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Citations sur L'enfant de la haute mer (37)

L'enfant se croyait la seule petite fille au monde. Savait-elle seulement qu'elle était une petite fille?
Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu'à l'âme, une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
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Il y eut des miracles : la tortue se dépêcha, l'iguane modéra son allure, l'hippopotame fut gracieux dans ses génuflexions, les perroquets gardèrent le silence.

Le bœuf et l'âne de la crèche
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"Grimaces affreuses de la vie, laissez moi tranquille, pensait-elle. Mais laissez moi donc tranquille ! Que voulez vous que je fasse de vous, quand le reste n'existe plus !"
Quand elle eut laissé loi derrière elle tous les poissons-torches et qu'elle se fut trouvée dans la nuit profonde, elle coupa le fil d'acier qui l'attachait au fond de la mer avec les ciseaux noirs qu'elle avait ramassés, avant de s'enfuir.
"Mourir enfin tout à fait", pensait-elle , en s'élevant dans l'eau.
Dans la nuit marine ses propres phosphorescences devinrent lumineuses, puis s'éteignirent pour toujours. Alors son sourire d'errante noyée revint sur ses lèvres. Et ses poissons favoris n'hésitèrent pas à l'escorter, je veux dire à mourir étouffés, à mesure qu'elle regagnait les eaux moins profondes.
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« Quand le visage est obligé de sourire pour des besoins professionnels, il faut bien que notre humaine tristesse se réfugie quelque part. » (p. 149)
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Nous dirons les choses au fur et à mesure que nous les verrons et que nous les saurons. Et ce qui doit rester obscur le sera malgré nous.
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Comment s'était formée cette rue flottante ? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres ? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise, de tuile, ces humbles boutiques immuables ? Et ce clocher très ajouré ? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garnis de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson ?
Comment cela tenait-il debout sans même être ballotté par les vagues ?
Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr dans la rue liquide, comme si elle marchait sur la terre ferme ? Comment se faisait-il... ?
Nous dirons les choses au fur et à mesure que nous les verrons et que nous saurons. Et ce qui doit rester obscur le sera malgré nous.
À l'approche d'un navire, avant même qu'il fût perceptible à l'horizon, l'enfant était prise d'un grand sommeil, et le village disparaissait complètement sous les flots. Et c'est ainsi que nul marin, même au bout d'une longue-vue, n'avait jamais aperçu le village ni même soupçonné son existence.
L'enfant se croyait la seule petite fille au monde. Savait-elle seulement qu'elle était une petite fille ?
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Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. Vous risqueriez de donner naissance dans des lieux essentiellement désertiques, à un être doué de toute sensibilité humaine et qui ne peut pas vivre ni mourir, ni aimer,et souffre pourtant comme s'il vivait, aimait et se trouvait toujours sur le point de mourir, un être infiniment déshérité dans les solitudes aquatiques, comme cette enfant de l'océan, née un jour du cerveau de Charles Liévens, de Steenwoorde, matelot de pont du quatre mats Le Hardi qui avait perdu sa fille âgée de douze ans pendant un de ses voyages...
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[ "L'inconnue de la Seine" ]

L'Inconnue de la Seine ne quittait pas sa robe, même pour dormir ; c'est tout ce qu'elle avait sauvé de sa vie antérieure. Elle utilisait les plis et la mouillure du vêtement qui lui donnaient une miraculeuse élégance au milieu de toutes ces femmes dépouillées. Et les hommes auraient bien voulu connaître la forme de sa gorge.

La jeune fille, qui voulait se faire pardonner sa robe, vivait à l'écart, avec une modestie un peu trop apparente peut-être, et passait sa journée à récolter des coquillages pour les enfants ou pour les plus humbles et les plus mutilés d'entre les noyés. Elle était toujours la première à saluer et s'excusait souvent, même s'il n'y avait pas lieu.
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[ "L’enfant de la haute mer " ]

Par moments, elle écoutait avec une soumission absolue, écrivait quelques mots, écoutait encore, se remettait à écrire, comme sous la dictée d'une invisible maîtresse. Puis l'enfant ouvrait une grammaire et restait longuement penchée, retenant son souffle, sur la page 60 et l'exercice CLXVIII, qu'elle affectionnait. La grammaire semblait y prendre la parole pour s'adresser directement à la fillette de la haute mer :

— Êtes-vous ? — pensez-vous ? — parlez-vous ? — voulez-vous ? — faut-il s'adresser ?— se passe-t-il ? — accuse-t-on ? — êtes-vous capable ? — êtes-vous coupable ? — est-il question ? — tenez-vous ce cadeau ? eh ! — vous plaignez-vous ?
(Remplacez les tirets par le pronom interrogatif convenable, avec ou sans préposition.)

Parfois l'enfant éprouvait un désir très insistant d'écrire certaines phrases. Et elle le faisait avec une grande application.

En voici quelques-unes, entre beaucoup d'autres :
— Partageons ceci, voulez-vous ?
— Écoutez-moi bien. Asseyez-vous, ne bougez pas, je vous en supplie !
— Si j'avais seulement un peu de neige des hautes montagnes la journée passerait plus vite.
— Écume, écume autour de moi, ne finiras-tu pas par devenir quelque chose de dur ?
— Pour faire une ronde il faut au moins être trois.
— C'étaient deux ombres sans tête qui s'en allaient sur la route poussiéreuse.
— La nuit, le jour, le jour, la nuit, les nuages et les poissons volants.
— J'ai cru entendre un bruit, mais c'était le bruit de la mer.

Ou bien elle écrivait une lettre où elle donnait des nouvelles de sa petite ville et d'elle-même. Cela ne s'adressait à personne et elle; n'embrassait personne en la terminant et sur l'enveloppe il n'y avait pas de nom.

Et la lettre finie, elle la jetait à la mer - non pour s'en débarrasser, mais parce que cela devait être ainsi - et peut-être à la façon des navigateurs en perdition qui livrent aux flots leur dernier message dans une bouteille désespérée.

Le temps ne passait pas sur la ville flottante : l'enfant avait toujours douze ans. Et c'est en vain qu'elle bombait son petit torse devant l'armoire à glace de sa chambre. Un jour, lasse de ressembler avec ses nattes et son front très dégagé à la photographie qu'elle gardait dans son album, elle s'irrita contre elle-même et son portrait, et répandit violemment ses cheveux sur ses épaules espérant que son âge en serait bouleversé. Peut-être même la mer, tout autour, en subirait-elle quelque changement et verrait-elle en sortir de grandes chèvres à la barbe écumante qui s'approcheraient pour voir.
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« Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé. » (p. 22)
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