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Qu'est-ce qu'une période bénie en peinture ? Celle qui va transformer notre regard? Todorov a la réponse parfaite : celle où même les peintres de second rang produisent des chefs-d'oeuvre. C'est ce que j'aime chez lui: cet art de la formule qui va droit au but, cette concision qui nous épargne les circonlocutions d'une pensée en train de se former et qui semble couler de source, comme la conversation bienveillante d'un ami qui en sait beaucoup plus que nous mais qui ne nous estime pas moins pour autant.
Hors notes, 150 pages, donc, y compris des reproductions en noir et blanc qu'on s'avisera plutôt de retrouver en couleur sur le web, 150 pages et 9 chapitres qui nous racontent comment la peinture hollandaise du XVII° siècle a bouleversé nos représentations.
L'éloge du quotidien qu'elle a prôné s'explique par le protestantisme de ce petit pays commerçant qui délaisse les valeurs aristocratiques pour celles, plus humbles, de la famille. Contrairement aux catholiques qui valorisent la clôture sacrée du monastère, eux pensent que Dieu est partout, surtout dans les intérieurs bien tenus que la lumière et le dallage rendent semblables à des églises.
Le livre progresse par la remise en cause de chaque conclusion. Après nous avoir prouvé que la peinture hollandaise s'expliquait par le protestantisme Todorov nous démontre qu'il ne s'agit pourtant pas de promouvoir les humbles par la représentation factuelle de leur existence. En fait de réalisme, elle ne propose qu'un petit nombre de sujets dont l'aspect allégorique saute rapidement aux yeux, comme cette cuisinière qui s'attaque aux oignons avec mortier et pilon sous l'oeil coquin d'un assistant. Voilà donc un tableau qui nous rappelle à nos obligations, et veut nous éloigner de jouissances terrestres trop vaines pour nous satisfaire vraiment.
Sauf que, ajoute immédiatement l'auteur, la plupart des tableaux ne sauraient se réduire à un didactisme rigide. Parce que leur sens est souvent mystérieux et surtout parce leur vertu esthétique l'emporte sur le vice moral qu'ils sont censés condamner.
En réalité, le secret des peintres hollandais est de se tenir sur le fil ténu qui éloigne les Anciens, désireux de peindre ce qui est beau, des Modernes, prompts à inventer la beauté: eux ne l'inventent pas, ils la révèlent. Et dans cette société férue d'efficacité qui est désormais la nôtre, ils veillent à ce que nous n'oubliions pas le temps suspendu où nous habitons pleinement le monde, où notre vie banale nous comble et nous suffit.
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Heureuse idée ! Mon interview Babelio récente sur les « livres d'art » m'a incité à fouiller à nouveau dans ma bibliothèque. J'ai ressorti deux livres d'art exceptionnels de Tzvetan Todorov. Je parlerai du second « Éloge de l'individu » une prochaine fois.
La couverture reliée insérée dans un coffret est tellement belle que l'on ne peut résister à l'envie immédiate d'ouvrir « Éloge du quotidien – Essais sur la peinture hollandaise du 17e siècle ».

Un rappel historique s'impose : En ce début de 17e siècle, le dernier grand peintre religieux italien le Caravage, dont les clairs-obscurs ont eu un impact considérable sur la peinture italienne finissante, vient de mourir en 1610. Les grandes périodes picturales italiennes et flamandes des 15e et 16e sont terminées.
Le siècle d'or hollandais va prendre la place…

