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Ce tome est le premier d'une intégrale en 4 tomes. Il comprend les chapitres 1 à 22 du récit, écrits, dessinés et encrés par Osamu Tezuka (1928-1989). Les différents chapitres sont parus de 1972 à 1983, et le récit total comprend environ 2.700 pages, réparties en 4 tomes pour la présente édition qui est la troisième en VF, après celle en 8 tomes de Tonkam en 1997-1999, puis une première version Deluxe (2004-2006) en 4 tomes par Delcourt / Tonkam. Ce manga en noir & blanc raconte la vie de Siddhārtha Gautama (orthographié Siddharta dans le manga), le premier Bouddha, le chef spirituel d'une communauté qui a donné naissance au bouddhisme. Il comprend une introduction de 3 pages, rédigée par Patrick Honnoré qui évoque Osamu Tezuka au travers de sa production (7,5 pages de manga par jour en moyenne, par rapport à ses 60 ans d'existence), son humanisme, son apport au manga, ses différentes phases de créateur.

Le récit commence il y a 3500 ans dans le passé, au pied du toit du monde l'Himalaya, dans le bassin de l'Indus où s'était installé le peuple des Aryens. le narrateur omniscient évoque rapidement l'élite dirigeante constituée par les brahmanes, puis l'instauration des castes, et enfin le rejet par le peuple de la toute-puissance des brahmanes, mais la persistance des castes. Au temps présent du récit, un brahmane chemine péniblement dans la neige et s'écroule à bout de force. Un renard, un ours et un lapin s'approchent de son corps encore vivant. le renard lui ramène des graines, l'ours des poissons. le lapin se sacrifie pour le vieil homme. C'est la parabole qu'Asita (un vieux brahmane) raconte à ses élèves. Les disciples ne saisissent pas le sens de cette parabole. Ayant senti une énergie inhabituelle, Asita envoie ensuite son élève Naradatta vers le sud à la recherche d'un individu destiné à devenir un dieu ou le roi du monde. Dans une vallée, Naradatta se fait attaquer par un tigre, mais ce dernier le laisse en vie, avec juste une blessure à l'épaule. Arrivé à la ville proche, il s'enquiert d'un homme doué de talents hors du commun. Un habitant lui indique la présence d'un brahmane réalisant des prodiges. Ce dernier lui indique un paria nommé Tatta.

Dans une autre partie de la ville, Chaprah porte sur son dos des rouleaux de tissu qu'il doit aller livrer. Il est attaqué par Tatta qui lui dérobe les précieux tissus. Chaprah (un esclave, fils d'esclave) retourne chez son maître qui lui donne trois jours pour retrouver les tissus, sinon il vendra sa mère. Chaprah se met en quête de Tatta. Finalement Tatta aide Chaprah à délivrer sa mère, en projetant son esprit dans le corps d'un tigre. Entre-temps le général Boudhaï a envahi la ville et massacré la population. Naradatta vient se présenter à lui pour savoir s'il sait où se trouve le dénommé Tatta. Dans le royaume voisin du Kapilavastu, le roi Suddhodana apprend le passage d'une nuée dévastatrice de criquets dans le royaume de Kosala. Sa femme l'informe qu'elle est enceinte et qu'elle a été visitée par un éléphant blanc à 6 défenses (Tusita, bodhisattva). le roi lui explique comment il a arrêté de pratiquer la chasse.

Quand il entame cette histoire, le lecteur sait qu'il s'agit d'une vie de Siddhârta Gautama, le fondateur du bouddhisme, d'un roman fleuve, et d'une oeuvre d'un auteur qualifié de dieu du manga. Il sait donc qu'il va suivre Siddhârta dans les différentes étapes qui vont le conduire vers l'Éveil (spirituel), l'enseignement. En fonction de sa sensibilité, il peut refuser de se prêter à cette forme de prosélytisme, être au contraire curieux d'en apprendre plus sur cette religion, ou souhaiter découvrir sous une forme ludique la vie de ce personnage historique dont il adhère aux préceptes. Il est rapidement happé par la dimension romanesque du récit. En cohérence avec la notion d'interdépendance universelle, Osamu Tezuka montre que Siddhârta Gautama n'est pas apparu comme par magie, et qu'il ne s'est pas construit et développé tout seul. du coup, le lecteur rencontre dès ce premier tome de nombreux personnages hauts en couleurs, qu'il s'agisse de Naradatta le bonze réservé, de Tatta le petit garçon plein de vitalité, de Boudhaï le général en mal de reconnaissance sociale, de Chaprah et sa mère essayant de vivre en esclaves respectueux de leur maître, etc. la distribution est impressionnante, il n'y a pas de petit personnage. L'artiste fait en sorte de donner des apparences remarquables à chacun, parfois caricaturales, par exemple pour les 5 ascètes (Kondaniya, Baddiya, Bappa, Mahanama et Janussoni).

