Citations sur L'écriture et la vie (21)
L'écriture, comme l'amour, n'a de sens que si l'on accepte de perdre pied. De quitter le rivage. Quitter la terre ferme, s'enfoncer dans l'eau du fleuve, se laisser emporter. Bien sûr, il y a un risque à prendre: en amour, comme en écriture, on peut y laisser sa peau. (p.17)
L'écriture ne cesse de nous placer en position extrêmement inconfortable. Elle nous pousse vers le vrai. Dans la vie, on ne cesse de s'arranger avec nos misérables petits mensonges.
Le réel, ce n'est pas simplement ce qui est arrivé ( les faits, les événements...). Le réel se prolonge dans ses lignes de fuite : nos oublis, nos rêves, nos fantasmes. C'est aussi ça le réel.
Tout parcours de libération est difficile, car il nécessite une immense énergie, du courage, de l'obstination, mais c'est un parcours que je qualifierais de " jalonné " : on y trouve tout du long des rails qu'on suit en les découvrant un à un, on ne savait pas précisément où ils étaient disposés mais on les reconnaît en cheminant, et, les reconnaissant, on avance sur ce chemin balisé. Tout nous pousse, de rail en rail, vers la liberté.
Je dois ma liberté à l'écriture.
Je pense tout à coup à la phrase de Gide, lue lorsque j'étais jeune fille et tant aimée : " Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux ; je veux que mes pieds nus le sentent. "
Ce n'est pas le temps qui passe mais nous qui passons, et le sentiment d'éternité est dans le présent, parfois vertigineux ; la vie n'est rien de ce qu'on nous enseigne, enfant, dans les livres, et ce n'est qu'en éprouvant les choses, et, souvent, en perdant l'équilibre, qu'on apprend.
De ce fait, je crois qu'il ne peut y avoir que malentendus et souffrances entre un écrivain et sa famille. Si on ne comprend pas, fondamentalement, la liberté sans concession, l'arrachement à toute forme de refuge, qu'exige l'écriture, on ne peut que souffrir de ce qu'écrit un écrivain, et du cheminement que l'écriture lui fait parcourir. La famille, aussi aimante soit-elle, est souvent refuge, rarement lieu de liberté, de la remise en question. L'amour, familial en l'occurence, ne permet pas tout. (p.48)
« La semaine, je suis une femme de trente-neuf ans, vivant à Paris, mère de deux petites filles ; et écrivain. Le mouvement de la maternité est celui de l'enveloppement. Il me faut une immense énergie pou parvenir à un autre mouvement, celui de l'écriture, qui lui-même est double : vertical (plongée) et éclatement. Ecrire, c'est plonger en soi, oui, mais, tout en plongeant, faire éclater ce moi, repousser ses propres frontières pour accéder à un espace plus grand. Ecrire, c'est faire se rejoindre l'intérieur et l'extérieur, le moi et les autres. »
...De la même manière que dans la vie parfois il arrive qu'on se retrouve perdu, on ne sait plus rien, ni de soi ni de son désir, on ne comprend plus le sens de notre présence au monde, on est en vie mais on n'est plus vivant, la nuit a recouvert le présent, la nuit a recouvert le corps, alors il faut revenir au passé, tout doucement, faire jaillir à nouveau la lumière d'instants qu'on avait non pas oubliés mais perdus en soi, et quelque chose se passe à l'intérieur, quelque chose se raccorde, le passé n'est plus séparé du présent mais vient à nouveau l'abreuver...(p.43)