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Citations sur Illuminations : A travers les textes sacrés (30)

Car enfin, il s’agit toujours d’élargir notre visée. Et ces poètes, ces philosophes, situés dans la modernité, ancrés dans la modernité, ont pensé au plus près l’immémorial Il est donc essentiel d’interroger leurs écrits en ce qu’ils ont de plus prophétique. Quelques preuves pour vous en convaincre ? Quelques mots en guise de viatique, pour vous préparer au voyage ? Eh bien, d’accord, voici quelques éclats...
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Tchouang-tseu : « Redresse ton corps, unifie ta vision et l’accord céleste viendra. Rentre ton intelligence, unifie ta tenue et l’activité merveilleuse viendra se loger en toi. »
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« Un jour, ce qu’il y a au monde de plus silencieux et de plus léger est venu à moi. » Nietzsche.
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Marguerite Porète est brûlée . Maître Eckhart, l’un des plus grands mystiques du Moyen Âge, est frappé d’anathème. Pour ignorance ? Pas du tout.

Né vers 1260 à Hochheim près de Gotha, en Thuringe, Eckhart entre, en 1275, comme novice au couvent dominicain d’Erfurt . Après des études brillantes consacrées à l’étude des constitutions de l’Ordre (deux ans), puis à la philosophie (cinq ans), enfin à la théologie (trois ans), Eckhart approfondit à Cologne, au Studium Generale fondé par Albert le Grand en 1248 et réservé à l’élite de son ordre, sa science des Écritures et de la théologie. Vers 1293 il rejoint Paris, alors capitale de la théologie mondiale . Et pendant les années qui suivent il ne cesse d’étudier, et de monter, d’une université à un titre, l’échelle de la connaissance théologique et de la hiérarchie. Il commente la Bible, et enseigne. Mais dès 1325 des doutes sont émis quant à son orthodoxie et sa façon de prêcher . En 1326, deux dominicains de Cologne, Hermann de Summo (à Cologne) et Guillaume de Nidecke (en Alsace) l’accusent devant l’Inquisition. Le 24 janvier 1327, Eckhart est interrogé par le chapitre de la cathédrale de Cologne. Il s’indigne, en appelle au pape Jean XXII et souligne le caractère non fondé de son procès.

Une folie ? Un scandale ? Une première, en tout cas, dirigée contre un dominicain, maître en théologie de l’université de Paris. Mais pourquoi s’en étonner ? Ses propos attirent les foules , et à la même époque débutent des actions contre les Franciscains dits « spirituels », adeptes de la pauvreté du Christ et des apôtres.

Condamné, Maître Eckhart s’est plié avec une désinvolture toute chinoise à l’autorité papale et, depuis cet épisode judiciaire, on n’a plus eu la moindre indication sur ses faits et gestes : Maître Eckhart disparaît tout simplement. Comme Lao-tseu, remarque Paul Petit, son traducteur, dans la note à son admirable version des Sermons et Traités, datée de 1942 à Fresnes . C’est d’ailleurs là que Paul Petit est fusillé par les nazis — preuve dramatique du conflit violent entre la plus haute dimension de l’allemand et sa chute dans la vocifération bestiale.

Le 27 mars 1329, quatre ans après avoir canonisé Thomas d’Aquin, Jean XXII condamne comme hérétiques dix-sept propositions extraites des oeuvres de Maître Eckhart et en réfute onze autres, les jugeant « parfaitement malsonnantes, très téméraires et suspectes d’hérésie » . Eckhart était déjà mort à cette date, sans qu’on connaisse, trait ultime, le lieu de sa sépulture. La messe est dite, dans les siècles des siècles.

Mais qu’est-ce qui pouvait être interprété comme hérétique chez Maître Eckhart ? Quelle illumination ? Certainement — il s’agit là d’une percée dans l’histoire de la métaphysique occidentale —, sa révélation du néant . Pour Maître Eckhart, la mort n’est rien d’autre que l’abandon de tout poids [

« Il faut que tout soit perdu. Il faut que l’existence de l’âme soit établie sur un libre rien. »

Une doctrine illuminante du libre rien ? À l’évidence, elle ne pouvait que déchaîner l’hostilité ; les tenants du « servile quelque chose » veillent à son règne et se reproduisent indéfiniment dans le temps.

