses souvenirs de la deuxième guerre mondiale, se efforts pour se faire réformer et échapper au service militaire, ses souvenirs de sa maison d'édition, occasion de caricatures piquantes, ses réflexions sur la société, des portraits de quelques maîtresses, dont Sophie, avec qui l'auteur entretient une liaison très érotique. Cet érotisme, basé sur des jeux de rôles et des scénarios élaborés à deux, nourri d'un langage volontairement cru, est exposé ici sans pudeur. Sollers est un libertin assumé, et pourquoi pas, même si on ne ressent pas d'affinités avec son univers érotique. Cependant, au-delà des jeux sexuels, Sollers analyse de façon très intéressante leur substrat psychologique. le mode de fonctionnement de Sophie est décortiqué, les conditions de réussite de ces jeux sont expliquées, et c'est loin d'être superficiel.

Sollers consacre quelques pages au Marquis de Sade, à Casanova, à Mozart, à Hemingway dont il conseille de lire « Au-delà du fleuve et sous les arbres », tous artistes bon vivants fascinés par les femmes, qu'il admire et auxquels il s'identifie.

Ironie, dérision, humour parfois irrésistible (le canular sur les fouilles archéologiques sous le supermarché, sa mésaventure désopilante avec la domestique Asuncion, le portrait hilarant de son éditeur, la caricature de Olga la collaboratrice de son éditeur, la confrontation avec le psychiatre de l'armée pour se faire réformer, l'autoportrait du Don Juan blasé obligé de s'adonner à une sexualité de charité avec certaines femmes en manque) autant de scènes qui valent le détour.

Parallèlement, réflexions pertinentes, richesse des thèmes abordés sans tabou, feu d'artifice de mots, d'expressions, de trouvailles langagières. Ce style peut fatiguer mais quand le sujet est bon, il fait mouche. Il faut prendre le temps de lire Sollers. Sa personnalité, sa philosophie hédoniste, son style, sa vie sont intéressants. Il faut lui pardonner ses outrances, son narcissisme, son étalage de culture, l'éparpillement de sa pensée. Dans le fourmillement et l'effervescence de sa pensée, il faut savoir séparer le bon grain de l'ivraie.

Une fois de plus, les femmes, sont à l'honneur : Norma l'épouse (en fait Julia Kristeva), Ingrid placée à part (sans doute Dominique Rolin dans la vraie vie), les maîtresses régulières Sophie et Joan, les aventures subies ( Asuncion, la jeune domestique espagnole, qui se jette dans les bras de l'écrivain célèbre et provoque la jalousie du petit copain, est l'occasion d'un des passages les plus drôles du livre), Tina l'italienne la partenaire de « baise de charité » dont il n'arrive pas à se débarrasser, enfin Concha (Eugénia dans « Une curieuse solitude) sur laquelle Sollers revient de façon presque nostalgique.

J'ai lu les 17 extraits proposés en Citations. Je les trouve personnellement mal choisis car ils ne donnent pas envie de lire le livre. Il manque l'humour, surtout. Aussi je vous invite à aller lire trois nouveaux extraits : la mésaventure avec la jeune domestique Asuncion, la stratégie pour se faire réformer du service militaire, les déboires du don juan blasé obligé de pratiquer une sexualité de charité. Si ces extraits ne vous arrachent pas des sourires sincères, alors oui, Sollers ne correspond peut-être pas à votre univers littéraire.

Si je regarde les 10 critiques déjà proposées, je constate que Sollers ne laisse personne indifférent.

* Colichik rejette l'homme Sollers suffisant, nombriliste et en oublie l'écrivain sur le fond.
* Sheldrake descend l'auteur et le livre en trois lignes sèches.
* Hema6 (fourvoyée en citations) n'a pas fini sa lecture mais ne juge pas et parle d'écriture novatrice
* Goldtone reste neutre et factuel sans vraiment s'engager
* Frandj apprécie le style vif et primesautier, brillant, avant de faire part de sa lassitude et en revient au narcissisme de Sollers pour finir par douter de la véracité du propos.
* Elouar00 est ambivalent, trouve l'ensemble "très drôle, assez futé, souvent, pas si intéressant que ça."
