Je préfère prévenir d'emblée (au cas où le nombre d'étoiles ne vous aurait pas mis la puce à l'oreille) : je fais partie des déçus.
J'ai découvert ce roman sur la plate-forme NetGalley. J'ai tout de suite flashé sur la couverture même si je sais qu'il ne faut pas juger un livre dessus. Je n'ai pas vraiment lu de critiques avant de m'y attaquer pour ne pas me laisser influencer mais j'avais quand même entr'aperçu sur Babelio qu'il était très favorablement reçu, avec beaucoup de 5 étoiles. Il me semblait que l'originalité de l'univers et les personnages avaient particulièrement plu aux lecteurs.
Parlons d'abord de l'originalité de l'univers. le début nous emmène dans le royaume d'Hélianthe (ou d'Hélios : je me suis perdue entre les différents noms propres), royaume où un traité "bride" l'exercice de la magie. Je trouvais l'univers dépeint plutôt chouette et attractif.
On y fait très rapidement la connaissance d'Arya, l'héroïne narratrice, fille de pâtissière le jour et dévoreuse de livres la nuit. Juste pour le mauvais jeu de mots, je dirais que le personnage est assez tarte, au début. Arya est amie avec le plus jeune fils du roi, le prince Aïdan, mal aimé par son père, souffreteux et caractériel. Un vrai prince charmant, quoi. Donc pendant une centaine de pages (quand même !), Arya vit sa petite vie de famille. On entend beaucoup parler du Traité Gallicia (le code de la route de la magie) sans vraiment comprendre ni ses enjeux ni son fonctionnement. Sans aucune raison particulière, des tas de personnages, proches ou inconnus, laissent entendre à Arya qu'elle devrait "sortir de sa zone de confort" mais Arya reste dans ses bouquins et ses gâteaux jusqu'à ce que BAM ! Grosse catastrophe, cataclysme, renversement de situation ! Passé un premier moment de sidération, Arya, privée de ses repères, décide de partir à l'aventure ("sans raison particulière", comme dirait Forrest Gump). Quand des ennemis magiques invincibles ont fondu sur le pays, ça me paraît la décision la plus raisonnable, en effet. Heureusement, elle n'a pas fait trois pas dans la forêt qu'elle tombe sur une Madame qui lui révèle son DESTIN unique : Passeuse de Mots. Dans la foulée, elle fait la connaissance du type le plus louche "ever", un voleur tout de cuir vêtu, le visage masqué. Il ne lui manque que l'écriteau "voleur" pendu autour du cou pour passer tout à fait inaperçu. Mais toujours "sans raison particulière" si ce n'est les vagues conseils de la Passeuse de Mots précédente (quelque chose du genre : "fie-toi à ton instinct, écoute ton coeur"), Arya décide de lui faire confiance et de le suivre. Et on la retrouve violée et découpée en morceaux sous un tas de feuilles. Non, je rigole. Mais, dans la vraie vie, c'est ce qui lui serait probablement arrivé. Heureusement, on est dans un univers fantasy et ce voleur au grand coeur était juste là pile au bon moment, au bon endroit pour la protéger. S'ensuit une loooooooooooooooongue randonnée en forêt destinée à... ? endurcir Arya ?
Là, la lectrice casse-pieds que je suis a envie de s'immiscer dans l'histoire pour demander à Arya : "dis, le fait que ta famille ait disparu sans laisser d'adresse, ainsi que ton petit-copain-qu'est-pas-officiellement-ton-petit-copain-même-si-à-mon-avis-y-a-anguille-sous-roche, on en parle ou pas ? Et les méchants, ils ont disparu aussi ?"
Je trouve qu'un des gros points faibles de ce roman, c'est qu'il y a du mou dans la tension narrative, mais du mou XXL. Il faut déjà une centaine de pages pour qu'il se passe enfin quelque chose de surprenant (et je reconnais que là, c'était très fort) mais, ensuite, rien ! le petit chaperon rouge Arya se balade en forêt avec le chasseur et il n'y a même plus de grand méchant loup. On ne sait toujours pas qui a commandité l'attaque sur Hélios et les ennemis ne poursuivent même pas l'héroïne. le reste du pays semble n'avoir aucune idée de ce qui s'est passé à la capitale et continue son train-train quotidien (je sais qu'ils n'ont pas Twitter, mais quand même !).