En observant les personnages, le lecteur se retrouve confronté aux conventions artistiques et esthétiques d'Osamu Tezuka. Il a fait le choix de dessiner les protagonistes de manière plus simple que les décors. Cela provoque 2 effets : les personnages semblent plus vivants et moins figés que les décors, ils sont aussi visuellement plus simples, donc plus proches du lecteur ou plus accessibles. Ce dernier observe également que l'artiste n'hésite pas à employer des caricatures pour certains personnages secondaires, et que parfois il peut voir furtivement passer un personnage d'une autre histoire (le professeur Ochanomizu). Il utilise des exagérations comiques pour montrer des émotions intenses. le lecteur peut avoir besoin de quelques pages pour s'habituer à ces représentations humoristiques dans une histoire aussi dramatique. Effectivement, l'artiste a tendance à représenter les décors de manière plus descriptive, que ce soient les bâtiments ou les environnements naturels. Les premiers donnent souvent une impression de simplicité, mais ils sont représentés avec une bonne régularité par rapport à un manga traditionnel, avec une précision qui participe plus de l'information visuelle juste, que de l'économie. Les seconds donnent l'impression d'une représentation photographique. Il suffit au lecteur de considérer les paysages naturels (vallées, forêts…) pour se rendre compte de l'éventail de techniques picturales maîtrisées par Tezuka.

Tout au long de ces 800 pages, Osamu Tezuka adapte sa narration visuelle à la nature de la séquence, en mettant en oeuvre des solutions picturales riches et variées. Il peut aussi bien s'en tenir à une mise en scène naturaliste, qu'utiliser des codes shojo pour une scène romantique, ou exagérer les mouvements pour accentuer la vitesse d'une scène d'action. le lecteur se retrouve régulièrement surpris par l'inventivité des pages. Il se frotte les yeux quand les animaux viennent entourer Tatta, évoquant Bambi ou Blanche Neige entourée par les animaux de la forêt. Il sourit franchement en découvrant les cascades que Bandaka fait sur son cheval lors de sa première apparition (page 212). Il retient ses larmes quand Siddhârta annonce à Yoshadra le prénom peu flatteur qu'il a choisi pour leur fils, dans un dessin à la dramatisation exacerbée. Il retient son souffle pour suivre les épreuves de tir à l'arc grâce à un découpage de cases tout en longueurs, ou pour suivre la course d'un lièvre avec des cases en trapèze. Il se rend compte qu'Osamu Tezuka brise le quatrième mur de manière visuelle quand sous l'effet d'une émotion intense Tatta traverse le papier de la case dans laquelle il se tient (page 86), ou quand Chaprah brise les bordures de cases (page 285), ou quand le chancelier rebondit contre les bordures de case (page 378). Il est presqu'étourdi par le nombre de criquets que Tezuka a représenté dans un dessin en double page quand cette nuée s'abat sur une armée.

Le lecteur plonge donc un drame (ou une succession de drames) rendus poignants, à la fois par la personnalité des protagonistes, leurs réactions émotionnelles, une direction d'acteurs très expressive, et une mise en scène fluide conçue sur mesure pour orienter l'état d'esprit du lecteur. Il est impossible de rester de marbre en voyant le jeune garçon Tatta (7 ans) ravagé de chagrin en découvrant le cadavre de sa mère. le lecteur ne peut qu'éprouver du ressentiment vis-à-vis de Siddhârta quand il déclare à sa femme qu'i va la quitter et qu'il choisit un prénom infamant pour son fils, alors qu'elle va accoucher dans les jours qui suivent. Il est profondément choqué quand Bandaka triche lors de la course à cheval sur les toits, en prenant conscience que cet individu n'éprouve aucun scrupule à transiger avec les lois et les règles pour atteindre son objectif. Il ne s'attend pas non plus à une scène d'urologie (sans connotation sexuel) quand les voleurs urinent sur Chaprah pour l'humilier.

