Le récit d'un amour inconditionnel d'une enfant (Camille) pour un prêtre (Romain) qui évoluera et survivra aux années qui passent...
Une écriture de temps en temps fraîche, tendre ou drôle, et qui sent le vrai, sauf parfois une trop grande maturité, une trop grande force prêtée à Camille dans son jeune âge. L'auteure secoue les institutions cléricales, les hypocrisies de bien de nos comportements sociaux en général, religieuses en particulier. Elle parle de nos soifs d'aimer et de l'être..
L'auteure pose des questions autour des amours intergénérationnelles, de leurs limites, de leurs moralité, ou légitimité.
Cependant, l'épilogue me laisse sur ma faim, un peu insatisfait. J'aurais préféré que l'auteur laisse la porte ouverte à tous les possibles. Finir par quelque chose comme :
"Je suis encore venu, Romain, corps à corps, coeur à coeur, tellement tout contre. Tu m'aimes, je le sais. J'ai posé tes mains sur ma peau, je les sens qui voudraient, non, qui veulent, mais je les bloque, parce qu'il faut que tu le dises enfin. Après, tu pourras, nous pourrons. J'ai 18 ans maintenant, tu me feras doucement parce que si, en fait je suis vierge. J'ai toujours voulu toi d'abord. Aime-moi, comme tu aimes ta Marie même si c'est pas pareil; ne serait-ce qu'une fois, puisque après tu dois partir. Dis-le moi Romain, parce que c'est vrai, dis-le, dis-le !"
Point.
Oui, laisser plutôt le lecteur dans l'ignorance. C'est le diable qui tente, ou Dieu qui offre ?
Le prêtre se laissera-t-il aller à un instant de grâce ? La vraie chasteté, c'est peut-être d'abord avoir vécu l'amour physique amoureux pour savoir ensuite ce à quoi renonce. Pourquoi refuser un îlot de bonheur qui n'a pas été cherché mais juste offert, qui ne retire rien à personne et fait au contraire des gagants gagnants d'une joie partagée ? Une respiration pour mieux continuer ensuite sa vie en apnée sexuelle ? L'amour véritable se joue de la raison. Si Romain refuse au grand jour que Camille l'a bel et bien conquis, l'intensité de ce qu'il éprouve pour elle, ne risque-t-il pas une frustration telle qu'elle semera son poison tout au long des années à venir ? Et si ce n'est pas pour lui, que ce soit au moins pour Camille, honorer un minimum, au moins une fois, cet amour depuis tant d'années donné, tous ces sacrifices de jeunesse consentis pour lui.
Ou alors plutôt ne pas rompre un serment dans les bras d'une gamine, profiter de la candeur de l'enfance puis de l'adolescence, se parjurer pour un amour amoral et sans lendemain. Quel crédit ultérieur donner à des sermons si on ne sait pas soi-même vivre ce que l'on dit ? Peut-être laisser ouvrir une porte qui pourrait permettre ou excuser bien des faiblesses ulltérieures...
Oui, laisser le dilemme en suspens, laisser le lecteur imaginer ou choisir, car les deux voies sont échec ou réussite, ou les deux tout ensembles.
De toutes façons, on se régale, on en redemande : je me suis surpris à reprendre le livre au début...
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Maman aime mieux sa perruche que moi. Moi aussi j’aime mieux Cricri que ma mère. Nous sommes des rivales égales. Maman et moi, nous ne sommes pas faites pour nous entendre. « Incompatibles », confirme maman. Et parfois, elle ajoute : « Tu vas me faire mourir. » Ça aussi, ça m’est égal.
(Ed. David, p. 27)
Mon frère est par ailleurs devenu un jeune homme très bien, malgré l’exhibitionnisme dont il a été blâmé à l’âge de six ans. Et pour s’assurer que sa vertu soit protégée, maman lui a acheté le livre Ce que tout jeune homme devrait savoir qu’il n’a jamais ouvert, puisque j’ai inséré entre certaines pages des fourmis séchées qui sont restées ensevelies entre les lignes. Pas d’ouvrage équivalent pour les filles. En effet, si tous les jeunes hommes savent, les filles n’ont plus rien à apprendre, car les gars sauront bien partager leur savoir avec elles, en paroles et en actes, pour sauvegarder la vertu.
C’est la prof de littérature française qui me l’a soufflé à l’oreille droite. Je l’ai bien entendue. J’écris bien, j’ai beaucoup d’imagination et une diction impeccable. D’ailleurs, ce sont les seuls trois talents qui m’ont été légués. Ce serait péché de les enfouir. Écrivaine, je serai. Romain sera si fier de moi. Il aime me lire. Mon monde imaginaire l’entraîne dans des ailleurs fascinants. C’est lui qui me l’a dit, en badinant. Farceur. Sa vérité passe par ses blagues parce qu’il refuse de s’apitoyer sur son sort.
Elle a les yeux bleus. Une blonde aux yeux bleus, mère Sainte-Pauline. C’est si rare et tant prisé, une vraie blonde aux yeux bleus : pourquoi se déguiser en corneille ? C’est mal d’enfouir ses talents. Je connais la parabole. Et pourquoi s’est-elle faite religieuse, cette belle Pauline ? Pour expier une faute grave ? Ou peut-être ses parents l’auraient-ils offerte à Dieu en échange d’un enfant mâle, eux qui n’avaient malheureusement engendré que des filles.
J’aime beaucoup le cinéma. Français et étranger surtout, pas américain. Et j’ai vu dans un film une jeune femme qui écrivait des lettres à son amoureux en se servant d’une plume trempée dans le lait sur des feuillets blancs. Quand l’amant recevait sa correspondance, il allumait une bougie et passait la lettre, qui semblait vierge, au-dessus de la flamme. Le lait roussi faisait apparaître une écriture brûlante de passion aux couleurs de mots d’amour.
DANIÈLE VALLÉE, conteuse québécoise d'origine franco-ontarienne, en spectacle au Festival interculturel du conte du Québec • Extrait tourné à Montréal, au Théâtre de l'Esquisse, le 26 octobre 2007, dans le cadre du spectacle « Racontars », une création de Danièle Vallée. Danièle est accompagnée du musicien québécois Jean Cloutier.
« Sous ma fenêtre, il y a la rue. Dans la rue, il y a la vie. Dans la vie, il y a des hommes et des femmes qui ruent. Le matin, je lève le rideau et je suis au théâtre. Entre les enfants qui vont à l'école et les écureuils noirs qui se font écraser, il y a les prostituées, les tueurs à gages... Il y a les miracles. Je vous raconterai... »
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