* Cecedille reconnaît des passages réussis et des défauts : " cuistrerie, facilité, clinquant."
* Kristov1 ne se mouille pas, il laisse ça à Sophie justement : "Ha les jeux érotiques de Sophie !!!!" Mais puisqu'il a mis trois étoiles c'est plutôt positif.
* ZaoWou en deux mots est emballé : "Vie rafraîchissante". Il n'a pas tort.
* celineCartier, est hyper synthétique et fan : "Du très bon Sollers !" C'est la meilleure note.

Et moi je me classe un peu avant celineCartier. Oui, du bon Sollers.


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Qui peut être plus agaçant que Philippe Sollers ? Qui peut être plus complaisant envers lui-même que cet auteur, en dissimulant sa complaisance sous une apparence de dérision ? Qui se regarde sans fin dans le miroir de son existence sinon Diamant-Joyau ? Trois fils conducteurs dans ce roman : l'enfance et la famille, les femmes et Venise.
Les femmes : celles que l'on aime et qu'avec pudeur, on épargne... Ingrid, Norma. Celles qui fascinent et que l'on décrit avec la cruauté du spectateur qui jouit d'une scène où l'autre s'abandonne, victime de son image ou de ses manques. Joan, Sophie. Il y a peu de miséricorde chez Sollers et, avec bonne conscience, il se salit quand il se montre le jouet consentant des fantasmes de ces femmes prisonnières de leur double vie (Sophie) ou de leur pouvoir médiatique. Mais il n'oublie jamais d'en faire payer le prix à ces créatures ligotées par les règles du jeu social. le libertinage : il a bon dos quand il se cache dans le jeu du patron et de la boniche, de l'écrivain et de la journaliste ou encore de l'esclave et de la bourgeoise glacée. Car il se cache aux yeux de tous et ne se révèle qu'entre les pages d'un « roman » dont il nous agite les clés comme un hochet. La liberté de la femme, érigée sur des simulacres, mise en scène dans des pratiques sexuelles « libératoires » a un goût frelaté.
Bordeaux, terre d'élection : une mine de « Diamant » c'est-à-dire des personnages d'exception dans un lieu magique, tellement miraculeux qu'on en oublie le terroir pour ne retenir que la british attitude d'une poignée de survivants. Plus snob, tu meurs !
Venise, la seconde patrie, la retraite de l'homme touché par la vanité de l'existence et la vulgarité du monde qui l'entoure : L'OeUF.
Tout est tellement ramené à la mesure de l'homme Sollers, de l'écrivain Sollers, de l'amant Sollers, que cela en devient étouffant et dérisoire. Parmi le fatras de citations latines, littéraires, livresques, peu de choses à retenir sinon que l'auteur est cultivé et le fait savoir.
le livre nous donne peu, de trop rares instants volés à un ego surdimensionné : la mort d'une jeune fille dans un accident de voiture, une messe étrange dans une église vénitienne, la visite d'Ingrid à la caserne où végète Diamant, la caresse d'une tante à un enfant malade... Dommage.
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Jusqu'ici, je n'avais pas eu l'envie et/ou l'opportunité de lire Philippe Sollers. Mais mon club de lecture m'a incité tout récemment à cette découverte. J'ai choisi "Portrait du Joueur" car on m'avait dit qu'il s'agit d'une tentative d'autoportrait. J'ai ouvert le livre sans a priori et, dans un premier temps, j'ai été agréablement surpris par l'écriture de l'auteur. le style est vif, primesautier; le ton semble plaisant, souvent ironique, allant parfois jusqu'à l'auto-dérision; le texte est brillant. L'auteur attire ainsi l'intérêt du lecteur. Sollers raconte longuement des bribes de sa vie, un peu dans le désordre, sans chercher à l'exhaustivité et à la cohérence, avec beaucoup de légèreté. Il nous parle pêle-mêle des membres de sa famille, de ses rencontres professionnelles (ou non), des écrivains, de bien d'autres choses et, en tout cas, beaucoup de femmes. A ce sujet, il n'hésite pas à détailler avec une certaine crudité les rituels érotiques qu'il pratique régulièrement; bien entendu, c'est croustillant !