Régulièrement, le lecteur se retrouve également confronté à d'autres conventions visuelles qui sont spécifiques au manga ou à la culture japonaise et qui lui semblent décalées ou bizarres. Par exemple la majeure partie des femmes ont la poitrine dénudée, les vêtements ne la couvrant pas. Néanmoins, l'impression n'est pas celle de l'exploitation du corps de la femme (d'autant que le niveau de détail est faible, il y a rarement des tétons de représentés), mais semble normale dans ce contexte. Dans le même ordre d'idée, le ventre de Yoshidara ne s'est pas du tout arrondi alors qu'elle va accoucher le lendemain. Assez facétieux, Tezuka s'amuse également à intégrer des anachronismes, comme un tableau lumineux de score lors des joutes (ou la mention de Paris et de new York). Il apparaît parfois des symboles comiques (par exemple une tête de cochon pour figurer la marque de l'esclave sur la plante des pieds de Chaprah) sans qu'il faille y voir du second degré. Outre ces représentations culturellement codifiées, le lecteur se rend également compte que de nombreux symboles annonçant la venue au monde de Siddhârta semblent directement empruntés à la Bible. Il s'agit plutôt du mode d'expression hyperbolique commun aux deux cultures. S'il s'en tient à la lecture de ce tome, comme étant celle d'un roman volumineux, le lecteur risque de trouver plusieurs coïncidences un peu grosses, et que certains événements surviennent de manière surprenante, voire sortent du chapeau. Il faut alors qu'il se souvienne qu'il s'agit d'une forme de biographie d'un individu allant être à l'origine d'une nouvelle religion, dont les sources sont déjà construites comme un récit mythique.

Le lecteur sait donc à l'avance qu'Osamu Tezuka ne peut que respecter les moments de vie canoniques du futur Bouddha. Il sait qu'il va assister à des miracles, à des signes divins. Il peut choisir d'adhérer aux préceptes religieux et de les prendre au pied de la lettre, ou d'en faire une interprétation entre délire collectif et autosuggestion d'un peuple baignant dans une culture qui fait de la venue de Siddhârta une prophétie auto-réalisatrice, ou encore y voir des conventions de récit de genre, des manifestations surnaturelles à prendre comme des métaphores. Il peut aussi considérer le récit comme un récit mythologique, avec des symboles comme ce tigre sans rayure. Au fur et à mesure de la progression du récit, il découvre à la fois une dimension politique (la dénonciation virulente du système de castes, la politique externe du Kosala) et une dimension spirituelle, avant d'être religieuse. Osamu Tezuka expose progressivement les événements qui vont mener Siddhârta à l'éveil, dans le prochain tome. Tout commence avec cette parabole initiale où un lapin s'immole par le feu pour que vive le brahmane. Au fil du récit, plusieurs lapins seront mis en scène, formant un lien en arrière-plan entre les étapes conduisant à l'éveil, permettant au lecteur de progressivement mieux comprendre cette parabole. Si ça l'intéresse, le lecteur observe donc le comportement de Tatta, l'être aux dons surnaturels annoncé par le brahmane Asita, les prises de conscience de Siddhârta concernant la souffrance et la mort. Il note à chaque fois la prise conscience spirituelle qui est évoquée, une façon d'envisager la vie qui induit une façon de mener sa vie. Osamu Tezuka raconte ces étapes de prise de conscience, sans oublier de mentionner les préceptes religieux déjà existants comme le saṃsāra (le principe de réincarnation).

Ce premier tome est d'une richesse extraordinaire, que ce soit pour les différents personnages, les différents lieux, les différentes situations, le souffle romanesque du récit. Il est impossible de rendre compte de l'envergure du récit, de la richesse et de l'invention de la narration visuelle, de la verve malicieuse de l'auteur. le lecteur a le plaisir de découvrir par cet ouvrage, à la fois la vie d'un personnage historique de grande ampleur, mais aussi quelques notions élémentaires du bouddhisme, sans avoir l'impression de suivre un cours, ou de subir un endoctrinement. L'élégance de l'écriture d'Osamu Tezuka en fait un ouvrage très facile à lire malgré sa pagination, au point que le lecteur ne se rend compte de la densité du récit que lorsqu'il s'arrête un instant pour considérer le chemin parcouru, les drames vécus et la densité de la narration. Il ne s'agit pas non plus d'une lecture humoristique, malgré les respirations comiques bienvenues. En effet dans ce premier tome, les protagonistes prennent surtout conscience que la vie est souffrance.
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La forme : Superbe ! C'était très plaisant à lire. J'ai beaucoup aimé, notamment, le travail sur les fonds de case.
De manière générale, certaines planches étaient esthétiquement magnifiques, orientales, sublimes !

Le fond : très intéressante cette plongée dans le Népal et l'Inde de manière générale (pas que la vie de Bouddha). Ce premier tome ne s'attèle en fait que pour moins de la moitié à Bouddha (encore Siddharta dans ce tome) ; les pions sont posés en fait, de manière large.
C'est dur parfois, cruel, mais drôle aussi à certains moments, c'est vraiment dans l'esprit manga (enfin tel que je me l'imagine... avec cruauté, humour, anachronisme etc.).
Enfin, c'est d'une violence cette culture, cette époque ! Violence physique et psychologique envers les castes inférieures surtout, mais pas que. C'est un livre assez extrême : l'extrême violence de certains personnages est à la mesure de l'extrême pureté d'autres.

