Andrée De Jongh : Une vie de résistante

Sur mon hit-parade des personnes les plus admirées figure en top Andrée de Jongh pour son immense courage et son dévouement pour le bonheur des autres. J'avais déjà lu une biographie de cette extraordinaire compatriote par le Britannique Airey Neave (1916-1979), publiée sous le titre "Little Cyclone" (un de ses surnoms). Et l'auteur savait de quoi il parlait lorsqu'il s'agit de courage, étant un des rares échappés de la prison allemande pour officiers ennemis du Château de Colditz (en Saxe, entre Leipzig et Dresde) durant la Seconde Guerre mondiale. À 63 ans ce député conservateur fut tué dans un assassinat revendiqué par la INLA ou l'armée de libération nationale irlandaise.

Comme l'ouvrage de Neave est sorti déjà en 1954, j'étais ravi d'apprendre que Marie-Pierre d'Udekem d'Acoz, historienne diplômée de l'université de Gand, ait produit, il y a 4 ans, une nouvelle biographie d'Andrée de Jongh, beaucoup plus complète que celle mentionnée ci-avant.

Mais qu'est-ce que cette dame ait bien pu faire, pour être anoblie en Belgique et devenir ainsi, en 1985, comtesse du Royaume et être promue au titre de lieutenant-colonel des services de sécurité britanniques ?

Andrée de Jongh est née à Schaerbeek en 1916 et décédée en 2007 à Woluwe-Saint-Lambert (Bruxelles ), à l'âge de 90 ans.

Ce qui est est absolument incroyable, c'est qu'après tous les risques et périls de grande résistante, une fois le IIIe Reich d'Hitler définitivement vaincu, notre Andrée a entrepris des études d'infirmière pour aller soigner durant 27 ans les lépreux du Congo, du Cameroun, de l'Éthiopie et du Sénégal de 1954 à 1981. En fait à l'exemple du Père Damien (Jozef de Veuster 1840-1889) à Molokai en Hawaï. Ce "martyr de la charité" est mort à 49 ans parmi ses malades.

"Dédée" surnom er nom de code, déçue que l'armée belge ait arrêté la défense du pays et grande admiratrice des héroïnes de la Première Guerre mondiale, l'infirmière et espionne Gabrielle Petit, née à Tournai en 1893 et fusillée en 1916 par les Allemands à Schaerbeek, à l'âge de 23 ans ; et la célèbre infirmière britannique Edith Clavell (1865-1915) fusillée au même endroit par les mêmes pour " haute trahison" !

Déjà en juin jusqu'en septembre 1940, Andrée de Jongh, diplômée comme ambulancière de la Croix-Rouge a travaillé en tant que volontaire à Bruges, dans l'hôpital militaire Reine Élisabeth.
C'est à l'âge de 24 ans qu'elle a pris l'initiative de raccompagner des soldats à partir de la Belgique et en traversant la France et les Pyrénées en Espagne, en vue de leur permettre de rentrer en Angleterre et de continuer la lutte contre les nazis.

C'est donc en août 1941 qu'Andrée a proposé au consulat britannique à Bilbao, la capitale du Pays basque, son offre d'aide à l' évasion de militaires alliés, abattus ou bloqués en Belgique et le continent, un retour par l'Espagne au Royaume-Uni et cela contre un remboursement simple de ses frais exposés, mais sans profit ou bénéfice personnel.

Ainsi est né le réseau d'évacuation, baptisé "Cométe", de loin le plus efficace de la dernière guerre mondiale. Durant les 3 années de son existence, cette ligne d'évasion par les Pyrénées a permis le rapatriement d'un nombre incroyable de militaires : 800 soldats anglais, canadiens, australiens, polonais, belges et français, parmi lesquels à peu près 300 pilotes qui ont repris la lutte en Allemagne.
Le premier secrétaire de l'ambassade britannique à Madrid, Creswell, a dit à notre Dédée, lorqu'elle lui annonça un nouveau convoi dans les 8 jours, qu'elle était "encore plus forte que l'agence Cook !"

J'ignore le nombre exact de traversées périlleuses de la montagne des Pyrénées avec officiers et soldats Andrée de Jongh a guidé, à la grande stupéfaction de ces militaires par le courage de "that young girl".

Le 15 janvier 1943, notre héroïne, lâchement dénoncée, est arrêtée par la Gestapo et fera la connaissance de toutes sortes de prisons et de camps nazis jusqu'au 22 avril 1945. de la prison de Bayonne, du fort Hâ de Biarritz, Fresnes à Paris, Saint-Gilles à Bruxelles. Elle finira sa captivité aux camps de concentration de Ravensbrück et de Mauthausen.
Elle a avoué être la fondatrice de la ligne Comète, mais la Gestapo ne l'a pas crû, ce qui explique qu'elle n'ait pas été exécutée.

Après son arrestation c'est Jean-François Nothomb (1919-2008) , le grand oncle de la baronne et écrivaine Amélie Nothomb (née en 1966), qui a succédé à la tête du réseau.

Je dois admettre que j'ai été plutôt étonné par l'affirmation de Marie-Pierre d'Udekem d'Acoz dans son avant-propos que cette biographie prend la forme d'une "autobiographie" afin qu'Andrée de Jongh prenne elle-même le lecteur par la main pour raconter sa vie.
Cette façon de procéder s'est pourtant avérée d'une efficacité exemplaire : d'une précision saisissante tout en captivant l'attention des lecteurs.

Il est vrai que l'héroïne et l'auteure se sont entretenues à maintes reprises comme des amies et que Marie-Pierre d'Udekem d'Acoz a fourni un très sérieux travail d'historienne hautement qualifiée en étudiant une masse de documents et de témoignages.

Je tiens à remercier l'auteure explicitement pour l'envoi aimable d'un exemplaire de cette remarquable biographie.