Maître Eckhart prêchait pour prêcher, parlait pour parler. Car « parler pour parler, telle est la formule de la délivrance », comme le dit Novalis [87]. Il avait certes des auditeurs et des auditrices, dans les couvents de son temps, mais enfin, comme il l’a dit lui-même, il aurait pu tout aussi bien s’adresser à l’arbre qui se trouvait là .

Le genre d’inspiration que nous abordons n’interdit pas de parler aux oiseaux ou aux poissons ; François d’Assise, le franciscain majeur, l’a prouvé qui faisait rebondir son discours sur les animaux — merveilleuse façon de pointer la surdité humaine . Les pires sourds sont bien entendu ceux qui ne veulent pas entendre. Un récitatif en boucle des sermons de Maître Eckhart ne les toucherait pas : ils mettraient assurément toute leur volonté à ne pas les comprendre. Quoi qu’il en soit, à l’époque où Dieu était encore vivant, ce qu’à Dieu ne plaise, il y avait déjà beaucoup à dire sur la façon dont on pouvait s’en passer.

« Nous prions Dieu d’être libérés de Dieu. »

Selon Maître Eckhart,

« il est plus nécessaire de perdre Dieu que de perdre la créature ».

Perdre la créature est important, afin de se détacher du terrestre en tant que passage. Toutefois, si l’homme est détaché de la création, mais attaché au Dieu de la création, il se tiendra toujours dans l’errance, autant dire, selon une fausse étymologie, dans l’erreur. Il ne pourra jamais atteindre l’Innommable (titre d’un roman du très eckhartien Samuel Beckett) :

« Le plus grand honneur que l’âme puisse faire à Dieu, c’est de l’abandonner à lui-même et de s’affranchir de lui. »

Quel temps gagné ou plutôt quelle économie de temps perdu si l’on avait suivi Eckhart dans ses avancées fondamentales !

« C’est d’ailleurs l’unique dessein de Dieu que l’âme perde son Dieu, car aussi longtemps qu’elle a un Dieu, qu’elle connaît Dieu, qu’elle sait quelque chose de Dieu, elle est séparée de Dieu. Ceci est le seul but de Dieu : s’anéantir dans l’âme afin que l’âme aussi se perde. (...) C’est le plus grand honneur que l’âme puisse faire à Dieu qu’elle l’abandonne à Lui-même et se tienne enfin vide de Lui... »

Inutile d’insister, ces propos sont inacceptables, intolérables, provocateurs.
Inacceptable aussi cette prière d’Eckhart :

« Je prie Dieu qu’il me rende quitte de Dieu [92]. Car l’être qui n’est pas est au-delà de Dieu, au delà de toute différence : là, j’étais seulement moi-même, là je me voulais moi-même et me regardais moi-même comme celui qui a fait cet homme ! Ainsi suis-je donc la cause de moi-même, selon mon être éternel et selon mon être temporel. Ce n’est que pour cela que je suis né. Selon mon mode de naissance éternel, je ne peux jamais non plus mourir : en vertu de mon mode de naissance éternelle, j’ai été de toute éternité et je suis et demeurerai éternellement ! Ce n’est que ce que je suis en tant qu’être temporel qui mourra et deviendra néant, car cela appartient au jour, c’est pourquoi cela doit, comme le temps, disparaître. Dans ma naissance, toutes choses sont co-nées : j’étais en même temps ma propre cause et cause de toutes choses. Et le voulus-je : ni moi ni toutes choses ne seraient. Mais si je n’étais pas, Dieu ne serait pas non plus. Que l’on comprenne : ceci n’est pas nécessaire. »

Le sermon de Maître Eckhart, De la pauvreté en esprit , commente ce passage tiré de l’Évangile selon saint Matthieu :

« Bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. »

Révolutionnaire s’il en fut, Maître Eckhart vise la pauvreté en esprit, aussi loin de la bêtise que Dieu du Diable, comme « sublimité essentielle ». Je ne conseillerai à personne de déclamer ces textes dans un conseil d’administration, une salle de rédaction de journal, une réunion de publicitaires ou pendant la diffusion d’une émission télévisée. À Wall Street, ou à Francfort, dans n’importe quelle place boursière, ces propos produiraient un effet désastreux, et la commande immédiate d’une camisole de force. Il en irait de même à Saint-Pierre de Rome ou à Notre-Dame de Paris (je souligne)

