Ma voix te le chante avant de pourrir
ici-bas nous ne sommes qu'ombres pures
oublieux la nuit du soleil qui para
nos faces, que me font ta vêture
tes mêmes gestes de chair si seuls
tes yeux j'aimerai voué aux nuages ?
ma main te le prédit et la caresse
ouvrant l'étreinte qui ouvre sur l'é-
ternel de la terre et mon corps passant
yeux allumés et mon vif amour
nous ne sommes qu'âmes charnelles
sinon c'est ici l'eau le vent la mort
I
Diane tu es Diane comme la froide
lune sous les nuées se cachant
de l'absence ou lumineuse Phoebé
par les jours répandant ton aisance
mais de nul lieu bas souveraine
chasseresse tu ne l'es qu'en refus
d'indiscrètes noces vulnérable
toutefois au jeune cœur assoupi
un Orion un Actéon tu dédaignes
pour cour négligente des hommages
chaste ne te veux que lueur du jour
la déesse au bain aux chiens qui
sur ses rêves marche
II
Comme ces vieillards Suzanne contemplaient
et toi Actéon mais moi non furtif j'
épie palpable ta nudité d'yeux et
de mains récitée de loin par res-
pect : car où sont tes côtes pétries
et tes bras étouffants et tes cris
de nuit et ta gaine moussante puis
radieux ton visage d'après-jouir
tandis qu'oublieuse tu laves ta
pureté (je m'en souris) ? Sous tes doigts
chante ta chair par ta bouche qui rit
en tes yeux de sa grâce se démène
à peine honteuse du brun témoin vêtu
moi
XXVIII
Des mille et trois à l'unique en passant
par toi sur le droit chemin de néant
ce ciel qui cerne son mortel captif
comme d'une terre quasi mère sortant
de bras vierges en aveugle caressés
pour même posséder le secret de soi-même.
Merci donc. Car la mère je l'épousai
de l'œil la terre du pied je m'y mêle
déjà mais Toi sous la nue qui t'inscrit
je forçai ton sang violai ta chair
par hâte ici-bas de l'éternelle
extase ma monumentale absence
XXX
Ainsi tu fus la lune impossible à
l'éclat emprunté de mon désir croissant
cécru selon qu'il oubliait la mort
ou non mais justement même reniée
c'est toi qui maintenant me plaisais
tant. Masure est dite la proche ruine
de cet amour celle que je hante je
contemple à la lune ombrée auprès
l'arbre quotidien qui tourne aux saisons
car masure est ce qui est pour demeurer
Jude STÉFAN – Le bon plaisir d’Orbec (France Culture, 1999)
L’émission de radio « Le bon plaisir », par Jacques Munier, diffusée le 3 juillet 1999 sur France Culture. Invités : Jacques Réda, Michel Chaillou, Alina Reyes et Michel Sicard.