Officiellement, Arya doit aller à la recherche des Mots. Dans cet univers, certains Mots ont une forme plus ou moins matérielle et la Passeuse doit les "absorber". Pour quoi faire ? Sauver le monde ? Comment ? Mystère et boule de gomme. Entre les ennemis absents et le but flou, cela n'aide pas à faire de ce roman un page-turner.
Après encore une centaine de page (on n'est encore qu'au tiers du roman), Arya rencontre un deuxième compagnon de voyage qui les accompagne, Killian le voleur et elle, jusqu'à la ville de Bellevue. On bascule alors d'un univers fantasy tout ce qu'il y a de plus classique à un environnement style steampunk. Là, soi-disant pour combler un manque de liquidités indispensables au voyage, Killian entraîne Arya et le général qui les a rejoints dans un casse visant la banque centrale de la ville, un édifice mieux gardé que Fort Knox. Déjà, entraîner une personne soi-disant unique qu'il est censé protéger dans une aventure aussi hasardeuse, ça me paraissait plus que bancale mais qu'un serviteur du roi s'engage là-dedans sans sourciller, ça m'a laissée pantoise. Ce cambriolage ne tenait tellement pas debout que je n'avais qu'une hâte : que ce soit fini pour qu'on passe à autre chose. Je passe sur les autres incohérences du genre le "système de sécurité" capable de détruire la banque et la moitié de la ville (un peu surdosé, quand même !). Enfin, le casse est fini, sa véritable raison révélée : trouver un Mot (le plus inutile de toute l'histoire des Mots, à mon avis) et revoilà nos trois aventuriers repartis sur les routes puis sous les routes puisqu'ils s'enfoncent sous terre. Et moi dans l'ennui.
Sous la montagne, nouveau changement de registre : après l'heroic-fantasy à la papa et le steampunk, on débarque dans une espèce de remake d'un clip de
Mylène Farmer, mixé avec des extraits de Twilight et de Cinquante nuances de Grey, servi très très chaud. C'est là que j'ai calé. Déjà, je fais une allergie aux vampires, qu'ils soient végétariens ou Mel-Brooksiens, mais à la sauce SM, en plus, beurk. (Ça répond à une des questions de NetGalley sur nos lectures : Est-ce que je conseillerais ce livre à mes élèves, des 6e-5e ? Certainement pas !)
Que le changement de décor, d'environnement, presque de genre littéraire fasse partie de l'originalité du roman, pourquoi pas mais j'ai trouvé ça surtout très déstabilisant. de plus, ces différents univers, pris indépendamment les uns les autres, ressemblent fortement à du déjà-lu, déjà-vu. Il y a bien quelques éléments que j'ai trouvé assez originaux, comme les Cauchemiroirs mais j'avais déjà atteint mon stade critique d'ennui.
Venons-en maintenant aux personnages qui semblent avoir eu la faveur de beaucoup de lecteurs. Franchement, pas de quoi révolutionner le genre (quel qu'il soit) : outre l'héroïne un peu falote qui possède un pouvoir unique et prend peu à peu de l'assurance (un classique), les autres personnages semblent empruntés à l'univers des jeux de rôles : le voleur, le guerrier, le vampire et ne sortent pas tellement des clichés. Ce qui m'a le plus agacée, c'est que l'héroïne leur fasse confiance d'instinct alors qu'il y a toutes les raisons de se méfier d'eux. Si ce n'est pas de la facilité scénaristique, je ne sais pas ce que c'est. Notons d'ailleurs, au passage, que ses trois protecteurs sont tous des hommes (pour autant que je puisse en juger en n'ayant lu que la moitié du roman). Les femmes, dans cette histoire, restent cantonnées aux rôles de demoiselle en détresse, de boniche ou de morte. Et de Tutrice, aussi, mais bon.
Enfin, pour achever cette trop longue critique, tout cela est livré dans un style qui, sans être indigeste, n'est pas savoureux. Je pointerais en particulier les scènes d'action que j'ai eu souvent du mal à imaginer, les dialogues parfois poussifs et certaines expressions qui sonnent faux, de temps en temps.
En conclusion : que ce soit sur le style d'écriture, la psychologie des personnages, la cohérence de l'univers ou des péripéties, ce roman m'a semblé avoir beaucoup trop de maladresses pour me convaincre d'aller au bout de ses quelques 700 pages.