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Citations sur Éloge du quotidien : Essai sur la peinture hollandaise (5)

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Une petite fille regarde à travers la porte ouverte par laquelle la lumière entre à flots, de l’extérieur. Elle ne contemple pas sa mère avec admiration, elle n’essaie pas de l’imiter. Elle ne regarde rien, elle a les yeux tournés vers le vide du dehors, frappée par un charme qui l’a enlevée au monde réel. Elle pressent confusément une vie entière, un univers infini. Elle regarde la lumière.

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Les êtes représentés dans les tableaux hollandais du 17ème semblent, en règle générale, aimer ce qu'ils font. Mais, surtout, les peintres semblent aimer ce qu'ils font. Mais, surtout, les peintres semblent aimer les êtres qu'ils peignent et le monde matériel qui les entoure. D'où cette attention soutenue pour tout dans le tableau, et non seulement pour son sujet principal, cette capacité d'élever les détails à la dignité des héros, comme si la nouvelle attention pour le quotidien, c'est-à-dire pour l'ensemble de la vie, transformait aussi la manière de peindre.
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Tout n'est pas beau en soi (réalité n'équivaut pas à perfection), mais tout ne dépend pas non plus du libre choix de l'artiste ; celui-ci peut simplement nous montrer - et, dans certains cas, nous convaincre - que la beauté gît dans le geste le plus humble. Quand Steen et Vermeer, Ter Borch et de Hooch, Rembrandt et Hals nous font découvrir la beauté des choses, dans les choses, ils ne se comportent pas en alchimistes capables de transformer en or n'importe quelle boue. Ils ont compris que cette femme qui traverse une cour, cette mère qui pèle une pomme, pouvaient être aussi belles que les déesses de l'Olympe, et ils nous incitent à partager cette conviction. Ils nous apprennent à mieux voir le monde, non à nous bercer de douces illusions ; ils n'inventent pas la beauté, ils la découvrent - et nous permettent de la découvrir à notre tour. Menacés aujourd'hui par de nouvelles formes de dégradation de la vie quotidienne, nous sommes, en regardant ces tableaux, tentés d'y retrouver le sens et la beauté de nos gestes les plus élémentaires.
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Il y a dans l'histoire des créations humaines, art, littérature ou pensée, des moments que l'on a envie de dire bénis, pendant lesquels l'humanité s'enrichit d'une vision nouvelle d'elle-même et qui, par la suite, constituent son identité. Les moments de cette espèce se reconnaissent extérieurement à ce que même les peintres de talent moyen y produisent des chefs-d'oeuvre. La Renaissance italienne, l'impressionnisme français en sont deux exemple ; la peinture hollandaise du XVIIé siècle en est un autre. Il y a à cette époque une adéquation parfaite entre le contexte historique et géogrpahique et ce qui s'y produit, entre sens et forme, dont les peintres profitent sans le savoir (et qui se perdra de façon tout aussi mystérieuse). Il ne s'agit pas de pures formules techniques, de recettes qu'il suffirait d'apprendre ; quelque chose de plus essentiel se joue à ces moments, qui a trait à l'interprétation même du monde et de la vie. C'est une affaire non de virtuosité artistique mais de sagesse humaine, même si celle-ci ne s'exprime qu'à travers les formes de l'art. C'est pourquoi il ne suffit pas d'admirer la beauté des tableaux, il faut tenter de déchiffrer le message qu'ils nous adressent, ou au moins de frôler leur secret : ces moments bénis importent toujours à l'humanité.
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La vie quotidienne - qui ne le sait ? - n'est pas forcément joyeuse. Très souvent même, elle est étouffante : une répétition de gestes devenus mécaniques, un enlisement dans les soucis imposés sans la possibilité de relever la tête, un épuisement des forces dans le simple but d'entretenir l'existence, la sienne comme celle de ses proches. C'est pour cette raison qu'on est si tenté par le rêve, l'évasion, l'extase héroïque ou mystique : solutions qui se révèlent pourtant toutes factices. Il faudrait non pas abandonner la vie quotidienne (au mépris, aux autres), mais la transformer de l'intérieur pour qu'elle renaisse illuminée de sens et de beauté. Mais comment ? Notre société a su agir sur l'une des causes de la détresse qu'on peut éprouver dans les quotidien, la fatigue physique, en remplçant la force humaine par l'action des machines : l'homme exténué d'efforts est mal placé pour jouir de la qualité de chaque instant. Mais elle n'a pas su, ou voulu, infléchir notre système de valeurs pour que nous puissions apprécier la beauté de chaque geste, qu'il soit dirigé vers les objetsou vers les êtres qui nous entourent : nous chérissons par-dessus tout l'efficacité, allant jusqu'à transformer en moyen, sinon en instrument, nos proches et nous-mêmes. Tout se passe comme si nous nous pressions pour régler au plus vite les affaires, et que, pendant ce temps, nous avions suspendu notre vie ; mais ce provisoire-là dure, et finit par se substituer à l'objectif toujours repoussé. Peut-être pourrions-nous un jour apprendre à ralentir nons pas nos gestes (...) mais l'impression qu'ils laissent dans ntore conscience, pour nous donner le temps de les habiter et de les savourer. C'est alors que la vie quotidienne cesserait de s'opposer aux oeuvres d'art, aux oeuvres de l'esprit, pour devenir, tout entière, aussi belle et riche de sens qu'une oeuvre.
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