Conclusion : à découvrir !!! Pour la connaissance de la vie de Bouddha, de la vie à cette époque mais aussi la beauté des planches !

~ Challenge multidéfis 20 : manga
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Vous voulez découvrir la vie de Bouddha en manga, de façon vivante et dynamique ?

> Si vous cherchez, un livre qui vous expose la vie et les idées de Bouddha dépouillé de toutes les légendes et le surnaturel, je vous conseille plutôt l'excellent « Le bouddhisme du Bouddha » d'Alexandra David-Néel

Vous êtes resté ? C'est donc que vous n'êtes pas contre un peu de surnaturel, d'aventure, d'humour et même d'autodérision.
Mais…
Mais…
Avec une description pareille, on pourrait s'attendre à quelque chose de superficiel, de léger.
Et bien non !
Le manga ne cache pas la violence de la société, des castes « immuables », de la vie d'esclave, de la famine, de la guerre, de la maladie, des divinités qu'on invoque en vain…
Ce tome se termine quand le prince Siddartha quitte son palais, sa famille, son pays, ses attaches pour commencer à assumer son destin.

## Bon à savoir :

Des personnages secondaires ont droit à leur propre arc narratif. Ne vous étonnez pas que le manga ne commence pas par la vie de Siddartha.

## En conclusion

Sans avoir encore lu le tome 2, je peux déjà dire que la lecture de ce manga est une façon originale et légitime de découvrir le bouddhisme dans son contexte.
Évidemment, le propos n'est pas ici de montrer la vérité historique du Bouddha.

### Attention gros volume

816 pages, qui se lisent bien, mais 816 pages quand même, pour ce 1er tome et 688 pour le tome 2 (4 de prévus)
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Après une première expérience malheureuse dans la découverte de cet auteur par ma lecture de «I.L», je découvre enfin les facettes talentueuses qui ont tant été vantées par la plupart des lecteurs à travers le monde.

Je trouve que l'idée d'adapter la vie de Bouddha en bande dessinée est excellente à condition d'éviter certains écueils. Je dois bien avouer que ma lecture fut à la fois enrichissante de toute cette culture et divertissante grâce à un humour bien dosé.

Au début, j'ai été très sceptique en découvrant un personnage qui ressemblait étrangement à Astro le petit robot. Je me demandais ce qu'il faisait là dans cette fresque aux accents mythologiques. Mais bon, l'auteur a su me faire oublier ce genre de détails qui tuent normalement. La vision adoptée par l'auteur est personnelle et donc particulièrement originale.

Le côté naïf cède au fil de la lecture à des réflexions plus profondes. On pourra donc se plonger dans cette méga-lecture très dense mais au final très fluide et d'une particulière intelligence. Qui sait si vous n'allez pas vous convertir au bouddhisme !
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Depuis des années, j'étais curieuse de découvrir cette série emblématique de Tezuka. Grâce à la superbe réédition de Delcourt-Tonkam, c'est enfin chose faite. Sous forme de pavés de plus de 800 pages chacun, cette nouvelle édition reprendra en 4 tomes les 14 tomes d'origine de la vaste histoire de Siddharta homme appelé à devenir Bouddha dans l'Inde ancienne. L'édition est belle dans une bibliothèque mais pas forcément très aisée en main quand il s'agit de lire. Les couvertures sont aussi forts simples mais c'est le signe de cette collection. Et puis ce n'est pas grave tant je suis contente de pouvoir lire ce titre.

Dans ce titre qui date des années 80 (dernière période de la carrière de Tezuka), le mangaka y fait montre de tout son talent. Il développe avec une grande facilité sa grammaire mangaesque, alliant cadrages percutant, humour de tous les instants, narration entraînante et histoire prenante.

C'est fou qu'il parvienne sur tant de pages à nous intéresser (ou plutôt à m'intéresser) à une histoire si pleine de morale et de spiritualité. Mais c'est parce qu'il a la bonne idée d'en faire une aventure à part entière et pour cela, il joue avec nous lecteur. Dans son découpage des cases aussi bien que dans ses dialogues ou son histoire, il sait allier légèreté, humour et sérieux. Il passe d'un ton à l'autre sans prévenir, nous surprenant sans cesse. Cela donne un récit très dynamique, qui foisonne de bonnes idées. On peut ainsi y retrouver de nombreuses ressemblances avec ces films des années 50 comme les 10 Commandements ou Ben Hur, ainsi qu'avec les dessins animés de Disney ou les Contes des 1001 nuits. C'est assez fascinant lors de certaines scènes.

