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Dans ce récit autobiographique, Stendhal exprime tout le rejet de ses origines paternelles. Ce rejet est si fort que le nom même du père disparaît au profit d'un autre : Brulard. Stendhal ira même jusqu'à s'inventer des origines italiennes. C'est ce qui rend cette oeuvre passionnante, car l'autobiographie croise constamment avec la fiction. Stendhal ne se contente pas de décrire ses souvenirs pour comprendre quel homme il est, il se construit par son récit. On pourrait croire à de la supercherie, mais Stendhal reste honnête. Il ne dit pas que son autobiographie est historiquement irréprochable. Bien au contraire, il laisse le doute subsister sur l'exactitude de ses souvenirs. L'exemple le plus frappant est le récurrent trou de mémoire devant les événements particulièrement violents vécus au cours de l'enfance, il exprime ces manques par l'image d'une fresque dont un pan s'est détaché, donnant à voir une image incomplète ou inachevée. Enfin, Stendhal charme par la sincérité de son écriture. Il n'écrit pas pour éblouir ses lecteurs, façon Chateaubriand, il répond plus à une nécessité, qu'il exprime au début de son récit : « Je vais avoir cinquante ans, il serait bien temps de me connaître. »
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La réputation (surtout scolaire hélas) du "Rouge et le Noir" ou de "La Chartreuse de Parme", livres achevés, romans menés à terme, risque de faire oublier la masse d'essais, de brouillons, de tentatives de génie que Stendhal nous a laissée. Cette "Vie de Henry Brulard" n'est en rien une autobiographie composée, écrite et achevée à la façon de Sartre ou de Rousseau. C'est un récit vite écrit, au fil de la plume, et quand le mot ne va pas, le croquis, le plan, le dessin y suppléent (l'édition Folio donne de ces croquis une reproduction abominable et absolument illisible). Cela fourmille de projets, de promesses de vérifications, d'enquêtes, surtout pour établir la chronologie des événements de l'enfance de l'auteur à Grenoble : plan de travaux à venir qui ne furent jamais accomplis. Pourtant le livre, malgré ses défauts de premier jet, ses redites et ses incertitudes, ne déçoit pas : bien sûr, le lecteur contemporain formaté aux préjugés et effets de la spontanéité verra dans ce fouillis une qualité de plus. Mais il faut ajouter que le ton, la voix De Stendhal se font clairement entendre, quand il nous raconte son enfance, ses haines, ses bonheurs, et nous prend à partie, nous lecteurs de l'avenir qui n'aurons, croit il, aucun des préjugés de son propre temps. On sera surpris de voir combien il a mis de lui-même dans ses fictions romanesques, et avec quelle habileté il a su transposer et métamorphoser l'expérience autobiographique pour fabriquer un Julien Sorel ou un Fabrice del Dongo.
Enfin, ce livre amusera et instruira, car il est un anti-Rousseau et un anti-Chateaubriand. Rousseau et le grand modèle des Confessions sont toujours là pour guider l'auteur et le prévenir de ce qu'il ne faut surtout pas faire. Même si les Mémoires d'Outre-Tombe ne sont pas encore publiés au temps où Stendhal écrit, de larges extraits en avaient été lus dans les salons et circulaient peut-être sous forme de copies : or Chateaubriand est l'objet de la haine De Stendhal, l'incarnation de tout ce qui, en littérature, humainement, et politiquement, lui répugne au plus haut point. Donc l'anti-modèle des Mémoires et du style De Chateaubriand (Atala, René, le Génie du Christianisme, imités par les Hugo, Vigny, Musset et autres romantiques que Stendhal ridiculise au passage), joue un rôle essentiel dans l'écriture morcelée, coupée, apparemment sans apprêts, de ce livre.
Une agréable lecture, même pour un ami De Chateaubriand dans mon genre.
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Henry Brulard pour Henry Beyle, alias Stendhal. On découvre un homme multiforme, complexe, mais d'une intelligence et d'une finesse rares.
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A travers cette oeuvre, Stendhal qui entend livrer au lecteur les grandes lignes de sa vie (en effet, celle-ci ne peut pas être totalement objective puisque l'auteur parle de lui et qu'il est toujours plus difficile de parler de soi que d'un personnage fictif ou encore d'un auteur, comme nous le faisons d'ailleurs tous sur ce site) qui restera bien évidemment inachevée puisque l'auteur ne peut pas nous narrer sa propre mort ou encore les impacts qu'il laissera sur terre bien après celle-ci. Cependant, nous, lecteurs, nous pouvons le faire car nous avons un regard extérieur à ce qu'a réellement été sa vie et sur l'immense héritage culturel et littéraire qu'il nous a laissé.
Enfin, pour en revenir à ce livre, je dirais qu'il s'agit d'une oeuvre très passionnante pour quiconque est un tant soit peu intéressé par le Stendhal écrivain car ici, nous apprenons à connaître Henry nourrisson, puis étudiant et futur écrivain de renom. A découvrir !
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La pratique du souvenir selon Stendhal obéit à des lois très précises: aller au plus vrai en écrivant le plus immédiat, tout ce qui passe par la tête, quitte à dessiner des croquis approximatifs quand les mots ne suffisent pas. On se croirait dans un journal intime, au plus près de l' auteur, de sa haine de Grenoble, et de son père, de ses souvenirs d'enfance éparpillés, et on se sent abandonné à la fin de ce livre inachevé, quand les mots se dérobent pour raconter "l'amour fou".
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Je lis peu d'autobiographie, mais ici, c'est celle De Stendhal, un auteur que j'admire. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment une autobiographie d'ailleurs ? le personnage ne porte ni le nom de l'auteur, ni son pseudonyme. Et surtout, Stendhal ne se soucie pas d'exactitude, ni de date, ni de noms, ni même de faits. L'important, ce n'est pas la vérité mais les sensations, les souvenirs des émotions plus que les faits eux-mêmes.
Il ne montre pas "un homme dans toute l'exactitude de sa nature" comme Rousseau, mais un garçon puis un jeune homme qui ne s'est pas encore révélé à lui-même. le récit s'arrête là où commence la vie de l'homme avec la découverte de l'amour, la passion pour l'Italie et l'enthousiasme pour Napoléon. Mais l'homme qui se révèle, c'est aussi la vocation d'un auteur qui s'affirme. Très émouvant de lire Stendhal interpeller son lecteur de 1880 sur la postérité future de ses oeuvres, lui qui se croît sans génie et qui pense que personne ne le lira. Car l'amour de l'art et l'envie poétique vient du grand-père, et à travers lui de la mère. J'ai lu aussi cette oeuvre comme un Art d'être petit-fils, avec ce magnifique portrait de grand-père extraordinaire qui m'a touchée.
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Quand mon grand-père revint de Montpellier à Grenoble (docteur en médecine), il avait une fort belle chevelure, mais l'opinion publique de 1760 lui déclara impérieusement que s'il ne prenait pas perruque personne n'aurait confiance en lui.
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La plus lucide et profonde des autobiographies
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extrêmement bien écrit. C'est un grand bonheur que de lire ce livre.
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La même idée d'écrire my life [sic] m'est venue dernièrement pendant mon voyage de Ravenne : à vrai dire, je l'ai eue bien des fois depuis 1832, mais toujours j'ai été découragé par cette effroyable difficulté des Je et des Moi..."



