Quelque chose de profondément frais dans "Ric Hochet" et non pas "vintage", dââté, voire ringard et défraîchi [Cf. quelques critiques accablantes lues ici et là]...
Le tome 1 des "Enquêtes de Ric Hochet" ("Signé Caméléon" suivi de "Traquenard au Havre") est reparu ces jours-ci en album cartonné dans une série "Grand Public" accessible chez votre marchand de journaux au prix très attractif de 2,99€.
Tenez, écoutez-moi ça :
« LE PATRON A DEFENDU DE LE TUER, SERS-TOI DE TES POINGS ! » (De "Carreau" à "Boxeur", alors que ce dernier tente d'assommer Ric Hochet dans l'obscurité du "Traquenard au Havre", planche 9).
Souvenir de mon propre fiston plié de rire quand le petit
Marc Chevallier (âgé de 3 ans, fils unique d'armateur richissime), avait arraché le masque vénitien au méchant qui l'avait rapté et caché dans l'ancien chalutier "Marie-Jeanne"... Effet comique garanti d'un dialogue joyeusement improbable (planche 14) :
— le gosse : « ... JOUER ! MARC VEUT JOUER... »
(et le gosse arrache le masque rouge au méchant venu juste planquer la rançon de 200.000 dollars dans le tiroir sous le lit)
— le méchant démasqué, en gabardine (et chapeau mou) : « HÉ ! QU'EST-CE QUE... ? »
— le gosse : « HI HI HI ! »
— le méchant : « ZUT ! SALE GOSSE ! ... DONNE ÇA ! » (et il lui reprend sauvagement son masque... )
— le gosse (évidemment pleurnichant) : « MASQUE ! ... MARC VEUT MASQUE !! »
Si c' n'est point d' l'
André BRETON, c'est presque du
MOLIERE, non ?
Tiens, au fait, pourquoi "Ric Hochet" ? Laissons la parole à "Tibet" (pseudo venu du souvenir de son frangin qui ayant du mal à dire "Gilbert" prononçait "Ti-bet" en parler yaourt) à ce sujet :
« [Le nom de Ric Hochet], c'est de ma faute. Je suis entièrement responsable ! Cela vient de mon amour pour le calembour. Durant un certain temps, j'ai fait la remarque à Duchâteau que je regrettais ce nom, le trouvant un peu "nunuche", et puis, en définitive, nous nous sommes dit qu'un personnage comme Tintin n'avait pas un patronyme plus intelligent [...] Rouletabille n'est pas mal non plus [...] »
Bref, c'est beau et intelligent de lire "Ric Hochet" : commençons donc tranquillement par ces deux récits de trente planches chacun : "Signé Caméléon" et ce "Traquenard au Havre", successivement parus une première fois en 1961 dans le journal "Tintin" puis réunis dans un beau premier album cartonné en 1963 aux fameuses éditions
Le Lombard).
Ah, la ville,
Le Havre, c'est beau le jour... et la nuit, dans son ambiance "simenonienne" sous la plume de Tibet ! Evidemment, l'épaisseur du trait de plume des premiers plans est étrange (l'artiste l'atténuera heureusement dans les aventures suivantes). Et notre admiration du sens du cadre et de la maîtrise des perspectives dont fait preuve TIBET est tempérée par que nous rappelle l'article "Ric Hochet" de Wikipedia (truffé d'interviews de ces "bonnes sources" que sont le scénariste
André-Paul Duchâteau et le dessinateur Tibet) : " Tibet n'a jamais dessiné le moindre décor ; c'est un aspect de son métier qui ne l'intéressait pas du tout. C'est pourquoi il utilise, dès le début de la série, les services d'assistants décoristes (dessinateurs spécialisés dans les décors). le premier d'entre eux a été
Mittéï, pour les tomes 1 à 3."
Certes, dans "Signé Caméléon", Ric n'a pas encore sa célèbre veste sport blanche à traits noirs (qui, alliée à sa Porsche jaune, fera sa célébrité dès "Traquenard au Havre") mais ça n'est pas si grave...
Pour la petite histoire, le personnage de Ric Hochet avait fait sa toute première apparition dès 1955 (sorte de "personnage-pilote" qu'on teste, peut-être sans lendemains... ) dans de courtes histoires du journal "Tintin", sous-titré "Le journal des jeunes de 7 à 77 ans" : d'abord sous les traits d'un gamin de 13 ans puis d'un ado de 17 : "en culottes cortes, vendeur de journaux et enquêteur de hasard" [...] "rapidement promu journaliste".
Un peu l'histoire du "gamin"
Georges SIMENON (1903-1989), démarrant à la rubrique des Chiens écrasés & autres faits divers à "La Gazette de Liège"... non ?
Le jeune Ric fera d'ailleurs la couverture de l'édition belge du journal "Tintin" en février 1956, sa deuxième histoire courte de quatre planches, intitulée "Le mauvais Oeil" ("Textes et dessins de TIBET") en ado en blouson vert bras en croix, saisi au moment où éclate la roue-avant de sa "Vespa" rouge rutilante... Bref, ça n'était pas tout à fait
James Dean mais en ces années de Grâce 1955 et 56, rien à y redire : "Une étoile [nous] est née"...