Années 30. La famille Merly est touchée de plein fouet par la crise. Ruinés, ils doivent se séparer de leur personnel, dire adieu à leur hôtel particulier à Paris, leur château et son parc ainsi qu'à leur maison de Deauville et s'installer provisoirement chez leur oncle Christophe, un vieux garçon revêche qui déteste les enfants. Au départ, Marie-Antoinette, douze ans, surnommée Moineau en raison de son attachement à ces petites bêtes des villes, et ses frères Guy, sept ans et Pierre, cinq ans, font contre mauvaise fortune bon coeur : ils sont débarassés de la nurse acariâtre et peuvent enfin avoir leur maman rien qu' à eux. Mais, très vite, c'est la désillusion, leur père s'exile au Canada et leur mère a bien du mal à surmonter la situation. Moineau réussira-t-elle à se montrer vaillante comme lui a fait promettre son père avant son départ ?
En relisant ce titre lu pour la première fois fin des années 70, je me suis vaguement souvenue de la trame générale mais ai surtout reconnu et admiré une nouvelle fois les illustrations en noir et blanc très art déco de
Manon Iessel. D'un trait clair, assez épuré, celles-ci accompagnent avec bonheur le texte.
Pour ce qui est du texte justement, avec le recul, j'ai été quelque peu surprise par sa tournure très catholique. Cette référence omniprésente à un Dieu miséricordieux, plutôt surannée aujourd'hui, n'enlève cependant rien à la beauté des valeurs mises
en avant dans le récit. le courage, la détermination, l'optimisme, la gentilesse, l'altruisme sont des qualités qui sont sans doute traitées différemment aujourd'hui mais n'en sont pas moins toujours présentes dans de nombreux titres pour la "jeunesse".
Même, par certains aspects, l'auteure se montre très moderne. C'est le cas notamment dans cet extrait où Moineau prend conscience de l'importance pour une femme d'avoir son indépendance financière :
"Chaque soir, depuis la maladie de maman, elle a promis à Celui qui écoute toutes les prières, d'être une petite fille modèle, non pas comme celles de Mme de Ségur, mais une petite fille moderne et modèle tout à la fois, une petite fille qui veut aider maman à travailler, parce que le travail c'est l'indépendance et qu'on a le droit d'être fière de cette indépendance-là."
Bien sûr, on s'étonnera également de voir une jeune fille de douze ans assumer quasi seule la charge d'une famille et la gestion d'une librairie. Mais, peu importe, comme tous ceux qui vont côtoyer dans l'histoire cette jeune fille enjouée, on s'attache très vite à elle et son courage comme son énergie forcent le respect.
Tous les amateurs de livres ne resteront pas non plus insensibles à sa petite librairie ainsi qu'aux projets d'avenir qu'elle nourrit pour elle :
"(...) j'aime tout ce que nous faisons dans cette librairie qui, chaque jour, devient plus jolie. Aussi quand je serai tout à fait grandre, nous ferons de belles choses, nous prendrons un autre magasin, à côté si possible, et nous aurons un abonnement de lecture pour parents et enfants, avec un grand salon pour nos abonnés qui pourront y lire en paix."
En filigrane également, l'auteur fait par le biais de ce récit, une critique de l'argent et de l'égoïsme de la haute bourgeoisie. Non, l'argent ne fait pas le bonheur. Il y contribue mais ne peut être une fin en soi. Moineau et sa mère ne pourront compter que sur des petites gens pour les soutenir dans l'adversité. Les amis fortunés de jadis ont tous tourné les talons. Cette aventure permet à Moineau de comprendre ce que c'est que d'être dans le besoin. Elle prend également conscience de l'importance d'être avec les siens, une fois qu'il y a l'amour et la santé.
En conclusion, une lecture certes vieillie mais qui ne manque toutefois pas d'intérêt et de saveur...
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