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sur 348 notes

« La montagne rouge », Olivier Truc, Métaillé, 2016

Le troisième tome de la trilogie d'Olivier Truc est un peu difficile à lire. Un roman, oui, policier, oui, mais surtout un morceau d'ethnologie et d'histoire exceptionnelle.

Il s'agit d'histoire contemporaine (entendre très récente) assez perturbante.

Si j'ai bien compris Olivier Truc s'est appuyé, entre autres, sur un procès de février 2016, opposant éleveurs sami et propriétaires forestiers voulant exploiter leurs terres ancestrales.
Il aura fallu 30 ans de bataille pour que la Cour Suprême de Suède reconnaisse les droits fonciers d'une toute petite communauté same, aux alentours de Gällivare.
Cette décision symbolique est importante en Suède où la question des droits des Samis n'est toujours pas encore une priorité.

Ce roman nous plonge dans l'histoire, très troublante et inconnue, des théories eugénistes. D'abord par la création en 1922 d'un Institut de biologie raciale à Uppsala. La pureté de la race suédoise (entendre race germanique pure) était définie par des mesures crâniennes, par exemple, et des tables de mensurations. L'idée était d'éviter que des « êtres humains inférieurs » se multiplient !!!
De 1935 à 1976 (hier donc), 62 000 personnes ont été stérilisées, pas seulement des « lapons » mais des malades, des asociaux.
De cela les manuels d'histoire ne disent rien. La Suède et sa tradition de neutralité occulte ses relations avec l'Allemagne nazie. Comme la Suisse, par ailleurs, la Suède a accepté l'or des nazis, volé évidemment, qui leur achetait le fer (des mines de Kiruna par ex.). Pendant la seconde guerre mondiale, la Suède était neutre militairement mais pas idéologiquement.

J'avais appris ces faits lors de ma visite de l'exposition « Identités en mouvements », consacré à l'art sami contemporain, au centre culturel suédois, à Paris, en 2014. J'en avais été profondément choquée.
Par exemple, Katarina Pirak Sikku, posait la question : « La douleur peut-elle se transmettre de génération en génération ? » Elle y répondait dans un autoportrait et les fameux instruments et tables de mesures.




Pour en revenir à l'intrigue du roman : un procès entre éleveurs et forestiers, la découverte d'ossements humains sans crâne. Retrouver le crâne permettrait de prouver la présence ancienne des Samis dans la région et donc leur droit ancestral à occuper ces terres avec leurs troupeaux de rennes.

Voilà donc notre police des rennes, Klemet et Nina, en charge d'une enquête particulière, pas de meurtre, pas de crime. Juste associer un os à un crâne !!!
On découvre qu'il existe d'innombrables collections de dépouilles samis conservées dans plusieurs institutions dans un but scientifique. En Suède, en Russie et même à Paris. A noter que depuis 2007, les samis les réclament pour pouvoir les enterrer de nouveau.

Alors, retrouver la bonne tête qui va sur le bon corps !!! Ah ! quel travail.

La galerie de personnages d'Olivier Truc permet de mieux comprendre les enjeux.
Deux universitaires prêts à tout pour légitimer leurs thèses. le premier est persuadé d'une invasion Sami, après que les Suédois aient occupé la Laponie. le second se prend pour un aventurier proche de la culture same. Un vieil antiquaire, au physique rebutant, est un ancien nazi qui oeuvre dans le trafic de crânes humains. Il est aidé par une équipe de vieilles femmes déjantées, dont l'une a été stérilisée de force !

Je passe sur les problèmes personnels de nos deux policiers : Klemet, un same, à la recherche de son identité (et de son ombre) et Nina à la relation compliquée avec son père, ancien plongeur dont le cerveau a disjoncté (à lire dans le tome 2). Cela fait simplement partie du liant du roman. Ils sont sympas ces deux qui bossent bien ensemble mais si différents cependant.

Outre l'hostilité de certains scientifiques, on revient sur d'autres pans de l'histoire de la Suède avec le sinistre (d'après moi !) Laestadius (10 janvier 1800 - 21 février 1861), ce pasteur, d'origine lapone, qui, toujours selon moi, aura fait beaucoup de mal à ces peuples. Ses principes moraux radicaux ne sont pas sans rappeler un certain « intégrisme catholique » actuel. Il s'était mis en tête d'évangéliser, en quelque sorte, les populations autochtones et de leur inculquer ses notions personnelles de puritanisme. Ce qui aboutira à une sorte de schisme avec l'église luthérienne suédoise et la création d'une forme de « secte ».

