Tolkien, universitaire anglais, né dans l'Angleterre du XIXe siècle vieillissant. nous propose un saut temporel. Il s'adresse à une jeunesse qu'il souhaite initier aux valeurs civilisationnelles qui ont fait la "grandeur" de l'empire britannique. Et l'auteur a réussi : on s'ennuie.
Les propos de l'auteur, sous une mince couche "fantastique" (littérature "fantasy" ?), formattent l'esprit d'un lectorat mâle pre-pubere, ou celui d'adultes, tels Peter Pan, qui ne veulent pas grandir.
Ainsi, dans ce lourd tome de plus de 500 pages, on s'arrache d'un village idyllique exhalant les valeurs proprietaristes et préindustrielles ; les maîtres sont les maîtres, vendent leurs propriétés, et tout va pour le mieux, chacun restant à la place que le destin leur a allouée. Il ne faudrait pas initier la jeunesse à une lecture plus complexe de la vie sociale.
La campagne, traversée à pieds laborieusement, est la campagne anglaise en automne ; le temps est frais, humide et la campagne est brumeuse, sillonnée par des boyscouts des années 1930.
Les femmes n'existent pas dans l'univers de
Tolkien. La première femme apparaît page 173 : elle vient servir de la bière aux mâles attablés. Il ne faudrait pas que le jeune lecteur ne soit troublé, même par la princesse des Elfes (mariage heureux, rassurez vous), qui offre à la petite troupe (une sizainne ?) quelques présents d'adieu ; elle a rejoints les aventuriers le lendemain d'une fête donnée à leur honneur, mais qu'elle a quittée tôt : il fallait se coucher...
D'ailleurs, les personnages n'ont pas de sentiment, d'émotion, ni même d'ambition (un seul en exprime une pincée ; il paiera cette faute ...).
Ils participent à des escarmouches, tels des hommes du moyen-âge. Sans être joyeuse ni jolie, la guerre ne traumatise pas vraiment les populations ni les soldats. Les batailles n'occupent que quelques pages bâclées. Ainsi, tandis que
Tolkien amorce une description plutôt réussie d'un ciel de bataille, qu'aurait pu esquisser un élève du peintre Grunwald ( du noir, du rouge, de l'or...), une flèche lancée vers le ciel fait disparaître l'ombre menaçante. Fin.
Déjà avertis de la non-existence des femmes, les jeunes lecteurs n'ont pas à être initiés aux horreurs de la guerre, qu'ont pourtant connues leurs parents dans la boue des tranchées flamandes ou lors des bombardements Allemands des villes anglaises : il ne faudrait pas former des pacifistes...
Les forces du Mal existent, mais elles sont vaguement combattues par les forces du Bien, qui cultivent la bienveillance, l'humilité, la soumission à la "raison d'État", ... ces valeurs inculquées à ceux qui ont permis à la couronne britannique et à quelques uns de dominer un monde où le soleil ne se couchait jamais.
Au final, l'écriture est laborieuse, faisant lourdement référence aux sagas islandaises, tandis le propos est rance.
Heureusement, la jeunesse britannique des années 50 et 60 s'est détournée de ce livre pour offrir au monde des moments de civilisation riches en originalité, disruptifs, créatifs, hédonistes et joyeux...
Ce livre est ainsi à déconseiller à tout jeune lecteur... ou lectrice..