Merci Verdorie, malgré mes réticences à me lancer (fétichisme des Japonais pour les insectes, méchants cafards qui ne ressemblent à rien du tout) j'ai sacrément bien kiffé !
https://www.youtube.com/watch?v=C22miXRcd-w
On a dans "Terra Formars" quelques tirades savoureuses genre « on n'est pas dans un manga… », « on n'est pas dans pas dans les comics… », « les superhéros avec des superpouvoirs, ça n'existe pas ! »… Alors qu'en fait, c'est ça : les auteurs piochent dans l'héritage du mangaka culte Shotaro Ishinomori, qui avait décidé dans les années 1960/1970 de contrer les comics américains à lui tout seul (et il le fit vachement bien, posant avec Jinzō Toriumi les bases des séries live tokusatsu, aujourd'hui interdites d'exportation par les méchants marketeux de la Disney Corporation… VDM)
"Kamen Rider" dans l'espâce ? C'est sûr ! "Cyborg 009" dans l'espâce ? Hum, qui sait…
"Cyborg 009", c'était (et c'est encore, car les légendes ne meurent jamais ! ^^) un groupe d'humains venant de tous les pays transformés en machines de guerre qui se rebellaient contre leurs créateurs pour devenir les bienfaiteurs du genre humain…
"Kamen Rider", c'était (et c'est encore, car les légendes ne meurent jamais ! ^^) le superhéros insectoïde qui défendait la veuve et l'orphelin en combattant les supervilains insectoïdes ennemi du genre humain…
Bref, le véritable chaînon manquant entre l'optimisme d'Ozamu Tesuka et le pessimisme de Go Nagai !
J'ai eu des réminiscences du manga "Gunnm" de Yukito Kishiro, avec cette association entre sciences et arts-martiaux et cette humanité livrée aux caprices d'une élite persuadée d'appartenir à une race supérieur prédestinée à l'immortalité et à l'éternité
J'ai eu des réminiscences du manga "Eden" d'Hiroki Endo avec sa pandémie aux ravages effrayants et ses adolescents livrés en pâture aux turpitudes de l'enfer ultralibéral/ultraféodal mis en place par les organisations internationales.
J'ai eu des réminiscences du manga "Gantz" d'Hiroya Oku qui faisait cohabiter relationship drama soigné et ultraviolence absurde certes, mais graphiquement travaillée.
J'ai eu des réminiscences du manga "L'Attaque des titans" d'Hajime Isayama, avec cette dystopie où grand dam des intéressés des générations entières sont envoyées au casse-pipe des générations entières au nom d'un conflit artificiel qui n'a d'autre fonction que d'assure le maintien au pouvoir d'une élite corrompue.
Ah finit les bons sentiments de la SF Vintage pleine d'optimisme et d'espérance : fiasco de leader du monde libre au Vietnam, Bhopal, Exxon Valdez, Tchernobyl, SIDA, Monsanto, fanatismes, intégrismes, terrorismes, 11/09 et sa puante récupération idéologique, Chicago Boys et leurs expérience de Milgram à l'échelle mondiale et 7 krachs boursiers dont les populations payent toujours les pots cassés (bientôt le 8e : accrochez vos ceintures !)… L'homme est devenu un loup pour l'homme avec la bénédiction de ceux qui prétendait le guider vers un avenir radieux. Il fut un temps où tout le monde pensait que demain serait meilleur qu'aujourd'hui… Ce temps-là est bien loin derrière nous et cela se sent dans "Terra Formars" car on ne perd pas une occasion de cracher sur la ploutocratie, les uber-richs et l'argent-roi…
Mais au final de quoi ça parle ce manga ? ^^
Condamnée par le cancer productiviste, l'humanité s'est lancée dans la terraformation de la planète Mars sur plusieurs siècles (cf. la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson ou le film "Red Planet" d'Antony Hoffman). Sauf qu'au moment de vérifier les résultats de cette gigantesque entreprise au tournant des 26e et 27e siècles, l'humanité s'aperçoit avec horreur que la place est déjà prise par une espèce d'australopithèques insectoïdes. Pour reprendre ce qu'elle considère comme son bien, l'U-Nasa pratique des expériences au faible taux de réussite sur des paumés issus des basses classes de la société pour fabriquer des hommes-insectes capables d'affronter les insectes-hommes dans l'environnement martien.