L'intrigue principale se passe dans un village du sud de la Laponie, près de la frontière norvégienne, mais je me doutais bien qu'on se retrouverait dans ce triangle « Kautokeino, Karesuando, Enontekio » où officiait principalement ce pasteur. Suite à la lecture du « Détroit du loup », j'avais eu envie de visiter cette région du Finnmark. Que cherchions-nous au cimetière de Kautokeino, je ne sais pas ?
Je pense que l'héritage « culturel » de Laestadius n'est pas innocent dans l'histoire du 20° et 21°s de la Suède.

Je me suis vraiment prise de passion, dans le 4e quart du livre, pour l'étude de tous ces crânes, du décryptage de ces « listings ». J'étais Nina à Paris. J'ai lu cela comme un vrai document d'anthropo-archéologie, je me suis passionnée pour cette recherche en même temps que j'apprenais avec Klemet à me servir des outils de mesures.
Passionnant ce que la science peut faire dire à un bout d'os, de crâne, une mâchoire, les isotopes qui peuvent révéler quelle eau il buvait. Passionnant.

Il y a tant d'autres choses à dire, plus proche de la nature. Par exemple, Petrus à la recherche lui aussi de ses racines, de l'arbre de son père, de sa marque, de son écorce, dans une nature si belle et si rebelle. Là, est la vraie vie, à la recherche de soi-même, au bout de ses limites.

Je remercie une fois de plus Olivier Truc de m'entraîner chaque fois un peu plus dans la découverte de ces contrées et leurs habitants. Il ne m'est pas possible d'expliquer pourquoi je me sens impliquée, étrange sentiment.

En reposant ce livre, en l'annotant, en me questionnant, en recoupant d'autres informations, je suis finalement un peu en colère.

La Suède d'aujourd'hui qui s'enorgueillît, à grand renfort de justificatifs, d'être le meilleur pays d'accueil des réfugiés, ne se donne-t-elle pas une bonne conscience par ce biais, alors qu'elle peine encore à reconnaître ses autochtones et à réviser ses manuels d'histoire ?
Quoiqu'il en soit, et comme pour tous pays, il est des faits qu'on n'efface pas et qui font de nous ce que nous sommes.

J'ai apprécié de réfléchir sur ce paradoxe « premier arrivé » les same et « dernier arrivé », les migrants du Moyen Orient ?

Me reste à visionner la série « Jour Polaire » qui, d'après ce que je sais à ce jour, fait étrangement écho aux propos d'Olivier Truc.

La montée de l'extrême droite en Europe ne va pas aider les minorités quelles qu'elles soient, hélas.

Christine - 18 décembre 2016





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A priori dernier tome de la trilogie consacrée à la police des rennes, c'est moins une enquete policiere cette fois ci qu'un roman ethnographique sur les samis ou lapons qui font face a des expropriations de terrain par les fermiers et les bucherons. les recherches menées par Nina et Klemet doivent prouver ou pas la permanence des samis sur une frange de la Suéde or comment faire en l'absence de tradition écrite? En recherchant des sépultures et des squelettes. On en apprend moins sur nos deux héros cette fois ci, si ce n'est que Nina n'arrive pas à communiquer avec son pére et que Klemet communique très bien avec une gentille masseuse, certains sujets sont effleurés (la stérilisation de certaines personnes menée après guerre), et auraient mérité plus de développements mais cela reste un bon livre. Il vaut mieux avoir lu les précédents...Quand même.
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J'ai retrouvé avec énormément de plaisir dans ce 3e tome la police des rennes, la patrouille P9 composée de Klemet et de Nina que l'on commence à bien connaître. Une fois encore, Olivier Truc nous emmène dans un endroit différent de Laponie, en l'occurrence ici en Suède. Cela apporte à chaque fois un souffle nouveau à ses romans, des pans encore inconnus de l'Histoire des Sami que l'on découvre avec grand intérêt. J'aime vraiment beaucoup apprendre et comprendre par le biais de la lecture, un pays, une communauté, une histoire que je ne connais pas. C'est passionnant. J'avoue que depuis « le dernier Lapon » je m'intéresse et je m'attache aux Sami, à ces contrées inhospitalières mais terriblement belles dont l'auteur se fait l'écho. Et grâce à Olivier Truc qu'on sent humainement impliqué et engagé, je m'insurge devant les inégalités et les injustices faites aux Sami qui étaient pourtant là bien avant les Suédois, ou les Norvégiens ou les Finlandais, puisque la Laponie s'étend sur tous ces pays. le problème d'identité et de droit à la terre est au centre de « La montagne rouge ». Des Sami tentent de démontrer au coeur d'un procès qui les écrase qu'ils étaient là avant l'arrivée des Suédois. le dénouement de ce procès leur donnera peut-être enfin le droit de pouvoir continuer à élever leurs rennes sur leurs terres, en Sampi, et de les emmener sur leurs terrains de pâturage ancestraux. Ils sont en procès contre les bûcherons qui exploitent les forêts et détruisent la toundra où broutent les rennes. Dans ce roman, on découvre aussi comment les Suédois se sont comportés comme de véritables nazis à l'encontre des Sami et d'autres pans de la société suédoise qu'ils jugeaient inférieurs et nuisibles à leur nation au 19e et 20e siècle. Ces pratiques nauséabondes, cachées ressurgissent avec toute leur horreur. Certains personnages permettent à Olivier Truc de nous conter cette partie de l'Histoire particulièrement cruelle et abjecte. Mais il leur donne aussi une part d'humanité, en tout cas pour certains, car ils sont à la fois bourreaux et victimes. J'avoue que je ne savais pas tout cela, et j'ai été particulièrement choquée. On imagine la Suède comme un pays exemplaire, en tout cas actuellement… Mais on relativise les choses, enfin c'est mon avis perso, quand on découvre sur quelles pratiques cela repose.
J'ai aimé retrouvé l'écriture agréable d'Olivier Truc, parfois traversée par une poésie et un amour de ce pays et de ses personnages. le roman n'est jamais ennuyeux à lire mais terriblement documenté. Il faut dire qu'Olivier Truc est journaliste à la base et vit depuis plus de 20 ans en Suède et s'intéresse tout particulièrement aux Sami. Dites-bien Sami et non Lapon qui je l'ai appris dans ce roman, est devenu un terme péjoratif.
A lire absolument ! et si vous n'avez pas encore lu les 2 premiers romans de la police des rennes, il faut vite rattraper cet oubli !!