Au fil des pages, je me suis senti peu à peu décontenancé, lassé. L'auteur livre de lui-même une image kaléidoscopique presque irréelle, dont le fond de véracité peut paraitre douteux, même si la forme se veut très vivante. le style lui-même, "agité", constamment parsemé de points d'exclamation et d'interrogation, finit par être très fatigant. J'ai eu l'impression que Sollers joue habilement avec le lecteur, qu'il s'amuse à le "balader" gratuitement sur le terrain qu'il a choisi: lui-même. Au bout du compte, il reste presque insaisissable; et c'est peut-être ça qu'il veut, justement. L'auteur a sans doute un fort narcissisme, qu'il a besoin d'exhiber devant le public - avec du talent et de l'intelligence: il en a, c'est indiscutable. Mais, avec ces variations infinies sur son vécu personnel, avec ces demi-délires (plus ou moins plaisants), le livre pourrait n'avoir jamais de fin ! C'est ainsi qu'il m'a ennuyé de plus en plus; j'ai fini par le lire en diagonale...
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Publié en 1984, Portrait du joueur s'adresse à un lecteur avisé. Largement autobiographique, ce roman mêle confidences, pensées, souvenirs, lettres et autres curiosités du personnage Philippe Diamant.
La plume est débridée, les mots sont clamés ou murmurés. le lecteur est transporté d'un supermarché de Bordeaux à Venise, en apprenant les secrets des maisons d'édition, la théorie de l'OeUF et de multiples anecdotes culturelles.
Autre thème majeur, les femmes, qui sont présentes tout au long du livre. À chacune sa spécialité, mais on retiendra surtout Sophie et ses missives érotiques.
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Un certain Philippe Diamant, écrivain, découvre qu'un lieu de son enfance a été remplacé par un supermarché. Tout commence de là, c'est-à-dire un texte en désarroi constant ; soit l'écriture d'une sorte de journal personnel : exposition de souvenirs, de lectures, d'entrevues, de jeux sexuels avec Sophie ; soit un sarcasme désinvolte sur la crétinerie environnante. Dans tout ça, le lecteur peut se laisser envahir par le sentiment que l'auteur n'a que faire de lui. C'est très drôle, assez futé, souvent, mais surtout pas si intéressant que ça. D'autant que je n'aurais peut-être pas dû étaler ma lecture sur une dizaine de jours : la lassitude a bien pris, du coup. Des émerveillements notables : Kafka, Céline, Montaigne, Saint-Simon.
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
A mon retour, un jeune type est là, jeans et blouson de cuir, l’air mauvais, tendu… Il me demande quelles sont mes intentions… Quelles intentions ?... Il s’embarque dans un discours haché, d’où il ressort que j’ai essayé de séduire Asuncion… C’est l’évidence même… Il fallait s’y attendre… Inutile de le dissuader, il en veut, il aime être convaincu, il s’excite tout seul, d’ailleurs il vient de découvrir une photo de moi dans le tiroir de la cuisine… Découpée dans un magazine féminin… Mais non, mais non… Mais si !... Et comment !... De toute façon, une accusation rend toujours coupable… Il commence à m’énerver, ce petit loubard tout en muscles, dressé sur ses ergots de propriétaire… « Je suis son mec », il crie, « vous comprenez ? »… « Son mec ! »… « Et merde, je fais, j’en ai rien à foutre »… « Avec les saloperies que vous écrivez ! »… Il crie toujours… « Ça vous a plu ?», dis-je bêtement… « Salaud ! Et, en plus, vous seriez bien capable de la violer ! »… Là, j’ai tort, je le trouve gentil, je me mets à rire. J’ai à peine le temps de voir son poing partir, le coup en plein sur l’œil droit me déséquilibre. C’est un pro. Sec et précis. Il doit avoir sa réputation à la fin des bals du samedi… Il me regarde un peu effrayé, part à toute allure, j’entends une mobylette démarrer en trombe…
En passant ma main sur mon visage, je comprends ce qu’il a vu. Du sang partout… C’est drôle comme ça gicle vite et fort, une arcade sourcilière… Ça me dégouline sur le nez, les joues, là, en plein soleil… Je monte dans la salle de bains de Laure, je trouve du coton dans sa pharmacie, je me nettoie comme je peux…
- Il est fou ! Il est fou ! Loco ! Loco !
