Un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons, c'est l'âme du lecteur
Ceci est nouveau pour moi ; parler à des gens dont on ignore absolument la tournure d'esprit, le genre d'éducation, les préjugés, la religion! Quel encouragement à être vrai, et simplement vrai, il n'y a que cela qui tienne.
l'hypocrisie était impossible en mathématiques et, dans ma simplicité juvénile, je pensais qu'il en était ainsi dans toutes les sciences où j'avais ouï dire qu'elles s'appliquaient. Que devins-je quand je m'aperçus que personne ne pouvait m'expliquer comment il se faisait que : moins par moins donne plus (- x - = +)?
On pourrait écrire, il est vrai en se servant de la troisième personne, il fit, il dit. Oui, mais comment rendre compte des mouvements intérieurs de l'âme ?
Cet homme (l'abbé Raillane, chargé de son éducation) aurait dû faire de moi un coquin, c'était, je le vois maintenant, un parfait jésuite, il me prenait à part dans nos promenades le long de l'Isère, de la porte de la Graille à l'embouchure du Drac, ou simplement à un petit bois au delà du travers de l'île A (sur le plan dessiné au-dessus) pour m'expliquer que j'étais imprudent en paroles : "Mais, Monsieur, lui disais-je en d'autres termes, c'est vrai, c'est ce que je sens.
- N'importe, mon petit ami, il ne faut pas le dire, cela ne convient pas." Si ses maximes eussent pris je serais riche aujourd'hui ...
p. 94.
Mon enthousiasme pour les mathématiques avaient peut-être eu pour base principale mon horreur pour l'hypocrisie
Tel j'étais pour la musique en 1799. Le hasard a fait que j'ai cherché à noter les sons de mon âme par des pages imprimées. La paresse et le manque d'occasion d'apprendre le physique, le bête de la musique, à savoir jouer du piano et noter mes idées, ont beaucoup de part à cette détermination qui eût été tout autre, si j'eusse trouvé un oncle ou une maîtresse amants de la musique. Quant à la passion, elle est restée entière.
p. 367
Je me suis assis sur les marches de San Pietro et là j’ai rêvé une heure ou deux à cette idée : je vais avoir cinquante ans, il serait bien temps de me connaître. Qu’ai-je été, que suis-je, en vérité je serais bien embarrassé de le dire.
On dirait que ma mémoire n'est que la mémoire de ma sensibilité.
Si j'eusse parlé vers 1795 de mon projet d'écrire, quelque homme sensé m'eût dit : ' Ecrivez tous les jours pendant deux heures, génie ou non.' Ce mot m'eût fait employer dix ans de ma vie dépensés niaisement à attendre le génie.