Lien : https://mapassionleslivres.w..
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L'enquête menée par la police des rennes n'est pas ordinaire. Pas de meurtre, pas de sérial killer mais un problème plus profond. La situation des Sami en Laponie Suédoise.
La lecture peut être difficile, mais allez au bout, vous ne serez pas déçu. Si vous ne connaissez pas la Scandinavie, c'est une bonne porte d'entrée.
Merci à Babelio d'avoir organisé cette rencontre avec Olivier Truc.
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Tout d'abord je voudrais remercier les éditions Métaillié et Babélio pour m'avoir permis de découvrir 'Olivier Truc et La Montagne rouge.

La Montagne rouge est le troisième tome des aventures de la police des rennes. Aussi je n'ai pas voulu après quelques pages, continué ma lecture. Je trouvais, plus rationnel de commencer par les 2 premiers, soit le Dernier Lapon et le Détroit du loup.

J'ai aussi prévu de lire l'Imposteur, qui est un essai.

Les nombreuses critiques confirment le talent de conteur d'histoires d'Olivier Truc, de ses héros attachants et complexes.

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Ce n'est pas un mauvais bouquin. Loin de là... L'histoire est intéressante ; l'idée originale... Mais c'est trop long. J'ai sauté plusieurs dizaines de pages en cours de lecture pour savoir comment tout cela allait se terminer. Il me semble que je n'ai pas manqué grand chose. Dommage... Il me semble que dans cette trilogie, c'est le premier tome que j'ai préféré.
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Bon c'est pas mal mais que c'est bordélique...
Une montagne qui accouche d'une souris et c'est pas peu dire.
Moi ce bouquin il m'a donné envie de prendre un sac à dos de filer dans les bois boire du café et manger de la saucisse surtout.
C'est plus un guide du routard qu'un polar mais on y plonge quand même.
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Après avoir lu le dernier Lapon, La montagne rouge donne un sentiment de roman bâclé avec des personnages mal gribouillés et une intrigue dessinée à la va-vite. L'arrière pensée constante que j'ai eue en lisant ce livre, c'est que l'éditeur devait le presser de finir son manuscrit. Une grande déception qui heureusement, passe vite.
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Un grand merci à moi-même pour avoir acheté en librairie cet ouvrage. J'avais lu et apprécié les autres enquêtes de la Police des Rennes. Celle-ci est fort différente puisque Nina et Klemet vont partir à la recherche d'un crane datant de trois siècles et en Suède cette fois. Trouver le coupable aurait été difficile !!!…
C'est un bouquin d'histoire, d'ethnologie et d'archéologie d'origine végétale, remarquablement documenté et bien mené plutôt qu'un vrai polar.
Mais je l'ai trouvé un peu long et ennuyeux par moments.
Je conseille quand même aux lecteurs d'aller jusqu'au bout, la fin réservant un très intéressant rebondissement.
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Randonnée dans le conflit éleveurs/forestiers bien orchestré par les autorités locales et nationales. Pendant qu'ils s'occupent à se taper dessus.... Manipulation à tous les étages.
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