C’est elle… Elle a l’air très emmerdée, et en même temps, bien sûr, ravie… Ce n’est pas grave ? Je ne dirai rien ?... Elle me prend la main, l’embrasse, pleurniche un peu… Elle est toute fière… Qu’on l’aime tant… Qu’on se batte pour elle… Carmen.., Corrida… La glace est rompue… Je ne dirai vraiment rien à Madame ? Je lui pardonne ?... Bien obligé de la consoler, tout en regardant, dans la glace, mon œil gonfler le coton rougi… punition du satyre… Détournement de mineure… Petites filles à la sortie du lycée... Loup-garou dans les bois… Dracula parisien… Corrompu du château… Bourgeois pervers passible du tribunal populaire… Elle a dû le chauffer à blanc depuis hier… Minauder, frémir à contre-temps, soupirer, se refuser, facile d’imaginer le film… Roman-photo avec bulles… Feuilleton « social »… Ascension fulgurante de la jeune débutante… L’écrivain débauché vaincu par l’amour… Bijoux, robes, voiture de course, appartement, Paris !... Elle devient chanteuse rock… Elle est lancée… La gloire !... Je l’épouse, elle divorce une fois sa célébrité confirmée, elle a eu un enfant entre-temps, bien entendu, elle part avec une star du show-business… Plus beau !... Plus jeune !... Dix fois plus connu !... Je suis sa chance, son tremplin, son oncle d’Amérique, pas si désagréable, en plus, il faut l’avouer… Quoi qu’il en soit, on en est maintenant aux petits baisers… Sur fond sanglant… Moi tenant toujours mon coton sur l’œil… Bon, ça y est, voilà sa bouche… Elle est toute pâmée, retournée, elle me donne son souffle et sa vie, elle m’étouffe… Je change acrobatiquement mon coton…
On descend, on va dans ma chambre… On s’allonge sur le lit… Je lui ai plu tout de suite… Je lui plaisais déjà en photo… Elle n’a pas pu le cacher à son ami… Il est d’une jalousie féroce… Brutal… Elle ne veut plus le voir… Elle me l’offre… Me le sacrifie… L’égorge, là, sous mes yeux… Je la calme comme je peux… Je suis marié… Père de famille… J’aime ma femme… En général, ça suffit… Mais les Espagnoles sont coriaces… Elle ne m’écoute pas, se presse contre moi, je suis devenu sa planche de salut, sa bouée, son scaphandre… La chance est là, elle la saisit : à bras-le-corps… Elle m’adore… Elle a envie d’expérience… Elle fera tout ce que je voudrai… Oui, mais quoi ?... Je ne vais quand même pas lui apprendre les gestes… J’ai passé l’âge des étreintes fusionnelles, toi c’est moi, encore, toujours, merveille, je t’aime, masque à oxygène, fièvre ambiante, salives, nectar absolu des respirations… Elle n’est pourtant pas mal, Asuncion… Rebondie, souple, n’arrêtant pas de remuer dans tous les sens… Me redonnant même un coup d’épaule dans l’œil... Oh, pardon !... Je ne devrais pas partir… On lui a dit que je restais au moins une semaine… Te quedas !... Elle me tutoie… Quel âge, au fait ?... Seize… Elle me mange le cou, l’oreille… Elle s’assoit sur moi…
Je comprends que son petit ami l’apprécie, mais après tout il pourrait peut-être revenir, jouer de la barre de fer ou du canif ?... Je me lève, je lui montre mon Browning chargé… Elle crie, mais ça la rapproche un peu plus… Elle me ressaute dessus… Non, non, il ne viendra pas, il est trop lâche… pas tellement, dis-je… Mais, s’il vient, tu le toues !... le matas !... C’est ça !... Crime passionnel… Encore le film !... Dallas !... Shôgun !... Dynasty !... Légitime défense !... Je suis arrêté… Prison… Elle m’attend… « Coup de foudre dans les vignes ! »… « Le vin des amants !»… Tragédie campagnarde !,.. Série en douze épisodes !... Vingt-quatre heures sur la Une !... Pourquoi n’aurait-elle pas une grande carrière, Asuncion ?... Il suffit que quelqu’un la découvre… La propulse… L’impose… Elle n’est pas plus mal qu’une autre... J’en connais même dix qui ne la valent pas, là, en cet instant déchaîné… Aucun sens du ridicule, beauté pure… Mais elle sent que ce n’est pas suffisant… Que le charme s’évapore… Allons, bon, elle se déshabille… Elle s’allonge nue sur le lit… Maja desnuda... Quel ennui… ça m’apprendra à écrire des best-sellers avec des scènes érotiques à la diable… Je vais refaire des poèmes… Avec les poèmes, pas de problèmes… Respectabilité assurée… Ou encore un essai sur la sexualité dans le monde antique, là… Chacun chez soi…
