Écoute la ville tomber

La solitude qui a toujours été sa compagne s'est lovée autour de ses chevilles, douillettement.

Avec le temps son idéalisme avait pris du plomb dans l’aile et tout ce qui lui importait désormais, c’était de rentrer chez lui sa journée finie pour avoir la paix. […] Le monde et son injustice forcenée étaient devenus le problème d’un autre. Graham s’était battu pour ce qu’il croyait être la bonne cause aussi longtemps qu’il en avait eu l’énergie. Il avait élevé deux enfants. Enterré ses parents. Perdu l’amour de sa femme. Assisté, impuissant, à la plongée de son frère dans la démence et la drogue. Vu des innocents jetés en prison, des coupables laissés en liberté. Senti des picotements dans ses paumes quand des meurtriers avaient retrouvé leur foyer et leur bien-aimée parce qu’il avait assuré leur défense.
Enfant, déjà, il avait un sens de la justice très développé et on lui demandait souvent d’arbitrer des conflits dans la cour de récréation. Alors qu’il approchait à grands pas de la soixantaine, il ne s’insurgeait plus. Il avait porté la haine du monde sur ses épaules et il était en bout de course. À présent, ses envies se limitaient à construire son bateau, écrire sa pièce et mettre au point son synthétiseur et, pourvu que ses enfants soient en bonne santé, le reste passait au second plan. La souffrance des autres l’affectait moins. Le monde qui se déployait au-delà des murs de son garage était un foutoir épouvantable, dégueulasse, et l’époque où il avait tenté d’amorcer un changement appartenait au passé, à un passé très lointain.

 
 
Chacun cherche une étincelle qui donnera du sens à sa vie. Cette miette de perfection fuyante qui fera peut-être battre leur cœur plus fort.

S'il y a plus de deux personnes dans la pièce, on a l'impression d'être à l'intérieur d'une bouche où il y a trop de dents.

Chacun cherche cette étincelle qui donnera du sens à sa vie. Cette miette de perfection fuyante qui fera peut être battre leur cœur plus fort.

Ce mec est un vrai gland, dit Nathan.
D'où ils sortent des bouffons pareils ?
_ C'est la télé, pas vrai, répond Mo.
Elle les fabriquent.

Le soleil est en chemin, il envoie ses premiers rayons en éclaireurs afin qu’ils informent le monde de son arrivée.

La ville bâille, fait craquer ses phalanges. Regarde quelques pauvres âmes sombrer, par sa faute, dans la spirale de la folie.

La solitude s'abat sur lui. Ses griffes familières l'arrachent brutalement à la chaise et le suspendent au plafond, d'où il se balance.

Alors Becky fit ce que font tous les ados quand ils sont entourés d'adultes qui disjonctent : elle prit la tangente.