À la première pauvreté — la pauvreté en esprit — succède la privation de tout savoir. Si l’« orant » sait qu’il prie, il se place en dehors de la prière. On pourrait même dire qu’il n’est pas important de savoir ce qu’est la prière, ni l’unité. L’essentiel est d’en avoir l’expérience sans en retenir l’expérience en tant que telle. L’homme intériorisé ne jette aucun regard sur lui-même ; se réjouir de ses progrès ou s’attrister de ses défaites n’a aucun sens. Sur quoi repose donc « la béatitude des pauvres en esprit » ? L’amour ? La connaissance ? Celles-ci doivent être dépassées, mises en sommeil dans un état qui s’apparente à une « demi-mort » . La pauvreté en esprit dépasse ces puissances, elle repose dans le « Fond secret » qui ne « connaît pas et n’aime pas » . Ainsi l’homme n’a pas à savoir que Dieu le meut ; il n’a pas à connaître les opérations divines : l’homme pauvre ne veut rien, ne sait rien ; il ne se remémore pas le contenu de sa connaissance ; il n’a pas à éprouver la ferveur de son amour, il lui faut encore ne rien avoir.

Ne rien avoir correspond d’ailleurs au troisième degré de la pauvreté. Celui-ci dépasse l’abandon des biens matériels. Vivre dans le dénuement n’est pas encore être pauvre ; l’homme doit se dépouiller des oeuvres extérieures ou intérieures, afin de devenir le site où Dieu prend séjour.

« Il n’y a vraiment pauvreté en esprit que lorsque l’âme est à ce point dépouillée de Dieu et de toutes ses oeuvres que Dieu, s’il voulait opérer dans l’âme, devrait être Lui-même le Lieu de son opération... Car Dieu opère en lui-même le Lieu de son opération. »

Le grand paradoxe de Maître Eckhart tient à ce qu’il reste l’un des rares Occidentaux à avoir cru en Dieu, vraiment, ce qui l’a amené jusqu’à nous dans un profond silence. Exemple :

« Le Père ne cesse de s’efforcer et de faire tout ce qu’il peut pour que nous naissions dans le Fils et devenions la même chose que le Fils. Le Père engendre son Fils et puise en cela une si grande paix et une si grande joie qu’il y consomme toute sa nature. Tout ce qui est en lui de quelque manière, cela le pousse à cette naissance : il y est poussé par le fond de sa nature. Et par toute son essence, dans toute la divinité de Dieu. il ne reste rien qui ne le pousse à engendrer... Pour cela, il faut que nous nous tenions comme Dieu, pur et vide de toutes images, et de toutes formes, comme Dieu en est libre Lui-même. »

Vous voyez qu’il est question d’atteindre la plus grande liberté possible. Illumination redoutable pour toute force qui voudrait vous encombrer d’images ou plus exactement qui vous ferait prendre des images pour la réalité.

Maître Eckhart suit de près le processus trinitaire, par lequel l’e
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La réponse de Rimbaud ? Le ressentiment, la haine, l’esprit de vengeance, interdisent l’élection. Il faut renoncer « absolument » au club des amis de la mort. Il n’est pas d’autre modernité. Il ajoute plus loin :

« Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. »

Avant de conclure :

« Un bel avantage, c’est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, — j’ai vu l’enfer des femmes là-bas. »

Écoutons Rimbaud.

On ne parvient pas si facilement à la bienveillance
de la déesse.

