Depuis au moins six mois, je ne peux plus me promener dans ma ville sans observer une de ces boîtes noires percées d'ouvertures, remplies d'appâts empoisonnés, attachées à des poteaux ou à des bancs au moyen de câbles métalliques solides. J'ai vu des rats (surmulots) agoniser sur les trottoirs ou dans les parcs, senti l'odeur insupportable des cadavres en décomposition, redouté que le poison ne tue directement ou indirectement l'épervier du quartier, la buse de passage, la petite mésange ou le rouge gorge familier.
Certes, il n'en faut pas beaucoup à l'être humain pour exercer les pires cruautés sur les animaux. En général, la société ne fait pas grief aux tortionnaires, du moins pas de manière à empêcher la perpétuation de la violence. Dans le cas des rats, on trouve sans doute encore moins de défenseurs des bêtes massacrées que s'il s'agit d'autres espèces de mammifères ou d'oiseaux. Comment se l'expliquer?
Le livre d'Olivier Thomas permet de mieux comprendre les rats des villes, l'histoire de leur relation avec les sociétés humaines, les craintes que génère leur présence et les coulisses des guerres conduites pour les éliminer, généralement sans succès. Les relations internationales, le commerce, les échanges lointains ont abouti à l'extension de la zone de présence du surmulot, comme ils ont donné un élan extraordinaire aux épidémies. Notre manière de vivre, nos agglutinations, notre frénésie de consommation,notre production incontrôlée de déchets contribuent à rendre notre voisinage propice à l'essor des populations de rats. Ils pourraient être presque invisibles dans le entrailles des villes, mais d'incessants travaux les dérangent et les poussent vers la surface. Comment cohabiter pacifiquement? Comment sortir des empoisonnements et des piégeages sordides? Il faut lire le livre pour trouver des pistes et discerner, enfin, la possibilité d'une coexistence réfléchie.
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Alors que politiques et médias déplorent depuis quelques années une capitale « envahie » par les rats, Olivier Thomas analyse leur place dans la construction d’un certain ordre urbain au XIXe siècle.
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Rencontre avec Stéphane Perger et Olivier Thomas