En 1563, le royaume de France est plongé dans sa première guerre de religion (il y en aura huit, qui s'étaleront de 1562 à 1598) opposant catholiques et protestants et Gabrielle a quinze ans. L'adolescente, issue de l'aristocratie, grandit à Lyon auprès de sa famille catholique, de sa mère si sévère, de ses frères et de cousine Justine qui tente, en vain, de la convertir aux écrits et à la philosophie -séditieuse, il est vrai- de la Boétie. C'est que Gabrielle a d'autres rêves: quitter Lyon pour découvrir d'autres horizons, tomber amoureuse peut-être, lire de la poésie -même interdite-, intégrer un jour la brillante cour de Charles IX et pourquoi pas le célèbre "escadron volant" de la reine mère, ce groupe de nobles jeunes filles dont Catherine de Médicis a fait ses demoiselles d'honneur et à l'occasion, ses espionnes dont on dit que les moeurs bien légères ne sont pas si loin de la courtisanerie. Insouciante, éprise de liberté Gabrielle ne voit dans la cour que bals et légèreté, mais à une époque où le plus lumineux des humanisme côtoie la guerre et la barbarie, ce joli tableau n'est peut-être qu'un mirage… La jeune fille s'en rendra compte par elle-même un jour ou l'autre puisqu'elle compte dans sa parentèle l'intendante de la maison de la reine, cousine providentielle qui lui offre la place tant convoitée au coeur de l'escadron…
J'ai purement et simplement adoré ce très beau roman graphique dévoré bien trop vite et je guette déjà la parution de sa suite!
D'emblée, je ne pouvais qu'être séduite par son thème. En effet, la Renaissance et particulièrement la période des guerres entre "papistes" et "huguenots" est une période que j'affectionne tout particulièrement et "La Fille Sage" traite ce contexte avec beaucoup d'érudition. En effet, on retrouve parmi le personnel de l'intrigue des personnages historiques campés avec réalisme: Guise, Coligny, Montmorency, Catherine de Médicis bien sûr. Quant au contexte historique, il est richement documenté, précis et
Manon Textoris a le talent de le rendre clair sans pour autant lui faire perdre de sa complexité au contraire.
Au-delà de son aspect historique, l'ouvrage est aussi une réussite sur le plan romanesque: on s'attache à Gabrielle et on suit ses aventures avec passion, la lecture est addictive et ménage ce qu'il faut de tension et de coups de théâtre, des coups de théâtre gérés avec finesse cependant. Il en ressort une atmosphère riche, complexe, tourmentée, hypnotique. Tout est crédible, cohérent. En ce qui concerne l'intrigue et la narration mention spéciale aux pages sur fond de tapisserie noire où l'on comprend que l'une des mystérieuses devisantes est Gabrielle revenant sur son passé avec ce qu'il faut de mystère et de gravité pour piquer violemment la curiosité du lecteur. Mention spéciale aussi aux références qui ponctuent le récit, qu'il s'agisse du portrait de la Médicis, des citations d'Anne de France ou de Michel de l'Hospital ou des sonnets (fort coquins) de Pierre l'Arétin) et qui lui donnent une vraie dimension historique.
Enfin, quel bel ouvrage! Les illustrations sont magnifiques, possèdent une vraie patte et ont ce petit quelque chose en plus qui rend palpables les émotions des personnages, quelles qu'elles soient quant elles s'accrochent à l'action vécue par les personnages. Il y a aussi cette double page qui représente le tour de France de Charles IX et qui sous ses airs de tapisserie nous conduit instantanément au XVI°siècle, mélange parfait de l'esthétique renaissance et de celui de
Manon Textoris. Par amour du détail, je pourrais évoquer aussi les chapitres s'ouvrant sur des citations délicatement et fort joliment enluminés achevant ainsi de faire de "La Fille Sage" un bel écrin autant qu'une histoire passionnante.
Et cette chute; cette chute! Elle donne tellement envie de lire la suite!
Vivement!