Mais le talent de Tezuka ne s'arrête pas là. Il développe une histoire sur de nombreuses années où l'on croise de nombreux personnages, et pourtant on n'est jamais perdu et tout personnage croisé qu'on sent un peu important est recroisé plus tard dans un vaste canevas que lui seul à le talent de tisser avec autant de simplicité. Ainsi, on avance vite à l'aide de nombreux sauts dans le temps pour que le récit reste dynamique.

Il mélange également récit vaguement histoire avec récit spirituel, moral et critique de la société de castes. Ce n'est pas fait finement mais en même temps ce n'est pas ce qu'on demande ici, autant y aller franchement quand on dénonce ce genre de régime absurde qui a pu exister. Ici, on a vraiment l'impression que c'est facile quand on le lit mais il a dû se documenter pour que ce soit si abordable et limpide.

Bouddha peut donc se lire comme un récit d'aventure dans lequel on suit d'abord un jeune moine bouddhiste, puis un petit paria qui a des pouvoirs magiques et enfin un jeune prince qui cherche sa vocation, le tout dans une Inde antique qui ne nous est pas inconnue. Ça foisonne de partout et pourtant c'est une lecture simple. J'ai vraiment été surprise par cela, m'attendant à quelque chose de plus complexe, alors qu'ici c'est un vrai plaisir narratif sans la moindre complication. Par contre, vu comme on avance vite, je me demande ce que vont bien pouvoir raconter les autres tomes ^^!
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Merci à mon "amie biblio" de m'avoir fait découvrir ces livres.
J'ai beaucoup aimé. Je retrouve la vie complète de Siddhârta. Je ne m'étais jamais lancée à lire un manga, et finalement j'ai bien aimé. Bien sûr il y a eu des moments où je n'ai pas pris le livre dans le bon sens AH AH!
Il y a de magnifiques dessins, au fur et à mesure de ma lecture je me suis habituée au visage des personnages, c'est ce qui m'a le moins plu...
La grosseur du livre est oubliée une fois bien calée.
Je relirai volontiers.
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Delcourt/Tonkam poursuit ses très luxueuses rééditions « intégrales » des oeuvres de Tezuka Osamu : après une première salve constituée par Ayako et les deux volumes de L'Histoire des 3 Adolf, en voici une deuxième, avec Barbara (en un seul tome) et les deux premiers volumes de l'intégrale de la Vie de Bouddha, qui devrait en comprendre quatre – on est donc, dans ce dernier cas, sur une oeuvre d'une tout autre ampleur, sur laquelle l'auteur a travaillé une dizaine d'années, et ce fort premier tome dont je vais vous entretenir aujourd'hui pèse déjà ses 800 pages…



La Vie de Bouddha est souvent comptée parmi les plus grands chefs-d'oeuvre de l'auteur, qui en a commis quelques-uns – c'est aussi une BD importante dans sa carrière, car elle a quelque chose, de plus ou moins défini, qui s'inscrit dans la « transition » opérée par Tezuka dans les années 1970, vers des récits plus adultes et/ou plus sombres ; Ayako en est peut-être une illustration plus franche, tandis que L'Histoire des 3 Adolf est une oeuvre tardive, datant d'après cette transition, mais la masse colossale de la Vie de Bouddha y a probablement sa part. le dessin demeure très rond et dynamique, à la façon des réalisations antérieures de l'auteur plus enfantines, mais le propos est autrement sombre, ou peut-être surtout ambigu, avec des personnages qu'il n'est pas toujours aisé de faire rentrer sans y revenir à deux fois dans les cases du « bien » et du « mal » ; par ailleurs, la violence de cette BD, et son caractère très cru à l'occasion (dans des registres sexuels ou même scatologiques), en dépit du trait plutôt naïf, ont de quoi surprendre un lecteur occidental qui s'attend à lire une sorte d'hagiographie…



