Ce tome est le premier de la série, lancée dans le cadre de l'opération "New 52" qui correspond à un redémarrage à partir de zéro de l'univers partagé DC... sauf pour le personnage de Batman. D'une certaine manière il s'agit de la suite de Dark Knight vs. White Knight (épisodes 17 à 25, fin de la précédente série) : Batman (Bruce Wayne) et Robin (Damian Wayne) doivent apprendre à vivre et travailler ensemble. Il contient les épisodes 1 à 8, parus en 2011/2012, avec un scénario de
Peter Tomasi, des dessins de
Patrick Gleason, un encrage
Mick Gray, et une mise en couleurs de
John Kalisz.
À Moscou, le Batman russe (faisant partie de Batman Inc.) est assassiné sans pitié par NoBody. À Gotham, Bruce Wayne a pris la décision d'associer son fils Damian (10 ans) à ses patrouilles en tant que Batman. Il accepte l'idée de remplir le rôle de père pour ce fils qu'il ne connaissait pas, et d'en profiter pour marquer la rupture d'avec le passé de manière symbolique. Pour commencer, il emmène Robin à Crime Alley (la rue où les parents de Bruce ont été assassinés) avec un point de vue inédit. Ensuite ils font équipe pour arrêter une équipe de criminels en train de s'accaparer les matériaux fissiles utilisés par l'université de Gotham. Cette première mission en équipe met en évidence qu'il va falloir du temps et de la patience à l'un comme à l'autre pour former un duo harmonieux en phase.
Avec la relance "New 52", DC Comics propose 5 séries mensuelles consacrées à Batman : Batman incorporated de
Grant Morrison et
Chris Burnham, Batman de
Scott Snyder &
Greg Capullo, Detective Comics de Tony Daniel, "Batman & Robin" et The dark knight de
David Finch (sans compter les séries gravitant autour de Batman telles que Batgirl, Batwoman, Robin, etc.). Chaque scénariste doit trouver sa place et développer un aspect particulier du personnage. Comme le titre de la série l'indique, cette série se concentre sur la relation entre père & fils.
Peter Tomasi et
Patrick Gleason avaient déjà travaillé ensemble sur la série Green Lantern Corps.
Ce tome de 8 épisodes se lit aussi vite qu'un n'en contenant que 4. En y regardant de plus près, le lecteur constate que les dessins de Gleason sont très séduisants, avec de belles surfaces noires, et une densité d'arrières plans assez faible quand il y en a. Chaque page comporte une moyenne de 4 cases faciles à lire, ce qui augmente d'autant la vitesse de lecture. le volume de dialogue est également peu élevé, ce qui participe encore à la rapidité de la lecture. L'intrigue est linéaire. Elle repose sur l'héritage d'un des formateurs principaux de Bruce Wayne avant qu'il ne devienne Batman : Henri Ducard. En jouant sur 2 générations, Tomasi peut ainsi mettre en parallèle des relations de nature père / fils entre plusieurs personnages.
Après coup, le lecteur peut regretter que ce tome se lise aussi rapidement, car Gleason réalise des images très séduisantes. Il y a cette contreplongée avec une pluie de perles tombant au travers d'une grille d'égout, Titus (un très beau Grand Danois), des images iconiques de Batman, d'autres de Robin, cette magnifique carcasse de voiture au milieu d'un champ devant un écran de cinéma en plein air, une scène nocturne avec des lucioles dans la propriété des Wayne, une Batmobile qui semble sortie de Tron, etc. Mais parfois ces images donnent une sensation de superficialité telle cette double page consacrée à Batman, et Robin frappant 2 criminels, vide d'arrière plan, sans autre objectif que de montrer les coups assénés, ce qui sent la décompression gratuite (vraiment fallait-il consacrer 2 pages à cette image qui ne porte pas de narration supplémentaire ?). À d'autres moments Gleason mise sur le dépouillement pour accentuer l'ambiance ou renforcer la prédominance d'une action. En fonction de la sensibilité du lecteur et de la scène considérée, c'est un peu quitte ou double. Ce prisonnier abaissé dans une cuve d'acide sur fond noir est magnifique et l'horreur du crime ressort bien. Damian jetant une chauve-souris dans une crevasse dans une case occupant une demi-page, là encore il est possible de s'interroger sur le bienfondé de consacrer une telle place à une seule image. Par contre du début à la fin, il maîtrise les expressions de Damian avec maestria ce qui lui confère une personnalité complexe et très attachante (même quand un coin de sa langue dépasse de sa bouche pour montrer qu'il s'applique).
À force, cela peut s'avérer un peu agaçant de se dire que tout ça aurait pu tenir en beaucoup moins de pages, ou que la narration aurait pu être plus dense dans ces 8 épisodes. C'est un peu injuste parce qu'au fil des pages, Tomasi et Gleason ont conçu des scènes visuellement intéressantes, mais diluées dans des pages creuses. le scénario génère la même sensation d'agacement. Quand Tomasi est bon (pour plusieurs scènes), il capture de manière pénétrante plusieurs facettes de la relation complexe entre père et fils, en les transposant à Bruce et Damian. Quand il fait avancer l'intrigue, les dialogues deviennent utilitaires, sans porter la personnalité de la personne qui les prononce. Parfois l'analogie père / fils avec d'autres personnages apporte un éclairage supplémentaire à la relation Bruce / Damian, parfois elle ne sert à rien. Tomasi s'amuse aussi à glisser quelques références telles que la piscine (Frank) Miller ou la rue (Steve) Englehart. Il adresse un clin d'oeil aux lecteurs plus anciens en introduisant une nouvelle version du Bathound (Titus). Il sacrifie à l'obligation de faire apparaître Pandora (sur le bord de la piscine). Comme Gleason, il maîtrise le personnage de Damian en lui écrivant de magnifiques moments.
Voilà un tome qu'il est difficile d'aimer, et qu'il est impossible de détester. D'un coté le lecteur en ressort avec l'impression d'avoir une bande dessinée allégée sur le plan des dessins et du scénario (décompressée). de l'autre coté, Tomasi et Gleason se montrent très habiles pour faire apparaître la personnalité complexe et attachante de Damian Wayne, avec beaucoup de scènes sortant de l'ordinaire des comics de superhéros. La raison me conduirait à attribuer 3 étoiles à ce tome, l'affectif me dicte d'en mettre 4. Batman et Robin continuent d'apprendre à se connaître dans Pearl.