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Critique de jeranjou


Si l'assassin qui est en moi… était un chocolat ? Et quid du film?

Je me permets d'amender cette critique chocolatée suite au visionnage hier soir du film directement inspiré du roman et de la prise en compte de quelques remarques pertinentes de lecteurs avisés.

Offert pour les fêtes de fin d'année, surpris, je déballe ce roman de Jim Thompson inconnu pour ma part. Après la déception certes relative de « 1275 âmes », je souhaitais lire un autre classique du polar noir de ce même auteur «Le démon dans ma peau». Quelque temps après, je découvre en fait que «L'assassin qui est en moi» n'est autre qu'une réédition de ce dernier sous la forme d'une première traduction intégrale du roman, avec environ une dizaine de pages en plus. Il s'agit également pour l'éditeur de surfer sur l'adaptation du roman au cinéma « The killer inside me », avec Casey Affleck et Jessica Alba, sorti en 2010, dont je vais vous donner mon avis en fin de critique.
S'agissant du roman, Jim Thompson confie la narration à Lou Ford, shérif adjoint à Central City dans le Texas. Il nous fait pénétrer ainsi dans l'esprit de son personnage principal et se permet même de narguer le lecteur à plusieurs reprises durant le récit afin de captiver complètement son attention. On apprend alors que Lou Ford partage sa vie entre sa future femme, Amy Stanton et une jolie prostituée nommée Joyce Lakeland qu'il devrait théoriquement chasser de la ville compte tenu de ses activités. En outre, les circonstances du décès de son frère Mike et les relations difficiles avec son père médecin, sont autant de traumatismes qui pèsent terriblement sur Lou depuis son enfance. de longues années plus tard après ce drame, Lou Ford peut-il toujours maitriser cette haine qu'il a réussi à contenir envers Chester Conway, un magnat local de la construction, qu'il suspecte d'être responsable de la mort de son frère ?

Pour ma part, après avoir terminé ce roman, j'envisageai de me lancer dans une explication un peu alambiquée sur la difficulté d'appréhender un tel livre à la fois noir, glaçant et maîtrisé de bout en bout. Et puis non…

Pour illustrer ma pensée, pourquoi ne pas établir un parallèle, certes subjectif et personnel, entre le polar et le chocolat? Important, je précise que les exemples que je donne se réfèrent à un chocolat de bonne qualité !
Je commence par le chocolat le plus tentant pour les jeunes et les moins jeunes d'ailleurs : le chocolat blanc, sucré, sans la saveur du cacao et conseillé à dose réduite pour la santé. Dans mon esprit, je l'assimile à un roman comme « Les dix petits nègres » ... d'Agatha Christie, facile à lire et au plaisir instantané. Reste que sont d'excellents tremplins que j'ai moi-même adorés plus jeunes.
Vient ensuite le chocolat au lait, familier et apprécié par tout le monde comme le sont les polars de Connelly ou Mankell. Evidemment, dans certains cas, rien n'empêche ce genre d'auteurs à réduire la part de lait au minimum comme, par exemple, mon coup de coeur « le poète ». Différent, le chocolat noir, dont les adeptes sont moins nombreux, s'apparente à ces romans plus torturés et forts, comme « Ténèbres, prenez-moi la main » ou «encore « Gone, baby gone » du talentueux Lehane.
Enfin, à l'extrémité, le chocolat très noir, au-delà de 65 % de cacao, amer et long en bouche, à déguster à petite dose, correspond évidemment à notre fameux polar « L'assassin qui est en moi » ou encore à « La griffe du chien ». Pour savourer ce roman de Thompson, il est donc préférable d'avoir gouté et apprécié d'autres polars, du plus facile à lire au plus troublant et complexe, sans bruler les étapes. Sauter d'un Agatha Christie à un Jim Thompson relève de l'ascension de l'Everest, en espadrille et sans entrainement. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenu !

En résumé, ce roman est un bijou de maîtrise à tous les niveaux : l'écriture employée par l'auteur place le lecteur en prise directe avec l'assassin ; l'intrigue est dévoilée étape par étape jusqu'à l'apothéose finale ; enfin, la précision des dialogues entre les personnages permet de comprendre la démarche implacable du tueur. Pour finir, je retiens la scène avec l'avocat dans la deuxième partie du roman, écrite tout en humour, subtilité et justesse.

Hier, j'ai donc regardé attentivement le film « The killer inside me » de Michael Winterbottom, remarquablement interprété par Casey Affleck. Contrairement au roman très psychologique et intérieur, le réalisateur du film a choisi la violence physique ouvertement démonstrative à partir de séquences choc des meurtres des deux femmes notamment. En outre, le film cherche trop à mon gout à démontrer la culpabilité de Lou Ford et les invraisemblances commises lors des assassinats alors que ce n'est qu'un axe parmi d'autres du récit. Par ailleurs, le choix des musiques est assez déroutant, particulièrement sur la dernière scène du film.
Au final, un film beaucoup trop visuel et par moment insoutenable qui veut respecter le livre, en picorant des dialogues ou citations percutants, sans en approcher la puissance psychologique et dramatique. Dans le même genre très réussi cette fois, le film « Drive », brillamment interprété et scénarisé, est un petit bijou à découvrir.

Pour revenir et conclure sur le texte original, un très grand roman glaçant et passionnant à la fois, de moins de trois cent pages, à lire et à relire, me donnant envie de découvrir le roman « Rage noire» du même auteur.

Je vous souhaite une excellente dégustation… même si, c'est certain, tous ne goûteront pas le même plaisir qu'a été le mien.

PS : Amis lecteurs, je suis toujours preneur de vos meilleurs chocolats, noirs de préférence ! Concernant Agatha Christie, pour éviter les malentendus, juger ses romans « légers » ne signifie en aucun cas qu'ils ne sont mauvais, bien au contraire. Très important pour les nombreux fans que je salue.
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