La vie sauvage essayait perpétuellement de récupérer ce qui lui avait été pris.
Depuis toujours les humains choisissent leurs héros et leurs scélérats en suivant des modes contraires et éphémères. Même si parfois - et c'est arrivé non seulement avec des pitbulls, mais avec toutes sortes de gens et des pays entiers -, nous désignons nos scélérats puis les traitons de telle façon qu'ils finissent par nous prouver le bien-fondé de nos prophéties.
Je savais pertinemment que certains silences pouvaient être aiguisés jusqu'à devenir de longues aiguilles pointues qui se glissaient sans effort dans les endroits tendres de l'être aimé.
- Je crois que ta veste est irrémédiablement abîmée
- Probablement. Mais si je devais choisir par qui mon plus beau costume devait être abîmé, je te choisirais toi
Elle aimait ça, qu'on la pense délicate. Non pas qu'elle le soit. Non pas qu'elle veuille l'être. Ça, non alors. Mais avoir quelqu'un qui s'inquiète pour elle, qui soupçonne qu'elle avait été blessée et pouvait l'être, se rendre compte que ça avait de l'importance pour quelqu'un… c'était la même impression que si on lui mettait un manteau sur les épaules alors qu'elle ne s'était pas aperçue qu'elle avait froid.
Ça me manquera. La vie. Parce que malgré tout ce qui est arrivé, elle est tellement belle qu'elle peut parfois vous faire chialer.
Je suis né avec le potentiel d'exploser. Elle l'avait vu. Et le carburant qui m'a fait décoller ? ll s'était amassé avec les années, une minuscule goutte après l'autre.
Je l'aimais, ce connard. Vraiment. J'aurais donné n'importe quoi pour qu'il m'aime aussi. Et qu'est-ce qu'on obtient, quand on a tout cet amour et qu'il n'est pas réciproque ? On obtient un baril de poudre. Voilà ce qu'on obtient.
A peine une seconde plus tard, je me regarde l'année précédente, sortant de l'école le premier jour de mon retour après avoir enterré mon père. Cette journée avait été difficile. Tout le monde m'évitait. Du moins, j'en avais I'impression. La vérité était que je refusais de regarder dans la direction de qui que ce soit. Je me disais qu'ainsi, je leur rendais service. Si je croisais le regard de quelqu'un, il verrait ce qui se trouvait dans le mien, I'enfer qui y brûlait, et cette brûlure était si puissante que leurs globes oculaires risquaient de fondre dans leurs orbites.
J'ai failli la suivre, mais que pouvais-je dire ? Que j'étais un idiot ? Qu'elle était la fille la plus sensationnelle, la plus sexy que j'avais jamais vue ? Qu'elle pourrait être défigurée dans un accident affreux que mon cœur aurait quand même l'impression d'exploser, qu'il exploserait et ferait valser mes côtes fracassées comme du shrapnel si je ne devais jamais la revoir, si je ne pouvais pas retourner avec elle dans cet endroit où tout le reste disparaissait.