Désormais que je connais résolument bien l'Oeuvre d'
Olga Tokarczuk, cette nouvelle faisait partie des rares ouvrages de l'auteur pas encore dans ma bibliothèque. Désormais acquise, elle fut l'objet d'une lecture extrêmement rapide et agréable, bien que sommaire. Malheureusement, il ne s'agit que d'une nouvelle d'une centaine de pages, publiée sous l'empreinte d'un tout petit ouvrage. Il s'agit d'une histoire bien assez succincte, mais pourtant tout autant nécessaire. le postulat déposé par
Tokarczuk, au sein de cette courte histoire, se veut être parfaitement veineuse, d'un trait habituel pour l'auteur : l'étude d'une altérité (humaine ? ou bien animale ?) est à bannir, et le trait de l'humaine de sans cesse étudier et de découvrir son environnement est toujours dans une optique colonisatrice. L'humain d'aujourd'hui, finalement, n'a pas changé de beaucoup par rapport à celui du XVIIe siècle. La narration de cette nouvelle est assez particulière, et je ne m'attendais pas à la trouver dans un texte de cette auteur : une sorte de journal, de récit de voyage, effectué au cours d'un voyage royal, mission d'antan (d'un point de vue temporel, sans rapport avec son
Dieu, le Temps, les Hommes et les Anges). J'ai retrouvé un rapport ancestral entre la littérature et la découverte – comme tous ces textes classiques orientalistes, révélateurs d'une poussée à la découverte excessive et à la classification : Loti, Sand, Dumas, etc. –, une exactitude de la narration d'un temps présent, conjugué au passé avec une affection particulière pour la description du temps à la Cour – comme avec
Chateaubriand –, et encore d'autres grands effets. Finalement, j'ai eu l'impression de lire un texte classique, un vrai ; c'était assez troublant, d'autant plus que c'était une critique par l'impression de son strict inverse. Par le fait de raconter la fièvre coloniale des peuples d'Europe du XVIIe siècle,
Olga Tokarczuk livre un rapport cinglant sur la perte psychologique humaine face aux forces de la nature. Chaque mot écrit au rythme des pages ne nous laisse absolument pas berner : chaque mot laisse sous-entendre un message totalement opposé, à chaque seconde. L'histoire tient son inspiration du mythe des enfants verts de Woolpit au XIIe siècle, deux enfants à la peau verte apparaissant dans un petit village anglais, ne parlant pas la langue du pays colonisateur et ne mangeant que des fèves. L'auteur reprend le mythe en explorant une possibilité à l'identité de ces enfants, en leur imaginant un peuple de bonheur et d'une incroyable humanité malgré leur différence ; on loue la pensée purement Rousseauiste présente à l'intérieur de cette histoire, celle que l'auteur suisse décrit dans ses Rêveries d'un Promeneur solitaire. Tout cela était bien touchant, et impressionnant à observer, mais le fait que ce n'était qu'une nouvelle, et donc en révélait que très peu, m'a quelque peu refroidi, et l'excitation est retombée comme un soufflé. Je pense que c'était le mieux, cependant, que de vouloir se concentrer uniquement sur ce message transmis, et non d'entrer dans une perspective fictive, fantasmatique d'un peuple étranger. L'ambition se serait perdue.
Olga Tokarczuk livre, à travers cette très courte nouvelle, quoique suffisante, un scénario critiquant notre société et notre condition d'humain occidental colonisateur aux moeurs et ambitions bien humaines : quelque chose qui nous pousse à tout comprendre, à tout s'approprier, toujours. Ne pas laisser de place à l'inconnu, c'est de cela qu'il est question ici, avec une narration authentique. {16}
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