p. 50
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Mon corps n’est pas un objet, mais une profondeur de rassemblement et de circulation fluide, je peux voyager en lui et « quand on sait voyager on ne sait plus où l’on va, quand on sait contempler on ne sait plus ce qu’on voit ». Mon esprit, en revanche, me trompe constamment, il réfléchit mal, il est parasité par des préjugés, des on-dit, des opinions bâclées, des ressentiments, des illusions magico-religieuses, des comparaisons hâtives. Mieux vaudrait qu’il soit un miroir sans spéculation. C’est ainsi, dit Tchouang-tseu, que l’homme accompli « ne raccompagne pas ce qui s’en va, ne se porte pas au-devant de ce qui vient, accueille tout et ne conserve rien, et, de ce fait, embrasse les êtres sans jamais subir de dommages ». Il n’écoute plus avec l’oreille ni avec l’esprit, mais avec l’énergie qui est « un vide entièrement disponible ».
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« L’énergie est semblable à l’eau, les mots sont semblables aux objets qui flottent sur elle. Une grande eau porte tout, les objets petits et grands, une grande énergie porte pareillement les mots quand elle est à son comble. »
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Tchouang-tseu écrit des récits, souvent dialogués. On y rencontre un dépeceur de viande dont le couteau agit avec une souplesse et une facilité prodigieuses ; un homme qui nage dans des tourbillons mortels comme si de rien n’était et se promène ensuite sur le bord du fleuve en chantant. Ils étonnent les puissants, les sages. Le premier dit sobrement : « Entre force et douceur, la main trouve, l’esprit répond. » Le second se contente de lâcher : « Je suis parti du donné, j’ai développé un naturel et j’ai atteint la nécessité. » Un autre encore dit qu’il progresse en oubliant la bonté, la justice, les rites, la musique et qu’il peut ainsi « rester assis dans l’oubli » : « Je laisse aller mes membres, je congédie la vue et l’ouïe, je perds conscience de moi-même et des choses, je suis complètement désentravé : voilà ce que j’appelle être assis dans l’oubli. »
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« Lorsque l’oreille écoute clairement et que l’oeil regarde de façon pénétrante, cela s’appelle l’« illumination ». »

Huainan zi, Chapitre VII, Des esprits essentiels.
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Ensuite Tchouang-tseu définit « le saint » :

« Il dose l’affirmation et la négation en se reposant sur le cours du ciel. Cela s’appelle une solidité ambivalente. » [...]
« Comment apprend-on le Tao ?

« Je l’ai appris du fils de l’écriture ; celui-ci du petit-fils de la lecture ; celui-ci de l’illumination ; celle-ci de l’attention soutenue ; celle-ci du travail pénible ; celui-ci du chant ; celui-ci de l’obscurité profonde ; celle-ci du vide suprême ; celui-ci du commencement. »
Que produit sa pratique ?

« Il voit l’obscurité et entend le silence. Lui seul perçoit la lumière derrière l’obscurité ; lui seul perçoit l’harmonie derrière le silence.
Il approfondit sa vision et spiritualise son audition afin de pouvoir pénétrer la création de l’existence et de l’essence. Dans son commerce avec les êtres, il s’établit dans le néant originel et il pourvoit aux besoins de tous. Il sait s’adapter à toutes les circonstances : grand ou petit, long ou court, lointain ou proche. » [...]

Puis Sollers revient sur la question de la sainteté dont la définition « chinoise » est, elle aussi, « paradoxale » :

« Conclusion à propos du saint chinois :

« Il s’exprime dans des discours extravagants, dans des paroles inédites, dans des expressions sans queue ni tête, parfois trop libres, mais sans partialité, car sa doctrine ne vise pas à traduire des points de vue particuliers. Il juge le monde trop boueux pour être exprimé dans des propos sérieux. C’est pourquoi il estime que les paroles de circonstance sont prolixes, que les paroles de poids ont leur vérité, mais que seules les paroles révélatrices possèdent un pouvoir évocateur dont la portée est illimitée. Ses écrits, bien que pleins de magnificience, ne choquent personne, parce qu’ils ne mutilent pas la réalité complexe. Ses propos bien qu’inégaux renferment des merveilles et des paradoxes dignes de considération. Il possède une telle plénitude intérieure qu’il n’en peut venir à bout. En haut, il est le compagnon du créateur ; en bas, il est l’ami de ceux qui ont transcendé la mort et la vie, la fin et le commencement. La source de sa doctrine est ample, ouverte, profonde et jaillissante ; sa doctrine vise à s’harmoniser avec le principe et à s’élever à lui. Et pourtant, en répondant à l’évolution du monde et en expliquant les choses, il offre une somme inexprimable de raisons qui viennent sans rien omettre, mystérieuses, obscures et dont personne ne peut sonder le fond. » »
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