Au 17e, la République des Provinces-Unies protestante est à son apogée et domine l'Europe, aussi bien dans les domaines économiques et sociaux, que littéraire, scientifique et artistique. le commerce est florissant. La marine néerlandaise sillonne les routes maritimes mondiales avec ses navires de la Compagnie des Indes.
Les maîtres italiens continuent d'influencer la peinture dans les grands centres artistiques d'Haarlem, Utrecht, Amsterdam ou Delft. L'Église catholique n'est plus commanditaire. le choix des thèmes religieux s'altère et un grand marché de l'art libre s'installe. Pour la première fois, ce n'est plus l'histoire sainte, la mythologie grecque ou l'histoire qui deviennent le thème central du tableau, mais la vie quotidienne des gens. Quoi de mieux pour ce peuple néerlandais, sédentaire, que la demeure familiale comme modèle idéal ? Les acheteurs, bourgeois aisés, apprécient la peinture des artistes qui se spécialisent : il en résulte une demande accrue de portraits, paysages, natures mortes et peintures de genre qui, de dimensions réduites, s'accrochent plus facilement dans les salons. L'art est présent partout et l'on peut même, parfois, trouver des tableaux dans les plus humbles demeures.

La peinture intimiste néerlandaise, saynète de la vie quotidienne appelée aussi peinture « de genre », est certainement le courant le plus intéressant et le plus original du 17e siècle hollandais : des scènes d'intérieur nous font pénétrer dans les maisons bourgeoises, participer aux travaux ménagers, à la vie de famille : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d'amour, jouant du virginal ou brodant. Parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d'un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s'amusent.
La peinture est sans prétention, simple : la banalité quotidienne…

Quelques-uns des plus grands peintres de l'histoire mondiale de la peinture s'épanouissent dans cet âge d'or : Rembrandt, Vermeer et Hals rayonnent, accompagnés par un bouquet de peintres exceptionnels ayant des influences stylistiques et thématiques proches.

Personnalité artistique puissante, Frans Hals, plus âgé, exerce une influence sur ses cadets. « Quel plaisir de voir un Frans Hals ! », écrivait Vincent van Gogh. Dans une lettre à son ami Émile Bernard, il consacre un long passage au peintre de Haarlem : « Jamais il n'a peint de Christ, d'Annonciations aux bergers, d'anges ou de crucifixions et résurrections, jamais il n'a peint de femmes nues voluptueuses et bestiales. Il a fait des portraits, rien que cela. Cela vaut bien le Paradis du Dante et les Michel-Ange et les Raphaël, et les Grecs même. »

Rembrandt reste le génie, le plus admiré : « On ne peut voir un Rembrandt sans croire en Dieu », continue Van Gogh.

Quelques peintres représentent le plus souvent des scènes d'intérieur avec peu de personnages : Gérard Dou « La cuisinière hollandaise », Gérard Ter Borch « Jeune femme à sa toilette », Frans van Mieris « Femme à son miroir », et Gabriel Metsu « L'enfant malade ».
Une femme, Judith Leyster, est la plus représentative dans cette peinture hollandaise.

Je ne me lasse pas de ce peintre ! : Jan Steen. La brasserie qu'il géra pendant plusieurs années à Delft a dû lui inspirer ces scènes de beuveries, d'orgies, de paillardises qui sont du plus grand comique dans ce siècle puritain…

Pieter de Hooch est le peintre novateur de cette nouvelle peinture de genre hollandaise représentant la vie populaire dans des scènes familiales d'intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent. Sa sensibilité et son style sont proches de Vermeer avec lequel il est voisin à Delft.

À Delft, le siècle d'or dérive lentement au fil de l'eau des canaux. Johannes Vermeer va amener la peinture hollandaise à son plus haut niveau. Harmonie, calme, sérénité… le peu de toiles conservées du sphinx de Delft sont connues dans le monde entier : « La Femme à la balance » en Vierge attire dès le premier regard ; une lumière dorée enveloppe la « Vue de Delft » ; « La Laitière » verse le liquide blanc dans une cruche, pendant qu'une jeune femme hésite à ouvrir une « Lettre d'amour » ; « La jeune fille à la perle », éblouissante, nous fait face, souriante.

Les peintres hollandais du 17e ont connu un état de grâce qui tient à l'interprétation du monde. L'artiste hollandais trouve le sens de la vie dans la vie elle-même, et non nécessairement dans un répertoire constitué de formes. Il peut montrer la beauté dans un simple geste que personne n'avait sublimé jusque-là : une jeune femme ajuste son collier de perles ou soulève les plateaux d'une balance ; compas à la main, un scientifique observe par la fenêtre.

