AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de jeranjou


Un roman noir parmi les classiques


Mardi 19h16. Chatelet-Les Halles. Quatre pages encore à lire avant de refermer « Des souris et des hommes ». Troublé et pensif, au bord du quai en attendant le RER B, je vois surgir en contre-bas, devant moi, une souris chevauchant les rails à toute vitesse. S'agirait-il d'une coïncidence ou d'un clin d'oeil de Lennie, le héros du roman de Steinbeck ? Mystère, mystère…

Comme je l'ai appris dans « L'assassin qui en moi »de Jim Thompson, la citation "Les projets les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas", extraite du poème de Robert Burns "To a Mouse" (1786), a inspiré le titre de ce roman à John Steinbeck.
Sous le titre original "Of Mice and Men", ce court roman fut publié en 1937 par le celèbre écrivain américain, suivi de son autre oeuvre majeure "Les Raisins de la colère" en 1939.

Dans le roman « Des souris et des hommes », Steinbeck distille une histoire pasionnante à travers une relation d'amitié profonde et indéfectible entre deux hommes très différents : Georges Milton, petit chef et vif d'esprit, et Lennie Small, colosse légèrement attardé au visage informe et véritable force de la nature.

Partageant le même rêve de posséder un jour une petite propriété pour élever des lapins, les deux hommes vadrouillent de ferme en ferme pour économiser suffisamment pour se payer cette terre promise. Ils se baladent ainsi tranquillement à pied pour rejoindre un ranch de Californie afin de travailler comme saisonniers. Néanmoins, Lennie a la fâcheuse manie de vouloir caresser toutes les choses douces : du velours, de la soie, des souris, des chiots, … et même la peau ou les cheveux des femmes, ce qui lui a causé bien des ennuis dans son ancienne ferme.
Continuez donc la route en compagnie de nos deux amis inséparables Georges et Lennie jusqu'au ranch des Curley à Soledad pour connaitre le fin mot de l'histoire…

Dès le début du roman, j'ai découvert de fortes similitudes avec le magnifique roman de Charles Williams « La fille des collines » : une belle écriture dès qu'il s'agit de décrire les paysages et la vie animale entourant les protagonistes, des dialogues marquants pour des personnages vivant à la campagne, et enfin le plus important, l'attrait diabolique de la femme, objet et source de conflit permanent entre les hommes.

J'ai particulièrement apprécié le début plutôt lent et attendrissant entre nos deux héros et la seconde partie du roman très enlevée aboutissant au final magnifiquement écrit et émouvant.
En outre, un passage spécifique du livre a retenu mon attention ; il s'agit d'une conversation entre Lennie, Crooks, le palefrenier noir de la ferme et enfin Candy, un brave homme qui a perdu une main au travail. En quelques pages seulement, John Steinbeck réussit à symboliser l'exclusion des noirs, des handicapés et des malades mentaux à cette époque. Une mise à l'écart qui n'a pas les mêmes causes, par nature, mais qui a les mêmes effets. Un passage tout simplement magnifique digne d'un très grand auteur.

Pour conclure, il se dégage de ce roman une proximité littéraire forte avec des romans noirs comme « On achève bien les chevaux » d'Horace Mc Coy (que j'ai moins aimé mais dont l'idée originale est lumineuse) ou « La filles des collines » de Charles Williams (que j'ai adoré). Néanmoins, je constate que Steinbeck est lu par un large public et on l'affuble de roman classique alors que les autres sont considérés comme des romans noirs.
A mon humble avis, « Des souris et des hommes » dépeint aussi durement la condition humaine que dans les deux autres livres évoqués, ceci dans un format plus court. Dommage pour de nombreux lecteurs qui passent à côté d'oeuvres incontournables et trop méconnues (américaines notamment).

Comme quoi, pour qu'un roman attire la lumière, il est préférable d'être noir parmi les classiques qu'être un classique parmi les noirs…


PS : je vous conseille évidemment de lire ou relire ce très court roman. Elaine Steinbeck évoquait son mari dans une lettre en parlant d'une « âme lourde mais essayant de voler ». Exactement à l'image de ce livre, une âme lourde mais essayant de voler…en direction d'un lopin de terre au milieu des lapins mangeant de la luzerne.
Commenter  J’apprécie          1407



Ont apprécié cette critique (107)voir plus




{* *}