Elle pleure de honte, maintenant, que je ne me sois pas précipité sur elle comme une bête… Je la recouvre doucement, elle sanglote sous le drap… Bon, c’est mathématique, montée de la haine… Encore heureux si elle ne va pas chercher son copain pour se plaindre que j’ai vraiment essayé de la violer… Ils en ont envie tous les deux… De l’argent ? Non. Désir d’entrer dans le scénario, c’est tout. L’argent est à l’horizon, bien sûr, comme toujours, mais c’est d’abord l’aspiration médias… Pulsion projecteurs…Soif gros plan…
Finalement, je lui dis que j’ai très mal à la tête. D’ailleurs, c’est vrai. Un café ? Café. Elle se rhabille. Il faut qu’elle vienne me voir à Paris, non ? Je lui ferai visiter… Elle se calme… Tout n’est peut-être pas perdu… Je lui dis qu’elle peut prendre sa soirée, que je partirai sans dîner… Je plains son mec : il va être obligé de se dépenser sérieusement, ce soir… Son coup de poing va lui revenir en pleine figure. Elle va lui dire qu’elle l’admire, mais en même temps se montrer distante, boudeuse… Hausse des prix… « Il m’a supplié de venir le voir à Paris »…
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Les papes ? Oui, oui... J’aime Léon le Grand, pour avoir dit, le 21 juillet 447 : « Le Diable serait bon s’il était resté dans l’état où il a été fait. » Et, le même jour : « Le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font qu’un sans confusion, sont éternels sans être soumis au temps, sont égaux sans différence, car ce n’est pas une même Personne mais une même essence qui réalise l’unité dans la Trinité. »
J’aime Clément V, Bertrand de Goth, de Bordeaux, ville anglaise, qui, n’étant pas en enfer, comme le croit Dante, a fait approuver la disparition des Templiers (dix mille kilomètres ; inutiles de bibliothèques ésotériques depuis) mais, surtout, a rappelé au Concile de Vienne, que l’âme est la forme du corps.
J’aime Eugène IV pour sa bulle Cantate Domino du 4 février 1442 :
« Le Père n’est ni le Fils ni le Saint-Esprit ; le Fils n’est ni le Père ni le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit n’est ni le Père ni le Fils. Mais le Père n’est que le Père ; le Fils que le fils ; le Saint-Esprit que le Saint-Esprit. Seul le père a engendré le Fils de sa substance ; seul le Fils est engendré du Père ; seul le Saint-Esprit procède à la fois du Père et du fils.
Ces trois Personnes sont un seul Dieu, et non trois dieux. Les trois ont une substance, une essence, une nature, une divinité, une immensité, une éternité, et tout est un en eux, là où l’opposition constituée par les relations le permet.
Le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils.
Aucun ne précède l’autre en éternité, ne dépasse l’autre en grandeur, ne surpasse l’autre en puissance.
De toute éternité et sans commencement, le Fils a son origine du Père ; de toute éternité et sans commencement le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. »
J’aime le Concile du Latran, de décembre 1513, quatorze ans avant le sac de Rome, pour son rappel de l’immortalité individuelle.

Toutes les éditions de Portrait du Joueur [2] mentionnent Benoît... XVI qui ne sera élu Pape que le 19 avril 2005. Il s’agit en fait de Benoît XIII, contemporain de Pierre d’Ailly (voir ici) [3].
