Que dire à quelqu'un qu'on connait mal et qui vous annonce la mort de son père ? Il n'y a rien à dire face à la mort. Les mots, tous les mots, sont impuissants : aucune parole, aussi douce soit-elle, ne peut grand-chose face à l'absence soudaine. On peut seulement prendre dans les bras, serrer de toutes ses forces, en silence. Les grandes douleurs ne se partagent pas : elles s'accompagnent.
Tout nous échappe sans cesse, même les êtres qu'on aime. Mais reste la certitude que certains moments ont été ce qu'on appelle le bonheur.
La nuit on a tous les droits, on peut chanceler, on peut tomber, on n’a pas à faire semblant, à rester digne, on peut chuter sans avoir honte. On a droit à cette vulnérabilité-là.
J'ai songé que la vie, c'est un peu comme l'écriture , on ne trouve jamais ce qu'on cherche, on trouve autre chose, et c'est cette autre chose, surprenante, mystérieuse, troublante, qui en fait la beauté.
Ma mère fouille dans son sac, elle sort un livre. Elle lit. Je l'observe. Elle est attentive. Elle est belle. Elle est ailleurs. Je pense que, plus tard, moi aussi je lirai des livres. Je m'évaderai.
Tout nous échappe sans cesse, même les êtres qu'on aime. Mais reste la certitude que certains moments ont été ce qu'on appelle le bonheur.
Je me demande combien de temps encore ces images vont rester nettes, limpides, avant de se déformer, puis de se brouiller, puis de s'effacer ; avant que je ne les oublie. J'aimerais les serrer contre moi, comme on serre contre soi un corps aimé, de toutes ses forces, pour le retenir. Mais je sais bien que, de la même manière qu'on ne peut retenir un amour, on ne retient rien de son passé, il s'échappe lentement, chaque jour davantage, et on ne choisit pas ce qu'on en garde.
Le temps ne sait pas mesurer la vie : on peur vivre longtemps et ne pas s’éprouver vivant.
Les mères portent leur enfant. J’ai l’impression de porter ma mère : j’ai l’impression qu’elle est là, quelque part, au creux de moi. Ma mère, qui m’a donné la vie. Ma mère, que j’ai perdue, et que je garde en moi.
Ecrire, est-ce aimer ? Ecrire, est-ce chercher à être aimé ? Y a-t-il une écriture possible sans amour ? Y a-t-il un amour possible sans mots, sans verbe, sans langage ?