Mais s'agit-il seulement de cela ? La question est compliquée, et, honnêtement, je ne dispose pas des éléments me permettant d'y répondre de manière assurée. Cette question, pourtant, je me la posais avant même de faire l'acquisition de ce premier volume – je me demandais si moi, occidental et non-bouddhiste, j'allais y panner quoi que ce soit, ou même être seulement touché par le propos. Je me demandais si un certain exotisme malvenu, même de nature spirituelle, ne risquait pas de fausser mes perceptions, moi qui étais visiblement prêt à me pencher sur une BD rapportant La Vie de Bouddha, là où je n'aurais peut-être (probablement…) pas été le moins du monde attiré par une BD traitant de la Vie de Jésus, et peut-être à tort d'ailleurs. Et, à cet égard, je me demandais quelle était au juste la position de Tezuka lui-même au regard de son sujet : s'agissait-il de l'oeuvre d'un croyant ? Voire d'un dévot ? Auxquels cas, quels seraient les biais que le bouddhisme japonais impliquerait dans cette narration ? Ou n'était-ce de toute façon qu'un prétexte ? Ce qui me paraissait relativement probable, mais… Je me doutais, en revanche, que cette Vie de Bouddha ne s'inscrirait probablement pas dans un registre historique à proprement parler, mais jouerait de tout ce que la tradition religieuse a très tôt rapporté de fantastique dans la vie du prince Siddartha peu ou prou divinisé (Siddartha, oui, c'est ainsi qu'apparaît ce nom dans la BD, là où on rencontre plus souvent « Siddharta » ou « Siddhartha », ai-je l'impression, mais je vais me plier à ce choix dans cette chronique). Maintenant, qu'allais-je faire de tout ça ? Cette BD était à mes yeux aussi attirante qu'intimidante – et pas seulement en raison de sa masse impressionnante…



Et certaines de ces interrogations demeurent au sortir de ce premier volume, si d'autres ont peut-être d'ores et déjà trouvé leurs réponses. Ce qui apparaît certain, en tout cas, c'est que cette Vie de Bouddha n'est pas l'oeuvre de ce que l'on qualifierait, dans le monde catholique, d'une « grenouille de bénitier » : si Tezuka respecte sans l'ombre d'un doute la figure de Bouddha, auréolée par ailleurs de tous ses traits semi-divins (ou divins tout court), c'est dans un contexte où elle se fait régulièrement voler la vedette par d'autres personnages, à vue de nez des créations personnelles de l'auteur le plus souvent. Par ailleurs, la dignité globale du propos s'accommode de traitements qu'un bigot jugerait irrévérencieux – l'aventure est frénétique, quand Bouddha lui-même n'est pas au coeur du propos, et l'humour est très présent, qui joue par exemple des anachronismes, très nombreux, en même temps que le dessin de l'auteur lorgne plus qu'à son tour sur la caricature, y compris, bien sûr, quand il s'agit d'apparaître lui-même dans sa BD, dans un traditionnel caméo. Enfin, dans un registre probablement un peu différent, il faut relever combien Tezuka « profite » de son sujet pour développer des thèmes qui, sans être annexes, certainement pas, ne coulaient peut-être pas de source à ce point : ici, tout spécialement, il insiste sur l'horreur que lui inspire le système des castes, c'est vraiment un thème central de ce premier tome – et, à ses côtés, l'idée que la séparation entre les hommes et les animaux n'a pas non plus lieu d'être. Sauf erreur, le bouddhisme a pu s'opposer historiquement aux castes, et ce rapport aux animaux y a souvent été associé dès les origines (débouchant éventuellement sur le végétarisme) ; mais peut-être n'était-ce pas de manière aussi franche ? Je ne suis pas sûr de moi – mes connaissances en la matière sont limitées, euphémisme, même si, avant de lire cette BD, j'ai jugé bon d'éclairer un chouia ma lanterne en lisant le Bouddhisme d'Henri Arvon… Ce qui s'est avéré assez utile, cela dit, au plan notamment de la contextualisation, historique mais aussi spirituelle.



Mais Bouddha, dans cette BD rapportant sa vie, n'est pas toujours au coeur du propos. À vrai dire, sa naissance n'a lieu que vers la fin du premier tome compilé dans cette intégrale, soit un peu avant la moitié de ce premier volume. Et il s'en est passé, des choses, avant cela ! Des choses qui peuvent paraître tout d'abord bien éloignées de la vie de Bouddha, même si tout y est lié d'une manière ou d'une autre…



Après un bref préambule remontant aux origines de la civilisation aryenne et de sa spiritualité, avec le système des castes donc et la primauté accordée aux brahmanes, nous passons aux environs du Ve siècle av. J.-C., dans le nord de l'Inde, quand un brahmane particulièrement respecté du nom d'Asita (un personnage historique, même si Tezuka ne reprend pas dans le détail la légende bouddhique le concernant), quand Asita, donc, après avoir rapporté un vieux mythe énigmatique qui introduit d'emblée le thème de la non-discrimination entre les hommes et les animaux, émet une prophétie : viendra bientôt un homme sortant de l'ordinaire, et qui sera « le roi du monde ». Il dépêche un de ses disciples, le jeune Naradatta (qui semble là encore avoir un modèle historique), pour trouver cet homme. le brahmane part sans plus attendre et, très sûr de lui, suppose que l'homme qu'il cherche appartient à sa propre caste – comment pourrait-il en aller autrement ? Toutefois, il doit bientôt se confronter à la charlatanerie de certains des siens, et la piste du « roi du monde » l'amène à s'intéresser tout particulièrement à un enfant… qui n'est pas le prince Siddartha, alors même pas né.