Mission « BUGS-1 », taux de mortalité : 100%
Mission « BUGS-2 », taux de mortalité : 87%
Mission « ANNEX 1 », taux de mortalité : calcul en cours…Mais ça meurt à tous les chapitres ou presque !!!
Toutefois qui est vraiment l'ennemi ? Ces cafards dont l'évolution biologique et technologique est trop rapide pour être naturelle ? Ces grandes puissances mondiales qui souhaitent s'emparer des découvertes biotechnologiques de leurs rivaux ? Ces donneurs d'ordres qui utilisent les personnages comme cobayes humains dans une course aux armements qui ne dit pas on nom (remember la saga "Resident Evil" ^^) ? Et il y a aussi la vraie / fausse piste de la panspermie avec la civilisation de Rahab et les pyramides de Mars…
Avec le tome 1, les auteurs ont eu l'excellente idée d'élaborer leur premier tome à la fois comme un one-shot et comme le prologue d'une série au long cours. Comme ça que le succès ou l'insuccès soit au bout du chemin, on conserve une bonne histoire avec un début, un milieu et une fin.
En 2599, les 15 membres de l'équipe de la mission BUGS-2 ont subi l'opération entomomorphique qui leur octroie d'évoluer librement dans l'environnement martien avec en bonus les capacités d'une autre espèce : la narration joue dessus et nous découvrons leurs pouvoirs au fur et à mesure d'un survival horror d'excellente facture qui emprunte autant aux récits anti-système des années 1970 qu'aux slashers classiques des années 1980. Les loyalistes et les traîtres de la shadow team vont devoir s'unir ou périr !
Le final est très réussi : malgré l'héroïsme du capitaine Donatello K. Davis, c'est l'hécatombe et les survivants sont ceux qui avaient le moins envie de l'être, le plus désespéré d'entre eux abandonnant son humanité pour donner une chance de s'en sortir à ceux qui dans le malheur sont devenus ses amis. On sent la fraternité qui unit ces personnages cabossés par les misères de la vie qui finissent par comprendre qu'ils ne sont que des cobayes, des prototypes ou de la chair à canon pour des homines crevarices qui n'ont d'humains que le nom… Et suprême élégance la fin offerte est bel et bien ouverte !
Le scénario de Yu Sasuga se donne la peine de donner à chaque protagoniste du drame, et ce quelle que soit son espérance de vie, une personnalité et un passé, plein de rêves et de désillusions. C'est assez sadique d'ailleurs car on s'attache à plein de gens qui vont tous de les crever salement, et avec tout le pathos nécessaire pour bien nous faire pleurer…
Le manga est riche en phylactères, car une voix-off très présente nous expliquent les mutations, les caractéristiques physiques, physiologique et martiales des antagonistes. de plus la narration fait alterner récit au présent, flashbacks consacrés au passé cabossé des personnages et flashback consacrés aux les discussions des officiers sur les enjeux de la mission. D'habitude je suis blasé du procédé, mais là cela a super bien marché sur moi...
Les dessins de Ken-Ichi Tachibana sont de qualité, tant pour le charadesign que pour les décors souvent fort joliment travaillés, avec une mise en scène de la violence très réussie. On pourra regretter un tramage informatique un peu artificiel, et quelques personnages clonés mais vu que la mission ANNEX 1 nous montre 100 membres d'équipage avec en plus leurs familles dans les flashbacks qui leur sont consacrés, on peut bien leur pardonner. Sinon, Shokichi Komachi a comme un faux air du Commandant Shepard de la saga vidéoludique "Mass Effect"… ^^
Pour terminer, un carton jaune à toutes les critiques à la Télérama de la Toile, truffée de pinailleurs de première bourre toujours prêts à pérorer sur le manque d'originalité et de profondeur de presque toutes les oeuvres, alors que manifestement ils semblent bien mal connaître l'histoire du manga pour ne citer qu'elle…
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