Pas besoin d'être spécialiste en jeux vidéo, pas besoin d'être un geek, pas besoin d'être un pro en IT, pas besoin d'être psychanalyste ou psychologue. Non, ce livre est suffisamment clair et éclairant sur tous ces aspects.
Stora fait partie des optimistes concernant le virtuel et les jeux vidéo, on peut ne pas adhérer totalement à son optimisme. Mais force est de reconnaître que ça fait du bien de lire ce genre d'ouvrage, et que ça fait du bien de penser qu'on peut faire quelque chose de bien, de très bien, d'utile, pour la santé mentale, pour la puissance de vivre.
Stora est tout autant optimiste concernant la jeunesse, ce qui est très réjouissant.
Stora prend les choses en mains, et invite tout un chacun a devenir plus actif et acteur de ces phénomènes, savoir de quoi on parle et mieux gérer en utilisant.
Ce livre n'est pas ultracontemporain, mais il reste une bonne base de compréhension pour avancer sur des sujets qui s'ils ne sont pas suffisamment abordés, nous déborderons tous, ou en tout cas une majorité.
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En tant que psychanalyste, je considère donc que l'outil informatique constitue un entraînement symbolique pour les enfants comme pour les adultes. pour être mon premier cobaye et pour avoir observé beaucoup de personnes en train de jouer, je pense que les jeux vidéo dits "violents" favorisent l'expression de pulsions agressives, qui existent en chacun de nous, de manière socialement acceptable puisqu'elles ne s'exercent pas à l'encontre de personnes réelles. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le plus grand plaisir des joueurs n'est pas de "tuer", mais de s'affronter à la machine et de se mesurer entre eux. Marquer des points nécessite d'être persévérant, de contourner des obstacles, de se dépasser, de collaborer. En ce sens, le jeu a des vertus curatives et c'est un moteur pour avancer.
Le chat serait comme un entraînement symbolique pour mettre du tiers - ici, c'est la réponse de l'autre qui tient lieu de tiers, en tant qu'elle n'est pas toujours celle que l'on attend, nous empêchant par là même d'être dans une relation fusionnelle. La personne recherche et joue avec ce qui manque, pour trouver quelque chose de cette absence, puisqu'elle y a , dans l'espace du virtuel, toujours quelque chose de cet Autre, das Andere, comme dit Freud. Le chat comme le blog ne se réduisent donc pas à un miroir, même s'ils offrent la tentation de s'y limiter. En raison de cet Autre psychique, on peut s'y libérer psychiquement de certaines contraintes ou de certains interdits pour s'autoriser à agir avec moins d'inhibitions dans sa réalité intra-familiale. Le chat peut ainsi avoir une fonction contra-phobique pour l'agoraphobique qui se livrera par ce biais à un exhibitionnisme vivable.
Alors comment faire, de nos jours, pour laisser à l'enfant le temps de maturation nécessaire pour entrer dans cette société du "tout montrer" et du "tout dire" qui, d'une certaine manière, ne lui permet plus de fantasmer comme il se doit ?
... les recherches qui se font, concernant les enfants autistes notamment, laissent imaginer que des psychomotriciens pourraient utiliser l'outil informatique pour diagnostiquer la représentation du schéma corporel ou pour voir comment le patient apprend à jouer avec son image. J'ai constaté qu'un enfant autiste - que je suis depuis plusieurs années - repérait les effets des gestes sur les images. Je me suis alors interrogé sur l'émergence de limites intérieur/extérieur, car l'enfant n'a pas cherché à toucher l'écran. Alors que les autistes n'ont pas de capacité à appréhender l'autre, la perception de leur image sur un écran devrait les pousser à reconnaître qu'il y a un extérieur.
Lorsque je parle de "narration sensorielle", je reprends le concept d'"enveloppe prénarrative" de Daniel Stern. Il s'agit de récits que l'être humain se raconte, concernant des situations de la vie auxquelles il est confronté. Le besoin de cohérence est vital; et chaque événement exige un début, un milieu et une fin. Dans le cadre du jeu vidéo, le contexte est proposé, mais c'est le joueur qui construit l'histoire. L'élément indispensable pour finaliser le récit est l'affect lié à la narration. Le désir de mener à bien à tout prix une mission et la persévérance que cela exige font du joueur et de son corps le "lieu" de ces enjeux de maîtrise de la narration sensorielle.
Cinéaste de formation, Michael Stora est psychologue et psychanalyste. Depuis 2000, où il cofonde l'OMNSH (Observatoire des mondes numériques en sciences humaines), il allie son travail thérapeutique en institution et en libéral à une grande activité de recherche, de formation et d'information sur les incidences psychiques des mondes numériques interactifs auprès de publics variés.