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Citations sur Seyvoz (17)

Partout on dynamite le rocher calcaire, des tonnes de terre et de cailloux jaillissent en gerbes continues, et Joaquim comprend vite que le travail sera épuisant et dangereux. Il découvre que les accidents sont fréquents, qu’une vingtaine d’ouvriers sont déjà morts, fauchés par des rafales de roche. Le chantier est cerné de journalistes, qui tiennent la chronique quotidienne du barrage, relatent les aléas, et parfois les performances techniques, racontent la colère des éleveurs, et aussi la satisfaction des élus locaux. Et derrière eux se tient une autre garde, celle des gendarmes qui surveillent désormais les travaux jour et nuit, la nuit surtout, depuis qu’une série de sabotages – incendie d’un transformateur, vols de matériel, pneus crevés et réservoirs siphonnés – a retardé la construction du barrage et perturbé la communication enthousiaste du maître d’œuvre, impuissant à convaincre les habitants du village de la pertinence de leur sacrifice.
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La rumeur qui a d’abord gagné l’Espagne s’étend maintenant le long de la frontière : dans la montagne française, un chantier se prépare, historique, pharaonique, on va édifier le plus haut barrage d’Europe, inscrire la France dans la modernité, reconstruire un pays accablé par la guerre, et pour ce faire on a besoin de bras, de bras européens, portugais en particulier, des bras qui feront honneur à leur tradition maçonne, et ceux de Joaquim sont dorés, nerveux et forts d’avoir soulevé chaque saison meules, lauzes, bottes de foin et animaux. Il ne lui faut que quelques semaines pour leur donner une nouvelle destination, les former à un nouvel art, celui de fabriquer la chaux, concasser la pierre, couler le béton. Et pour apprendre quelques rudiments de français courant et de génie civil.
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Sur une petite aire de dégagement, il s'arrête face à cette muraille qui sectionne le paysage, immense coupe de béton, vertigineuse, elle l'impressionne encore, suscitant toujours le même émerveillement et le même effroi -- cette émotion mêlée qu'on éprouve face au gigantesque, au monumental, à ce qu'il a de déraisonnable.
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Tomi est alors descendu de la Passat, lentement, et quand les bergers ont vu ce type débraillé, la gueule ravagée, la polaire mal ajustée et les chevilles flottantes dans ses Timberland, ils ont froncé les yeux et se sont demandé, soudain déstabilisés, si c’était bien là l’incarnation de la puissance ennemie – leur vision du capitalisme industriel relevait de quelques stéréotypes datés, relevait du cigare et de la bedaine, du costume Lanvin, des grolles Berluti et de la montre Rolex, les prédateurs ayant toujours du coffre et de la mâchoire, jamais ils n’auraient reconnu le cadre supérieur d’une multinationale dans celui qui se trouvait devant eux, là se tenait leur naïveté, là se tenait ce qui a finalement permis qu’un dialogue ait lieu.
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Dans un premier temps donc, les habitants de Seyvoz se sont retirés du langage – eux qui n’étaient déjà pas bien bavards. Le silence s’est répandu dans le village, il a pris dans les rues, dans les traverses, sur le pas des boutiques, une chape, épaissie jusqu’à mettre sous pression tout l’espace :
parler c’eût été crever la bulle du réel, prendre acte du barrage, précipiter leur fin quand se taire c’était tenir le destin à distance, gagner du temps – ce rapport au langage me fascine, je l’avoue.
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Tomi se signe, un geste machinal, lointain souvenir d’une éducation vaguement catholique – il n’était pas allé plus loin que la profession de foi, la découverte de la composition de l’atome en classe de troisième l’ayant définitivement éloigné de tout dogme religieux -, puis il quitte le cimetière : il s’agit de ne plus se laisser divertir.
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L'espace est silencieux, la route qui couronne le barrage est vide, seul un épervier de grande envergure plane au-dessus du lac, décrivant des cercles dans le ciel pur.
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Comme le garde champêtre refusait de le faire, c’est Beaumichel qui a donné lecture de l’ordre du préfet: abandon du cimetière de Seyvoz, exhumation, transfert et inhumation des corps dans le cimetière nouvellement ouvert du hameau du Ruz, autour de l'église que l’on finissait de bâtir, un fac-similé de Notre-Dame-des-Neiges dont les habitants de Seyvoz haïssaient l’idée, jurant qu’ils n'y foutraient pas les pieds. Une voix a percé de nouveau, aiguë, touchez pas à nos morts, salauds, alors le prêtre a entonné sa psalmodie et les villageois lui ont emboîté le pas vers le cimetière, où ils ont regardé les croques morts faire leur travail, hostiles et résignés. p. 77
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Le lac a toujours cette apparence de mélasse, d'un bleu mat, radioactif, il aimante le paysage, l'engloutit dans son épaisseur liquide.
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De fait, être de Seyvoz, c'est avoir eu l'oreille formée aux volées des trois sœurs de Notre-Dame-des-Neiges, reconnaissables entre toutes, à l'instar d'une voix humaine. Là où se portent les ondes d'Alba, Egalité et France, le vallon devient semblable à une cloche renversée, un nid, le berceau de ceux qui vivent ici : ils sont là chez eux. (p25)
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