Une fois n'est pas coutume, c'est une pièce de théâtre qui m'a fait découvrir ce livre magnifique.
J'ai eu la chance d'assister à la sortie de résidence de la dernière pièce de théâtre mise en scène par
Christine Matos à la Maison de la poésie d'Avignon,
le doux Parfum des temps à venir, de
Lyonel Trouillot.
On sait que ces premières représentations sont généralement encore un peu maladroites, brutes de résidence, mais là, j'ai pu ressentir toute la force des mots de l'auteur, la force du jeu des comédiennes et la qualité de mise en scène.
Un texte, fait de poésie, de profondeur et d'intemporalité !
Il nous raconte les dernières volontés et les ultimes conseils d'une mère à sa fille, avant de mourir, qui lui dit : « une femme libre est maîtresse de son essence ». Il y est question de passage, de transmission : que laisse-t-on lorsqu'on s'en va et, quand on naît à soi-même, que prend-on ou pas de ce qu'on nous a laissé ?
L'action n'est ni située dans le temps ni dans l'espace, ce qui renforce la portée universelle des mots. Les lieux évoqués sont la guerre, les haltes, l'errance dans des paysages désertiques, des cités délabrées, l'esclavage.
Cette mère dévoile une réalité très sombre de sa vie, de sa propre histoire cachée afin de préserver l'innocence de sa fille : « Ayant toujours vécu au bord des précipices, nous nous serons peu parlé. Et rarement dans le vrai ». La vérité qu'elle révèle est le témoignage d'une vie marquée par la violence : « J'ai vu la violence des hommes et celle des éléments. Et j'ai respiré l'odeur de la haine ». En colère et révoltée, cette mère dit à sa fille d'aller chercher sa liberté, d'aller à la conquête de soi : « Et tu marcheras seule vers la conquête de ton essence. N'oublie pas, mon amour. le paradoxe du parfum, c'est qu'il libère ce qu'il capture. Capture la vie et libère-la ».
L'évocation d'un coffret dans ses dernières paroles rappelle la boîte de Pandore. Si Pandore répand les maux sur terre et retient prisonnier l'espoir, le coffret que la mère lègue ici à sa fille a une fonction particulière : « Et lorsque tu auras trouvé
le doux parfum des temps à venir, tu le cacheras dans le coffret ».
Une mise en scène sobre, imagée où les personnages se confondent avec leur environnement.
Christine Matos, directrice de la compagnie KA-Théâtre, et dont c'est la quatrième pièce que je vois, m'a habitué à être surpris par ses mises en scène ayant pour points communs la simplicité de décor et la multitude d'accessoires, discrets pour les uns, criants pour les autres. Elle mêle souvent des disciplines autres, telles que la musique, les sons ou les marionnettes, élargissant ainsi le spectre de l'imaginaire du spectateur et donnant une plus grande dimension à la scène, parfois exiguë.
Je la cite à propos de son intention : Rendre visibles et sensibles toute la force, la sauvagerie, la poésie qui se dégagent de ce texte est pour moi une priorité. « Je voudrais que ce soit une parole de femme à femme, sans qu'on puisse dire que c'est une parole qui est née dans telle société, pour justement mettre l'accent sur la condition universelle des femmes ». Ce sont les propres paroles de
Lyonel Trouillot à propos de son livre
le doux parfum des temps à venir.
En plus des nombreuses pièces mises en scène à Cuba, Haïti, El Salvador, et d'autres en France,
Christine Matos est aussi l'auteur d'une pièce de théâtre,
Un volcan sur les toits de Paris, la vie mouvementée de Consuelo Suncin, seule épouse de
Saint-Exupéry, éditée chez Elan Sud, qu'elle a mis en scène en espagnol et en français.
Cette pièce de théâtre que j'ai revu 2 fois m'a poussé à lire le livre… et je n'ai pas été déçu.
Lien :
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