J’aime Gerson, 1362-1428, le « docteur très chrétien », et Pierre d’Ailly, son maître, 1350-1425, « L’Aigle des docteurs de la France », « Le Marteau des Hérétiques », qui a fait instituer par Benoît XVI [sic] la fête de la Sainte-Trinité, et je le dis ici, car si je ne le dis pas, qui le dira ?
J’aime le Synode de Constantinople, en 543, contre Origène :
« Si quelqu’un dit ou tient que la personne du Père est finie, ou qu’il a créé autant qu’il pouvait étreindre et penser, ou que les créatures sont coéternelles à Dieu, qu’il soit anathème. »
J’aime à la folie le Concile de Rome ; en 382... Écoutez comme c’est beau :
« Si quelqu’un ne dit pas que le Père est toujours, que le Fils est toujours, que le Saint-Esprit est toujours, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Fils est né du Père, c’est-à-dire de sa substance divine, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Fils de Dieu est vrai Dieu, comme son Père est vrai Dieu, qu’il peut tout, qu’il sait tout et qu’il est égal au Père, il est hérétique.
Si quelqu’un dit que le Fils, quand il était sur terre dans la chair, n’était pas avec le Père aux Cieux, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que l’Esprit-Saint est vraiment et proprement du Père comme le Fils, qu’il est de la substance divine et qu’il est vrai Dieu, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Saint-Esprit peut tout, qu’il sait tout, qu’il est partout, comme le Fils et le Père, il est hérétique.
Si quelqu’un dit que le Saint-Esprit est une créature ou qu’il a été fait par le Fils, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Père a fait toutes choses, les visibles et les invisibles, par le Fils et le Saint-Esprit, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ont une seule divinité, un seul pouvoir, une seule majesté, une seule puissance, une seule gloire et souveraineté, un seul royaume, une seule volonté et une seule vérité, il est héréti­que.
Si quelqu’un ne dit pas que sont vraies les trois Personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qu’elles sont égales, toujours vivantes, contenant toutes les choses visibles et invisibles puissantes sur tout, jugeant tout, vivifiant tout, créant tout, conservant tout, il est hérétique.
Si quelqu’un ne dit pas que le Saint-Esprit doit être adoré par toute créature comme le Fils et le Père. il est hérétique. »
Allez ! Allez !
J’aime Pie IX pour son lnnefabilis Deus du 8 décembre 1854, dogme de l’immaculée Conception.
J’aime Pie XII, très grand pape de la pire époque du monde, pour sa bouleversante Encyclique Mystici Corporis. du 29 juin 1943 et, bien entendu, pour la Constitution Apostolique du 1er novembre 1950, Munificentissimus Deus, dogme de l’As­somption : « L’immaculée mère de Dieu, Marie toujours vier­ge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme, dans la gloire céleste... Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, osait volontairement mettre en doute ce qui a été défini par Nous, qu’il sache qu’il a totalement abandonné la foi divine et catholique. »

« Ce qu’à Dieu ne plaise... » Est-ce que ce n’est pas char­mant ? Exquis ? Formulé avec une courtoisie parfaite ? « Nous déclarons, prononçons et définissons... » Voilà comment un pape s’y prend pour formuler un dogme. Déclarer, ou affirmer, n’est pas le même acte que prononcer. Qui n’est pas non plus la même chose que définir. Tout cela m’enchante. Chacun ses goûts. J’aime le Concile de Nicée. Celui de Chalcédoine. Et celui d’Éphèse. Celui de Trente par-dessus tout bien sûr... Et Vatican II, qui commence à peine à produire ses effets.