Pire, cet enfant, du nom de Tatta… est un intouchable ! Un paria – hors-castes, plus bas encore que les esclaves… Et nous faisons bientôt sa rencontre : il s'avère qu'il s'agit d'un petit voleur, à la tête de sa bande de gosses aussi intouchables que lui… Ses traits évoquent un Astro, le petit robot, avec quelque chose de rusé et malicieux en sus – et il se balade tout le temps à poil, il n'est certes pas le seul dans cette BD. Mais il s'agit bien d'un être hors du commun : il bénéficie d'un don unique, la capacité à faire passer son esprit dans celui des animaux – pour sonder leurs pensées ou prendre temporairement le contrôle de leurs corps ; mais avec le plus grand respect ! Au fond, c'est Tatta, en sage incongru, qui tentera tout d'abord d'enseigner au sympathique mais obtus Naradatta le principe de non-discrimination du vivant – même si le brahmane, tout bien disposé qu'il soit, devra connaître bien des épreuves avant d'intégrer pleinement ce précepte, que son maître le sage Asita avait pourtant tenté de lui inculquer dès les premières pages de la BD…



Mais Naradatta est un personnage relativement secondaire, bien vite, et ce premier volume, en tout cas sa première moitié, se focalise surtout sur deux autres figures, deux enfants (et des créations de Tezuka, cette fois), Tatta donc, mais aussi Chaprah – qui appartient quant à lui à la caste des esclaves (la plus basse à l'intérieur du système, les parias étant à proprement parler en dehors). La première rencontre entre les deux se déroule très mal, avec Tatta et les siens qui volent à Chaprah des tissus qu'il convoyait pour son maître – lequel le menace en représailles de vendre sa mère ! Pourtant, les deux enfants deviendront bientôt des amis : ils sont aussi courageux l'un que l'autre, mais Tatta a également pour lui sa ruse, son don peu ou prou magique, et, dérivant des deux, une certaine sagesse hors-normes qui le singularise plus encore ; Chaprah, lui, fait preuve d'une détermination presque inhumaine, et a de l'ambition – car il serait prêt à tout pour échapper à sa condition d'esclave ; or une opportunité lui est bientôt offerte, qui lui permet de devenir le fils adoptif du général Boudhaï, le chef des armées du Kosala, puissant royaume voisin de celui de Kapilavastu (tilt !) où vivent nos héros… Boudhaï, à la dégaine hirsute impayable, est un excellent personnage – capable des pires atrocités comme de comportements autrement louables, c'est le type même de ces figures que l'on n'ose trop ranger dans les cases du « bien » et du « mal ». Mais il a certes sa contrepartie dans les rangs des guerriers : l'odieux Bandaka, archer hors-pair et arriviste plein de morgue – le personnage véritablement maléfique de cette histoire, dont les yeux vides traduisent le caractère menaçant et détestable.



Mais ce dernier ne prend véritablement de l'importance que plus tard. Or nous y sommes : Kapilavastu est le lieu de l'enfance du Bouddha historique. Les aventures frénétiques de Tatta et Chaprah, riches en rebondissements (et en épisodes typiques du nekketsu, ce registre mythique plus ou moins « créé » par Tezuka – scènes d'entraînement et même de tournoi incluses), des aventures qu'il serait vain de vouloir résumer, sont dès lors entrecoupées de séquences au palais de Kapilavastu, où le couple royal attend la naissance d'un enfant, et tous les signes indiquent qu'il s'agira d'un être exceptionnel : sa mère fait toujours ce rêve impliquant un éléphant qui entre dans son flanc droit, les animaux se montrent si dociles à l'égard du roi qu'il en vient à être dégoûté de la chasse, une nuée de criquets anéantit l'armée du Kosala en même temps qu'elle sauve nos héros en bien fâcheuse posture… Oui, l'enfant à naître est bien le prince Siddartha, qui vient donc au monde (sous cette incarnation ?) un peu avant la moitié de ce premier volume.



