Maudit mardi, tome 1

Achille vit sur une île, il passe ses journées à regarder les bateaux passer. Il pense aussi beaucoup à Rebecca, son amie d'enfance partie étudier loin d'ici.
Elle lui écrit régulièrement, mais lui ne répond presque pas.
Et puis, un jour, il décide d'aller la rejoindre.
Il sera aussi question d'une prédiction concernant le jour de la mort d'Achille, un mardi, et le fait qu'il a les pieds qui s'enracinent littéralement dans le sol.
Les éléments qui s'apparentent à ce qu'on trouve dans les contes sont allégoriques et réels tout à la fois.
J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée poétique qui parle de nos rêves, de nos désirs et de nos peurs.
Les dessins sont très lumineux et donnent de belles touches d'espoir à cette histoire.

Voilà un jeune auteur qui ne m'a pas déçu avec des titres comme Neuf Mois ou encore 80 jours. J'aime bien son style d'écriture et ses dessins. Il innove également avec le concept d'édition participative. Les bdphiles internautes ont eu du flair car ce diptyque est véritablement de qualité.

Et puis, il y a surtout la manière de raconter une histoire avec une morale toujours sauve: le handicap et la superstition ne doivent pas nous arrêter pour réaliser nos projets de vie.

L'imagination de l'auteur semble sans limite avec des petits trucs qui font mouche comme l'enracinement de l'homme dans tous les sens du terme. L'onirisme se mélange avec humour et intelligence. Qui a dit qu'il fallait vivre chaque jour comme son dernier ?

Ce n'est pas la première page qui retient l'attention, mais la double page suivante : un homme attend assis sur une plage, les jumelles à la main il regarde passer au large un paquebot. Cet homme c'est un terrien, un qui prend racine. Et c'est là que l'on bascule.
Le sujet de cette BD est simple : un homme reçoit des lettres de son amie d'enfance qui est partie dans une grande ville. Et un jour, il partira lui aussi la revoir, la rejoindre ?
Et nous lecteur, nous le suivons dans cette ville, dans ses mensonges, si petits, dans ses peurs.
Toujours balancé entre un espoir, ténu, et tant d'étonnement devant cette histoire si simple et si allégorique.
Belle découverte devant tant de talents.
Pas surprenant que cette BD sorte des réseaux d'édition et de diffusion, puisque sa "production" a été financé par les lecteurs d'un site internet.

Un dessin personnel au service de l'émotion, décidément, Nicolas Vadot gagne en profondeur d'oeuvre en oeuvre. Il ne s'agit plus - je trouve - de "montrer", faire ses gammes, signifier sa famille de prédilection, l'auteur écrit pleinement, se livre, fait entendre sa voix, comme on avait pu l'esquisser à la fin de "Neuf mois" (même si j'avais préféré le début plus absurde de ce livre).

Le ton est ici encore sensible, une jolie fable, une belle réflexion sur la nature des échanges humains, l'ankylose, les barrières que l'on érige. Jamais pathétique, souvent poétique, la mise en page est remarquable, créative et généreuse, parfois époustouflante. La double-page 4 et 5 du premier volume me marquera à jamais, c'est intelligent et intense.

Les deux tomes sont finement pensés et se valent tout autant, le plaisir intact, l'univers uniforme d'un tome à l'autre. Ce diptyque nous promet de bien belles choses à suivre, pour un auteur que je ne lâcherai plus ! (à l'image de Nicolas Dumontheuil, Renaud Dillies, Marc-Antoine Mathieu, Alain Kokor, Luc Brunschwig, Fred, Jean-François Kierzkowski, Fabcaro et j'en passe).