J’aime Clément VII enfermé au Château Saint-Ange, le 6 mai 1527, avec, à ses pieds, la ville pillée par les soudards de Luther... Et Pie VII déporté par Napoléon, obligé de composer avec ce Corse fou furieux, héritier du tueur d’Arras... 1527, 382, 1854, 447, 1943, 1442, 1984... Quelle différence ? L’heure de Rome est toujours la même, le temps est arrêté, ou plutôt explosé, débordant, cascadant, fluide et fixe comme la Gloire du Saint-Esprit de Bernin au fond de Saint-Pierre, colombe blanche du vide cerné fondant sur nous pour toujours au milieu de l’or... Voilà le roman. L’interminable et sans cesse nouveau et toujours le même, et de nouveau sans cesse varié par rapport au même. Avec ses aiguilles et ses personnages et ses visages, et ses attitudes pointées sur tous les chiffres à la fois. Les cloches sonnant toutes les heures à la fois. A toute volée. En plein dans les dates. Urbi et Orbi. Le temps n’a jamais été perdu ni retrouvé. Il n’a jamais été. Il n’a jamais été que ce qu’il est. A chaque instant. Au-delà des cadrans, des montres. Malgré les astres. A travers les astres, les désastres. Candor illaesus... Blancheur intacte... Gravée, dessinée, sculptée, peinte, emportée, chantée...

Je viens d’écrire ce qui précède dans mon appartement de Venise... Campo San Trovaso... Il commence à pleuvoir. Je regarde les roses blanches sur la terrasse. Une guêpe sur le bois du balcon.
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J'arrête la voiture sur les hauteurs, de l'autre côté du fleuve; je descends, je regarde la ville allongée... Silence. Brume. Port de la lune... Croissant argenté dans l'eau... Garonne miroitante blanche... Air d'ailleurs. D'où, au fait ? Voiliers vers Londres, Amsterdam. Anvers, cales bourrées de claret... Arrivées de Montevideo ou Valparaiso... Aliénor d'Aquitaine, mariage avec Louis VII, le 25 juillet 1137, dans la cathédrale Saint-André... Et puis, trahison, à nous l'Angleterre... Nous sommes des traîtres-nés... Nous avons nos bateaux, nos vins, ils n'appartiennent à personne... Palais de l'Ombrière, L'Ormée... Avocats, marchands, étendard blanc à croix rouge... Spectres sortis du gravier... La France? Méfiance. Taxes, commissions, limitation des libertés... A bas Jeanne d'Arc, Louis XIV, Mazarin, les Jacobins, Napoléon et l'Empire... Vivent les princes Condé ou Conti. Louis XV et l'Angleterre, toujours... L'Espagne, s'il le faut... La Fronde... "Caractère frondeur" ..... David contre Goliath... Girondins écrasés. mémoire niée, latérale, transmise à mots couverts contre la version scolaire, militaire... Entrepôts gardant l'odeur des Antilles, gingembre, cannelle, girofle, tiédeur du sucre imprégnant les murs... C'est ici qu'ils viennent se réfugier, ces emmerdeurs de Français, quand ils ont des ennuis à l'Est... Allemands? Russes? Pareils
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Côté femmes, la difficulté, maintenant, consiste plutôt à leur faire avaler en douceur qu’on ne veut pas tellement les baiser… Que, vraiment, ça ne s’impose pas. Que ce n’est pas obligatoire. Que si on l’a fait une fois, il n’est pas non plus forcément nécessaire de recommencer. Et ainsi de suite. Il faut rester poli. Charitable, même. Et y aller de temps en temps quand ce serait trop vexant pour elles si on refusait une fois de plus… La baise de charité… Nouvelle figure… J’en ai quatre ou cinq, comme ça, périodiques… Dérobades remises à plus tard, ruses diverses, réflexions détournées, disparitions, et puis enfin, il faut y passer si l’on veut rester gentleman… Tina, par exemple… L’Italienne… Impossible à décrocher, toujours là, insensible à toutes les rebuffades même les moins enveloppées, revenant sans cesse, un vrai cauchemar… Ah, si elle pouvait ne plus apparaître ! S’évanouir dans la nature ! Me foutre une bonne fois la paix ! Mais non, la revoilà, butée, sombre, malade… J’évite une fois. Deux fois. Trois fois. La quatrième, c’est un devoir. De soin. De compassion. D’assistance à personne en danger, D’humanisme. Aucune envie, mais il faut. Le truc du bon restaurant très cher et du blabla à n’en plus finir, avec, à la fin, « mon Dieu, il est tard, je dois me lever tôt demain