Le récit procède ensuite par ellipses, et en alternant toujours, quoique avec moins d'ampleur et bien des zones d'ombre, avec les aventures de Chaprah et Tatta qui vieillissent à mesure ; nous avons ainsi des aperçus de l'enfance de Siddartha… lequel ne répond pas tout à fait aux attentes de son roi de père – un personnage plutôt sympathique par ailleurs, mais qui entend élever un prince à même de lui succéder à la tête de Kapilavastu. Caste oblige, ce prince se doit d'être un guerrier ; par ailleurs, devenu adolescent, Siddartha doit se marier, et assurer d'ores et déjà sa succession en concevant un héritier : c'est sa place dans le monde. Mais, c'est peu dire, Siddartha déçoit les attentes de son père : enfant indolent, qui dort beaucoup et s'ennuie quand il ne dort pas, il n'a aucun goût pour le métier des armes, pour la politique ou pour la bagatelle. Ses centres d'intérêt sont ailleurs, et les signes entourant sa naissance trouvent leurs prolongements dans d'autres, plus ou moins explicites, ainsi que dans l'intérêt que lui manifestent divers brahmanes, qu'ils lui soient favorables ou hostiles. À plusieurs reprises, le futur Bouddha est ainsi amené à quitter le palais de Kapilavastu pour découvrir le monde – et, si ce tableau commence d'ores et déjà à l'édifier, il lui répugne plus qu'à son tour : le prince Siddartha, sans le savoir, prend le relais des interrogations de Chaprah sur le sort qui est le sien, et celui des esclaves, mais en fait au-delà celui de tous les hommes, sans discrimination (de castes ou autre) ; il entrevoit la vérité première, qui est que la vie n'est que souffrance. Il lui faudra encore approfondir son expérience pour dériver de cette vérité les trois autres qui forment le substrat du bouddhisme – dans la continuité des préceptes des brahmanes parfois (le principe de causalité est envisagé d'emblée comme essentiel, et associé à la transmigration des âmes), en s'y opposant le plus souvent.



Quand ce premier volume s'achève, Siddartha a enfin pris sa décision : il ne succédera pas à son père, il ne sera pas un guerrier, il ne cherchera pas l'amour (ou plus exactement il le rejettera, car, d'une certaine manière, il l'avait trouvé sans qu'il le désire) ; il partira sur les routes en quête de sagesse, pour comprendre ce monde si hostile qui l'entoure – et, d'une certaine manière, trouver comment y vivre.



On imagine mal le prince Siddartha, moine errant, et futur « roi du monde », vivre des aventures aussi rocambolesques que celles de Tatta et Chaprah – il y a donc un contraste entre les deux moitiés de ce premier volume, qui suscite des interrogations quant à la suite, laissant supposer un ton tout différent. Ceci étant, jouant de la carte mythologique, Tezuka peut dans ces deux approches faire usage du merveilleux – de ce que l'on qualifierait, dans un registre non spirituel, de fantasy, au fond, sur les bases du monomythe redéfini en nekketsu. J'avoue être assez curieux de voir comment les choses évolueront…



Car ce premier tome m'a amplement convaincu, oui. Il m'a tout d'abord surpris, comme décidément nombre de BD japonaises – mais il m'a assurément emballé. L'art du récit de Tezuka, mais aussi son dessin, même rond et enfantin, remarquablement dynamique par ailleurs (et bénéficiant à cet égard d'un découpage complexe, souvent « éclaté »), emportent l'adhésion.



La Vie de Bouddha, comme il se devait, n'implique pas, de la part du lecteur, une adhésion spirituelle particulière – si ce n'est celle à des valeurs somme toute universelles, ou ce qui s'en rapproche le plus dans un monde par essence complexe et contrasté :  celles de l'humanisme. C'est au fond de cela que traite Tezuka, au prétexte du bouddhisme. Ce qui en fait une lecture universelle, autant qu'il est possible du moins.



Admirable, et à suivre.
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Ce manga m'a entraînée facilement dans son histoire. Les personnages sont touchants, l'histoire est intéressante. Je pensais que ce serait une biographie de Bouddha documentaire avec un côté didactique, finalement il s'agit plutôt d'une histoire pleine de fantastique et je n'ai pas été déçue, cela se lit vite et se dévore comme on pourrait regarder un dessin animé sans le quitter des yeux.
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Deuxième livre de Tezuka que je lis tant «  l'histoire des 3 Adolf » m'a plu. Premier tome de 800 pages qui se dévorent comme de rien...le rythme est soutenu, le dessin est de pur style manga, les dialogues simples et modernisés permettent d'appréhender des concepts philosophiques en toute simplicité. le souci du détail n'encombre pas mais porte le propos. Malgré un nombre assez importants de personnages, on ne se perd pas... j'ai d'hors et déjà commandé le deuxième tome de cette belle collection très agréable à lire...
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