La cinquantaine venue, Stendhal qui réside en Italie commence à noircir ses carnets de ses souvenirs. Famille, souvenirs d'enfance, vie en province à Grenoble, études, montée à Paris (déception : il n'a a pas de montagnes et les arbres sont taillés) puis en 1800 les guerres napoléoniennes en Italie. Il n'a pas de documents pour vérifier ses souvenirs (il note souvent de voir à tel endroit, préparant un travail ultérieur qui ne viendra d'ailleurs pas), se moque de ses erreurs de dates, en fait, ne cache pas ses hésitations. Il ne cherche pas à se faire mousser, il écrit pour lui, sera-t-il lu encore en 1880? Ce document, écrit en 1835-1836, interrompu en 1800, même si Stendhal évoque ce que vont devenir les rencontres de sa jeunesse, n'a été publié qu'en 1890.



Alors, un écrit mineur sans intérêt? Oh que non! Stendhal n'a pas repris son texte, mais tel quel son talent éclate, il excelle à croquer ses contemporains en deux trois lignes, souvent avec ironie ("un joli homme, coquin à tout faire" ; " ce grand hâbleur, si nul comme peintre" ; etc...). L'impression de naturel, d'honnêteté, de sincérité éclate. le flou ou les ellipses dans ses souvenirs y contribuent aussi. le texte est parsemé de croquis légendés de Stendhal.



Ce qui frappe d'emblée, c'est l'amour de Stendhal pour sa mère, décédée très tôt, et la haine à l'égard de son père, qui l'empêche de fréquenter des enfants de son âge (il y aurait de l'Oedipe dans l'air...). Il déteste la monarchie et la religion (il suffisait pour cela que son père les soutienne...), respecte son grand père et sa tante, du côté maternel, bien sûr.



"Je ne puis voir la physionomie des choses, je n'ai que ma mémoire d'enfant. Je vois des images, je me souviens des effets sur mon coeur, mais pour les causes et la physionomie néant." "Beaucoup de choses me reviennent en écrivant." Il est bien conscient aussi qu'un souvenir peut avoir été créé par un récit ou qu'une gravure détruit un souvenir réel.



Il a croisé la femme qui inspira à Laclos Madame de Merteuil. Une jolie anecdote aussi sur le baron des Adrets, en retard au diner car il lisait La nouvelle Héloïse.

"Enfin cet homme si froid arriva tout en larmes.

'Qu'avez vous donc, mon ami?' lui dit Mme des Adrets tout alarmée.

'Ah! Madame, Julie est morte! ' et il ne mangea presque pas."



" Si j'eusse parlé vers 1795 de mon projet d'écrire, quelque homme sensé m'eût dit : ' Ecrivez tous les jours pendant deux heures, génie ou non.' Ce mot m'eût fait employer dix ans de ma vie dépensés niaisement à attendre le génie."



J'avoue maintenant avoir voulu découvrir cette Vie de Henry Brulard surtout pour voir in situ les célèbres passages sur les mathématiques (matière qu'adorait Stendhal, en dépit des méthodes éducatives de l'époque)

"Suivant moi, l'hypocrisie était impossible en mathématiques et, dans ma simplicité juvénile, je pensais qu'il en était ainsi dans toutes les sciences où j'avais ouï dire qu'elles s'appliquaient. Que devins-je quand je m'aperçus que personne ne pouvait m'expliquer comment il se faisait que : moins par moins donne plus (- x - = +)? "

Son problème était de comprendre pourquoi en multipliant des dettes on se retrouve à la tête d'une fortune?

(cependant je dispense mon lecteur fatigué du joli passage sur la résolution des équations...)



Mais je veux partager cette perle, au sujet de romans d'un médiocre intérêt :

"Mais ce n'étaient pas des plaisirs littéraires. Ce sont de ces livres qu'on ne lit que d'une main, comme disait Mme...".



Au total : une lecture fort agréable et instructive, où j'ai aimé picorer suivant mon humeur, une promenade en compagnie d'un honnête homme qui ne craint pas de montrer ses faiblesses.
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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