Les clés retrouvées. Une enfance juive à Constantine. Essai de
Benjamin Stora.
Le titre correspond assez bien à une période bien précise de la vie de l'auteur. Souvenirs d'enfance, d'enfance juive qui ne ressemble pas à celle des autres, celle des petits Arabes ou celle des petits Européens, bien qu'elle ait été bien plus proche de celle des premiers que de celle des seconds. Ces derniers vivaient ailleurs !
Premier choc, premières images, premiers bruits pour l'enfant de quatre ans et demi qu'il était : quand des soldats (de l'armée française) sont brusquement entrés dans le petit appartement des Stora, 2 rue Grand, au coeur du quartier juif de la ville, le « Kar Charrah » (en arabe « le bout », « le cul de la lie »), ont installé une sorte de trépied, posé une mitrailleuse dessus et ont commencé à tirer sur des Algériens « s'enfuyant le long des gorges du Rummel », de l'autre côté de la maison. C'était le 20 août 1955 !
La guerre d'Algérie était cachée, pour toujours, dans les plis de sa mémoire d'enfant.
Deuxième image : lorsque la famille avait décidé de partir, le matin du 16 juin 1962, la maman a lavé consciencieusement tout le petit appartement. Elle n'a pas versé de verre d'eau sur le palier, comme elle le faisait traditionnellement au moment du départ d'un proche, qui ensuite revenait sur ses pas. Cette pratique rituelle exprimait un souhait : que le voyageur parte et revienne en bonne santé. le père a fermé la porte avec les clés et les a données à la mère qui les a mises dans son sac à main
Lorsque la maman est décédée en 2000, en France, l'auteur a retrouvé « au fond du tiroir de sa table de nuit, le trousseau de clés »
toujours conservées
« comme les histoires de marranes qui emportaient dans le Nouveau Monde les clés de leur maison d'Espagne, de l'Andalousie perdue ».
Un début
, une fin
Et, entre les deux, l'histoire de la communauté juive de Constantine, une ville « très pieuse », une vie presque à part et mouvementée, car prise en étau entre une vie vécue traditionnellement avec et au côté des musulmans et une recherche de vie plus « moderne », moins « soumise »
et l'histoire de la très modeste famille Stora (par le père), Zaoui (par la mère). Une communauté dont les origines en Berbérie remonte à des siècles et des siècles, parmi les premiers les habitants d'Afrique du Nord ayant précédé la présence arabe puis celle des Français. En 1941, la ville comptait 30.640 musulmans pour 50.232 Européens
et 14.000 juifs. Une ville où les juifs atteignaient la plus forte proportion en Algérie : entre 18% et 13% sur le total de la population communale.
Avis : Intéressant surtout
pour les vieux Constantinois
et, certainement, pour
Enrico Macias !