matin pour travailler », ne peut plus servir… Pas question. Elle arrive, elle attaque. Tout de suite. Et branle, et suce, et finit par faire bander, et se l’introduit vite, là, comme, comme un bon hot dog, un savoureux croque-monsieur, une bielle d’huile vitale dans son con palpitant qui chauffe. Fast food et moteur. On peut toujours penser à autre chose, me direz-vous. La plupart des femmes ont fait ça pendant des siècles. Des millénaires. Juste retour des choses. Oui… Par délicatesse, donc. Mais c’est qu’elle veut jouir un bon coup, Tina, se faire mettre et sucer, et remettre, et resucer, elle aime sa séance, elle pense y avoir droit, je me demande pourquoi. Loi d’espèce. Et puis, juste après, les plaintes. Bien entendu. Encore deux heures de perdues… En général, je me lève le premier, je vais me laver pour bien marquer que l’incident est clos, qu’on peut passer au versant psychique de l’opération… J’en titube d’ennui. Ivre d’ennui. La dernière fois, je reviens un peu plus vite que prévu de la salle de bains, je jette un coup d’œil dans la chambre. Et qu’est-ce que je vois ? Tina, nue, grosse petite boule ronde et blonde, précipitée sur mon bureau, en train de regarder avidement mon carnet de rendez-vous près du téléphone… Mon emploi du temps... Vérifiant sans doute si j’étais libre ou non quand je lui ai dit que j’étais pris… Essayant sans doute de lire les noms, les prénoms, les initiales, les lieux, les heures… Naturellement, je fais celui qui n’a rien vu… Politesse… La baise de charité ? La plus dure… La plupart des hommes un peu présentables en sont donc là aujourd’hui… Le monde à l’envers ? Mais oui… Ou peut-être simplement le rétablissement un peu brutal de l’endroit… Fin d’une illusion d’optique… La lumière qui vient tard, dissipant les milliards d’hallucinations accumulées sur ce bord…
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Les bateaux n’arrêtent pas de passer, passer. Passer, c’est tout ce qu’ils veulent dire.
[...] Hier, après la pluie, il y a eu un grand arc-en-ciel, à l’est.

Tout est sec, aujourd’hui. Mouillé, sec, le battement est d’une rapidité enchantée. On dort, tout est humide. On se réveille, tout est essoré, repassé, net.
Je revois les jours de pluie, à Bordeaux : tout le monde dehors, signal de fête. Visages des femmes, ravis. On court faire des achats, on prend l’eau sur les joues, c’est bon pour le teint, comme à Londres. Et puis la chaleur, fondant du Sud. Est-ce que ce n’est pas trop ? Est-ce que le raisin ne va pas brûler ?
Non, il dort là, tranquillement, pressé, broyé, exalté, réglé. Il a pénétré l’autre côté du temps. Il peut attendre. Ici, peinture et musique. Art des souterrains. Art de l’exposition finale. Ça se ressemble. Ça se rejoint.
Je referme les yeux, et je me vois tout à coup pousser mon attelage, là-bas, jusqu’au bout, vers l’ouest, là où les avions descendent et clignotent, des chevaux de vent et de nerfs, souples, rapides, écumants, volontaires, leurs crinières brillent dans le couchant, personne ne les remarque, ils galopent au milieu des bateaux, chevaux et bateaux, le rêve, ils se faufilent et foncent vers l’horizon rouge, sur le mercure déjà nocturne de l’eau, je les tiens à peine maintenant, ils m’échappent, ils ont leur idée, leur cri d’attraction muet, ils se sont débarrassés de moi, ils filent, ils sont ivres, je sens leurs muscles jouer sans efforts, leurs encolures impatientes, vibrantes, ils se sont réfugiés ici avec moi, en moi, ils vont se fracasser sur la ligne invisible, mais peut-être pas, comment savoir, ils frôlent à peine le canal bouillonnant du soir, je les laisse, je lâche les rênes, ils veulent passer eux aussi, et peut-être vont-ils passer, malgré tout, museaux et naseaux comme directement vaporisés dans l’envers.
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Dialogue autour de l'oeuvre de Philippe Sollers (1936-2023). Pour lire des extraits et se procurer l'essai SOLLERS EN SPIRALE : https://laggg2020.wordpress.com/sollers-en-spirale/ 00:04:45 Début
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Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

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