Cet ouvrage, avec ses nombreuses représentations de tableaux, est magnifique.

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Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Magie de la peinture hollandaise
de la bibliographie pléthorique de Tzvetan Todorov, je ne connais que ce court essai sur la peinture hollandaise. Un livre en points seuil, d'une édition banales, avec des illustrations en noir et blanc médiocres...Autant dire que vous ne vous sentirez pas au Rijksmuseum....Et pourtant voilà un livre brillant, un concentré d'intelligence pure, qui permet de comprendre l'éclosion d'une peinture si originale, dans cette société protestante si différente alors des sociétés catholiques du moins dans le domaine de ce que l'on pouvait ou non représenter sur le plan artistique...Après, il faut bien reconnaitre que cela aurait pu mériter une édition un peu plus luxueuse (moins cela n'aurait pas été facile...).
Quand je pense que je possède dans ma bibliothèque une édition luxueuse du Da Vinci Code (l'erreur est humaine -on ne se moque pas), on doit pouvoir faire le même type de choses avec un livre qui parle de Vermeer...
(les choses sont toutefois bien faites car ledit livre s'avère bien pratique pour compresser des feuilles de papier qui gondolent !).
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Petit essai sur la peinture hollandaise et sa représentation du quotidien, de l'intérieur et des femmes, Eloge du quotidien se lit facilement, même pour un néophyte en matière de peinture.
Todorov réussit fort bien à rendre sensible son lecteur à certains détails que l'on peut retrouver sur les illustrations qui accompagnent le texte, et double son essai de précisions techniques et historiques toujours très intéressantes.
A embarquer lors de tout voyage aux Pays-Bas, si vous avez l'intention de passer dans un musée !
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Le petit format de poche de cet ouvrage me permit pendant de longs mois de l'avoir auprès de moi, à portée de lecture quotidienne. Quelle érudition et quelle science des images justes pour nous faire apprécier la peinture du Siècle d'or hollandais ! Todorov enchante ses lecteurs en l'entraînant dans le XVIIe siècle des Provinces Unies.
Le panorama qu'il brosse de l'art pictural de tous ces peintres extraordinaires, est digne des plus grands critiques d'art !!
Ce livre est merveilleux ! (sa version grand format est tout encore plus somptueuse car les reproductions sont en couleurs !)
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Un petit essai sur la peinture de genre hollandaise du XVIIe siècle. On y croise principalement, Ter Borch, Metsu et de Hooch, les peintres du paysage, de la nature morte, sont à peu près passés sous silence. le livre apporte toutefois quelques notions intéressantes pour aborder les oeuvres des artistes mentionnés, je le conseille pour une première approche de la peinture du siècle d'or hollandais.
Le découpage des chapitres n'est cependant pas toujours très pertinent, et j'invite par ailleurs le lecteur à faire preuve d'esprit critique, notamment envers "le Duo" de Metsu. Je regrette un peu la reproduction monochrome des oeuvres de l'ouvrage, la couverture est un peu clai
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Une agréable réflexion sur le genre du quotidien et le sens de la peinture hollandaise lors d'un de ces moments de grâce que fut là-bas l'art pictural au XVIIème siècle : une invitation à démêler, avec Tzvetan Todorov, ce qui relève de la psychologie, de la morale et de l'esthétique, ainsi qu'à retrouver "le sens et la beauté de nos gestes les plus élémentaires".

L'essai pratique les allers et retours entre des considérations générales et des analyses rapides mais fines de tableaux de Steen, de Hooch, Dou, Maes, Ter Borch, Metsu, Leyster, Rembrandt ou Vermeer, entre autres nombreux peintres, dont certaines oeuvres sont reproduites, en couleur, aux éditions Adam Biro de 1998 en tout cas.
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