Pas 100% à la hauteur des enjeux qu'une telle thématique méritait
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Malgré un titre aguicheur et une première partie très prometteuse, une lecture globalement assez décevante en raison principalement de biais de son auteur : l'analyse se veut beaucoup trop centrée sur le monde universitaire, sur le "C.R.I." qu'il a fondé. le livre se content de citer une succession d'initiatives variées, la plupart locales. On aurait aimé une "grandeur" de vue sur tous ces sujets, tant de nombreux domaines ne sont pas traités : qu'est-ce qu'apprendre ? comment continuer à apprendre de 25 à 65 ans ? qu'est-ce qui sera indispensable pour
apprendre au XXIe siècle, de quelle compétence se parle-t-on ? On a parfois l'impression que l'auteur, a force de fréquenter les milieux universitaires et les hautes sphères, est un peu déconnecté des réalités du terrain de la majorité de ses concitoyens. Et en même temps, l'analyse n'est pas non plus si "élevée" que ça. Donc, on est dans un "ni-ni" qui est fort dommage.
A mon sens, un titre plus juste pour ce livre aurait pu être "Innover au XXIe siècle : interdisciplinarité, entrepreneuriat social et nouvelles pédagogies éducatives".
Ce que j'ai aimé :
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- Partie 1 très intéressante, faisant un parallèle avec la biologie pour montrer l'importance de l'évolution et de l'adaptation pour survivre dans son environnement. Aborde également les défis et enjeux de l'intelligence artificielle, ouvre de nombreuses questions.
- On découvre de nombreuses choses : la société apprenante, l'open-science, les différences initiatives pédagogiques dans le monde, etc.
- L'auteur dévoile quelques compétences clés à maîtriser demain : curiosité, esprit critique, collaboration, esprit touche-à-tout (interdisciplinarité)
- Un panorama du sujet, malgré sa non-exhaustivité et certaines zones d'ombre dans l'analyse (voir ci-dessous)
Ce que j'ai moins aimé :
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- L'auteur passe son temps à parler de l'organisme qu'il a fondé, le centre de recherche interdisciplinaire - CRI (acronyme qu'il ne détaille pas dans sa biographie en 3e page tellement il doit penser que tout le monde en est familier...). Les parties 2 à 5 mentionnent un grand nombre de fois le CRI... L'auteur ne peut s'empêcher de revenir à son CRI toutes les 3-4 pages, le livre ressemble à une pub de 400p pour son organisme... Pénible à la fin.
- Pas une seule définition du verbe "apprendre" ou "comprendre", aurait été intéressant de se servir de l'étymologie et de le comparer à d'autres notions
- Chapitres souvent composés d'une succession d'exemples ou d'initiatives (partie 4 et 5), le tout étant parfois décousu, sans hauteur de vue ou grandes réflexions (ou alors, on verse dans l'extrême inverse, on a affaire à des paragraphes un peu "lunaires", creux, pleins de bons mots universels et porteurs, voire notamment la partie 6, p.338 et 343)
- N'évoque jamais le "B.A-BA", à savoir ce qu'est fondamentalement le fait d'apprendre (retenir ? se faire-soi ? utiliser ?) et les conditions propices (attention, compréhension, vérification/répétition, etc.)
- Une vision du système scolaire qui évite pudiquement certains gros écueils : rien sur les générations de "décrocheurs" envoyés en filière techno ou pro, qu'on méprise allègrement alors qu'ils apprennent tout de même des compétences essentielles pour faire fonctionner la société. L'auteur se donne le bon rôle quand il parle des ZEP, refusant d'aborder certaines vérités : désordre en classe, niveau très bas et souvent artificiellement remonté par les enseignants (la hiérarchie plutôt) au BAC pour éviter qu'on s'en aperçoive, refus de l'autorité ou de certains sujets sensibles (religion, rapport homme/femme, etc.).
- Analyse beaucoup trop tournée sur les enfants, les jeunes (souvent à l'université), les enseignants. Où sont passés les "adultes", de 25 à 65 ans ? Ne peut-on rien apprendre au cours de sa vie ? Certaines choses sont évoqués mais on se parle d'un ou deux paragraphes (p.301) sur un livre de 400 p.
- L'impression que l'auteur mélange souvent différentes notions : apprentissage, compréhension, intelligence, adaptation, innovation, etc.
- Thème intéressant de la société apprenante mais on aurait aimé qu'il creuse plus, qu'il nous dise comment l'amener concrètement alors qu'on est plutôt aujourd'hui sur une société du loisir ou de la consommation
- le monde de l'entreprise est presque totalement oublié du livre (il est plutôt décrit négativement, sauf quand on s'appelle L'Oréal et qu'on finance son CRI, via l'association Bettencourt), à croire que la population entière travaille dans des laboratoires, pour l'état ou pour des associations.
- Un vocabulaire et des expressions parfois un peu creuses et risibles : "territoires apprenants", "cadre de liberté évolutif et féconds", "centres de référence scientifiquement remarquables et pédagogiquement investis"
- Absolument RIEN sur l'apprentissage du code informatique, qui semble pourtant la base pour appréhender les enjeux numériques de notre siècle ou encore l'émergence de l'intelligence artificielle. On s'étonnera que l'auteur ne parle pas du "machine learning" alors même qu'il y a le mot "learning" à l'intérieur... Idem sur les langues, rien sur la nécessité d'en maîtriser plusieurs pour bien naviguer dans notre monde multiculturel.
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