L'entrée en matière n'augure rien de bon.
Pour les prochaines victimes.
Et pour les autres, c'est trop tard.
C'est un procédé vicieux que la commissaire Jeanette Kihlberg de Stockholm doit démêler.
L'affaire piétine et tire en longueur. Les cadavres d'enfants torturés, momifiés, d'origines magrébines et qui ne manquent à personne s'additionnent. Ce n'est pas le substitut du procureur qui la contredira puisqu'il est un des éléments favorables à la catatonie de l'enquête.
En parallèle, des enfants sont enlevés.
Pendant ce temps, Sofia Zetterlung, une psychothérapeute, vit activement au fil de ses entretiens avec ses patients, des cauchemars s'exposent et elle écoute.
Les faits amènent Jeanette à rencontrer Sofia — qui est entre autres spécialisée sur la question des enfants soldats, des jeunes tueurs indomptables — grâce à sa triste expérience en Sierra Leone. L'une et l'autre mettront leurs connaissances en commun pour tenter de comprendre le fonctionnement de l'assassin.
Au départ. Pour moi, c'était mal parti juste après l'introduction inquiétante.
La vie de chacune est présentée de manière très simple, connue, classique. Les deux femmes ont pratiquement le même tempérament. Active, exerçant un poste à responsabilité, elles sont en constante réflexion sur les victimes ou les patients dont elles ont la charge, leurs vies professionnelles sont une priorité, des vies sans piquants et ennuyeuses où les couples s'éloignent. Quels que soient leurs vécus. Les propos relationnels sont évidents et avec un léger penchant féministe. L'enquête semble être routinière, réduite au strict minimum, pour ce genre littéraire (par exemple : la pyramide de la hiérarchie avec un patron qui rend des comptes à un autre patron lourd et macho et en plus des collègues transparents) qu'on se demande ce qui rend ce livre si bien. Donc le lecteur ne va pas y trouver une grande profondeur de ce côté, même ressentiment pour le décor. Tout s'organise en surface.
MAIS ET SURTOUT ! Ce n'était qu'une partie. Surprise.
À côté de cela, il y a aussi le point de vue des victimes, des abuseurs qui complètent le tableau. Ce qui offre une petite palette de personnages. Même si les principaux restent l'enquêtrice et la psy. Des passages exposant des réminiscences de l'un (e) et de l'autre intriguent. Petit à petit, la complexité et la découverte du trouble de la personnalité s'imposent. Une bulle, une atmosphère sinistre s'est installée et c'est étonnant. Toute cette simplicité du départ semble calculée. Afin que la complication s'immisce discrètement et, au moment du retour inattendu, les auteurs réussissent avec finesse à troubler le lecteur. C'est très bien construit. Les faits sont clairs et l'ambiance est nette avec plein de petits chapitres. L'écriture est tout aussi osée et franche sur certains points, qu'elle peut tendre vers un ton plus doux et limpide ailleurs. C'est essentiellement sans pudeur et pour le sujet traîté, c'est beaucoup mieux...
Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un autre Millenium. Ce n'est que le premier tome d'une trilogie annoncée. Chacun à son style prope. Je trouve que
Stieg Larsson touchait plus en profondeur la situation privée et l'environnement sociétal dans lequel se mouvaient les personnages. La trilogie Millenium est plus à tendance roman noir, écrite dans un style journalistique. Personna est, si j'ai bien compris, un roman policier violent (thriller), un polar psychique, plus tourné vers la mise en scène et l'imagé.
Le danger c'était de présenter un sujet déjà mainte fois proposé. Je craignais d'être déçu comme «
Avant d'aller dormir » de
SJ Watson où je m'attendais à une apothéose après avoir découvert une idée originale (la perte de mémoire au réveil chaque matin, et la mise à jour d'un carnet intime chaque soir pour ne pas oublier ce qui s'est passé la veille) et où finalement je n'ai rien ressenti, juste un manque.
La carte à jouer : c'est le nombre d'intervenants, le traitement des troubles de la personnalité, le tout combiné à une enquête de police.
L'atout à très bien fonctionné. Pour moi c'est réussi. Simplicité de départ dégommée par une complexité grimpante au 2/3, une attente solide après coup. J'imagine un second tome très intense. Et un troisième fonctionnant avec une dépréciation de l'intensité (à l'inverse du t1), pour terminer au repos et bouleversé.
Au carnaval, elle serait peut-être déguisée en Minnie. Toute mignonne, la copine des enfants. Une feinte adroite d'un danger public d'où scrutent plusieurs visages. Ceux de Victoria Bergman.
Et qui est-elle d'ailleurs ? Je n'en ai pas touché un seul mot…
L'évidence ne tombe pas toujours sous le sens. Je tournerai la langue sept fois quand l'envie me prendra de dire d'un ton ferme à un interlocuteur occasionnel : « T'es qui toi ? ». Oui, je vais éviter ce type de question à l'avenir.
Il faut lire ce roman accessible à tous.